À contre-courant - Almoravides ou Almohades ?
Almoravides et Almohades, les deux bannières éclatantes de l’histoire du Maroc. Le grand public connaît au moins quelques victoires, Zellaqa et Alarcos, et rattache leur nom à deux capitales, Marrakech et Rabat. Huit siècles plus tard, des résonances existent entre les deux empires et le Maroc actuel. Les Almohades comme les Almoravides ont eu pour piliers l’extension de leur territoire et la réforme religieuse. Aujourd’hui, le Maroc mène des offensives économiques et diplomatiques à l’étranger, et se confronte à la question religieuse. Aussi, les leçons qu’on peut tirer de l’expérience des deux dynasties médiévales valent celles que des cabinets d’audit américains font chèrement payer au gouvernement. Surtout qu’en la matière, les deux empires ont, sur les deux questions cruciales, deux avis opposés.
Youssef Ibn Tachfine, le fondateur de la dynastie almoravide (1060-1147), unifie d’abord la façade atlantique, du Sénégal à la Castille, fondant Marrakech au passage. Puis il se lance à la conquête du Maghreb. Mais, étrangement, son offensive victorieuse ne dépassera jamais Alger (où il construit le Jamaâ Al Kabir, « la Grande Mosquée », le plus vieux monument islamique d’Alger). Au-delà s’étendent deux petits royaumes héritiers des Fatimides, les Hammadides dans le Constantinois, et les Zirides en Tunisie. Les Almoravides ont les moyens de les balayer, ils n’en font rien. Par sympathie ethnique d’abord, les deux dynasties étant des Berbères sanhajas, comme les Almoravides. Par réalisme ensuite, parce que les invasions hilaliennes ont déjà commencé et bouleversent alors la Tunisie. Youssef Ibn Tachfine préfère maintenir deux royaumes alliés comme glacis contre les troubles venus d’Orient.
Les Almohades (1130-1269) procèdent autrement. Comme une inondation tribale, ils s’étendent partout où c’est possible, dans toutes les directions. Des frontières de l’Egypte au Portugal, l’empire est le plus grand que l’Afrique du Nord ait connu. Mais il est d’autant plus fragile. La conquête almohade introduit dans le Maghreb occidental, en Oranie et au Maroc, les tribus hilaliennes qui finissent par ravager son économie et remettre en cause l’ordre public. Surtout, ils s’épuisent à mener de front deux guerres, l’une en Tunisie et en Libye contre les Banu Ghaniya et les Hilaliens, l’autre en Espagne contre la Reconquista. Cet étirement leur est fatal. L’empire meurt de s’être trop étendu.
Le réalisme des Almoravides s’est opposé à la mégalomanie des Almohades dans le domaine religieux également. Les Almoravides, orthodoxes sourcilleux, sont à l’écoute d’une société dont les élites urbaines sont définitivement acquises au sunnisme.
Leur réformisme ne bouscule pas la société, il la seconde plutôt. Les Almohades, au contraire, procèdent à une prédication utopique. Ils vont jusqu’à proposer des pèlerinages alternatifs à La Mecque, voire une autre qibla pour la prière. Leur messianisme agressif, passé l’exaltation de la première génération, se trouve en butte à la sourde hostilité de la population. La ré- forme se termine en persécution et en cafouillage.
“Qui trop embrasse mal étreint” : c’est la première le- çon politique que donnent les Almohades par opposition aux Almoravides. “Qui veut faire l’ange fait la bête” : et voici la seconde, religieuse celle-ci, tirée de l’échec du messianisme des Almohades. Il reste à mé- diter, dans l’actualité politique, ces leçons d’impérialisme réaliste venues des Almoravides, qui jamais n’ont visé plus que ce que la réalité avait à offrir.
Le 27 Juillet 2017
SOURCE WEB Par Telquel
Les tags en relation
Les articles en relation
L’Unesco prête à accompagner le Royaume dans la reconstruction des bâtiments
Elle fait son constat dans les domaines du patrimoine et de l’éducation Soutien L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science e...
“Fès : l’Âme du Maroc – 1200 ans d’histoire” présenté à SM le Roi
Lors de la cérémonie de la Fête de la Jeunesse qui s’est déroulée à M’diq le 21 août 2017, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a reçu une présentation p...
#FEMMES_AYANT_MARQUE_LE_MAROC: Les Femmes Ayant Marqué l’Histoire du Maroc
Tin Hinan, La Reine Des Tuaregs Originaire de Tafilalt au Maroc, Tin Hinan ayant vécu au 4ème siècle est connue pour avoir unifié les tribus Touareg....
Urgence a Tinmel: des archeologues sonnent l'alarme sur la conduite du chantier de la Mosquee
Selon differents témoignages recueillis par Médias24, les matériaux issus de l'effondrement de la mosquée ont été traités et déblayés comme de vulg...
Les Archives, une plaie ouverte au Maroc
Une étudiante de fin d’année en architecture, m’a demandé conseil pour un mémoire qu’elle rédige. Son choix s’est porté sur l’étude d’un anci...
Solidarité avec le Maroc : soutenir aussi le tourisme pour aider concrètement
Au lendemain du tremblement de terre de magnitude 6,8 qui a frappé le 8 septembre à 70 km au sud de Marrakech et qui a été l’un des plus forts et des plus...
Aghmat la mystérieuse, ancienne capitale des Almoravides
Banassa et dirigez vous vers le sud du Maroc. Dans la région de Marrakech, se situe Aghmat, un site archéologique datant du Moyen Age. La région de Marrak...
La réhabilitation du patrimoine passe par le respect de “la valeur de l’histoire” (l’anthro
Propos recueillis par Omar ACHY Agadir – L’architecte et anthropologue Salima Naji juge la conservation, la restauration et la numérisation indispensabl...
Saints de Marrakech #2 : Cadi Ayyad, un érudit «assassiné» par les Almohades
Il est l’un des érudits de l’Occident musulman les plus célèbres de son époque. Né à Ceuta vers 1083, les qualités et l’intelligence de Cadi Ayyad ...
Histoire : Lalla Aziza Seksawiya, la médiatrice des tribus opposantes aux Mérinides
Elle a allié pouvoir politique et aura spirituel, grâce à son savoir religieux. Considérée comme une saliha (amie de dieu), Lalla Aziza Seksawiya a marqué...
#MAROC_REUNION_MINISTERE_INTERIEUR_PROVINCES_DU_SUD: Réunion des walis, gouverneurs et présidents
Ministre de l'Intérieur et le ministre délégué ont tenu, jeudi, une réunion à distance avec les walis, gouverneurs et présidents des conseils élus d...
De la révolte Kharijite à Idriss Ier, ou comment le Maroc a marqué son indépendance de l’Orien
Si la tendance est à la remise en question du pacte d’Awerba comme l’acte fondateur de l’Etat marocain, il serait aujourd’hui temps de revenir sur la q...