Tu vois, on savait, mais on a rien fait. »
Exploitation d'huile de palme à Sumatra. Via Novethic.fr
C’est une première : plus de 15 000 scientifiques de 184 pays différents ont signé en commun un article dans la revue Bioscience mettant en garde contre les conséquences du réchauffement climatique. L’alerte, qui fait la une du journal Le Monde de ce 14 novembre, met en cause le manque criant de mesures concrètes prises par la communauté internationale. Tout le monde parle aujourd’hui de changement climatique, mais qui a le courage de passer aux actes ?
« L’humanité ne fait pas ce qui devrait être entrepris de manière urgente pour sauvegarder la biosphère menacée » s’inquiètent 15.000 scientifiques dans un appel qui paraît dans la revue BioScience. Chimistes, biologistes, climatologues : tous dressent un même tableau inquiétant de la situation. Pour cause, tous les voyants sont dans le rouge en matière de déforestation, de pollution des mers et des océans, de perte de biodiversité… Désormais, finies les tournures alambiquées : c’est bien l’ensemble des écosystèmes de la planète qui sont menacés de déstabilisation et avec eux, toute l’humanité.
Une destruction générale de l’environnement qui pourrait encore être limitée
En 25 ans, la quantité d’eau potable disponible par habitant a diminué de 25 %, pendant que le nombre de zones mortes dans les océans ont augmenté de 75 %. 120,4 millions d’hectares de forêts ont été perdus, essentiellement au profit de l’agriculture et de l’élevage, inversant le rôle des forêts qui aujourd’hui émettent plus de CO2 qu’elles n’en absorbent. Pendant que la population mondiale a augmenté de 35 %, le nombre de mammifères, de reptiles, d’amphibiens, d’oiseaux et de poissons a chuté de 29 %. Nos modes de vie et cette frénésie de croissance détruisent tout sur leur passage.
Relevé des émissions de CO2 depuis 1990.
Alors que la plupart des menaces identifiées « s’aggravent », il serait pourtant encore possible d’inverser la tendance. Les scientifiques estiment ainsi que l’une des pistes est la création de nouvelles réserves naturelles et marines, et qu’il faut préserver la faune et la flore du braconnage et des destructions illégales. Ce sont également nos modes de vie qu’il conviendrait de changer, en se tournant vers un régime moins carné et en produisant notre énergie à partir de sources renouvelables et notre nourriture localement. C’est également une révolution structurelle et culturelle que le monde semble attendre, éloignée du culte de la croissance sans autre sens ni but que la croissance elle même. Encore faudrait-il que les pays du monde entier arrivent à s’attendre sur des objectifs ambitieux et qu’ils s’y tiennent. Et, ici, difficile d’afficher son optimiste.
Les signataires de l’appel s’adressent spécifiquement à la société civile : « Les responsables politiques étant sensibles aux pressions, les scientifiques, les personnalités médiatiques et les citoyens ordinaires doivent exiger de leurs gouvernements qu’ils prennent des mesures immédiates » écrivent-t-ils, appelant de leur vœux « une pression de la société civile ». On peut citer par exemple une ONG irlandaise qui attaque son pays en justice pour inaction face aux sources nationales de pollution.
Des études scientifiques les plus alarmantes les unes que les autres
Les études les plus récentes confirment l’alerte lancée par les scientifiques. Pas plus tard que ce 13 novembre, une étude établissait que les émissions de dioxyde de carbone (CO2) repartaient à la hausse. Cette année, elles augmenteraient de 0,8 à 2,9 % par rapport à 2016 ce qui signifierait l’établissement d’un nouveau et triste record de 41 milliards de tonnes émises. Pourtant les bilans des émissions entre 2014 et 2016 étaient plutôt encourageants, puisque celles-ci étaient restées globalement stables. Les 10 plus gros émetteurs au monde seraient les États-Unis, l’Europe des 28, l’Inde, la Russie, le Japon, l’Allemagne (à elle seule !), l’Iran, l’Arabie saoudite, la Corée du Sud et le Canada. Ce même 13 novembre, un autre rapport montrait que 62 des 241 des sites naturels classés au patrimoine mondial de l’UNESCO sont menacés.
Bien que la prise de conscience générale puisse être saluée comme une bonne nouvelle, difficile de croire qu’une solution politique sera trouvée rapidement. Car, en réalité, cela fait désormais plusieurs dizaines d’années que les preuves scientifiques s’accumulent et établissent le lien entre l’action de l’humanité et le changement climatique. Et pourtant, sur fond de théorie du complot ou de simple bêtise humaine, le scepticisme climatique est toujours autant vivace. Dans le même temps, les réactions politiques se sont faites attendre et ont presque toujours été un bien faible rempart face à la destruction généralisée de l’environnement. On ne badine pas avec l’économie.
L’un des principaux freins est effectivement l’incapacité des représentants politiques à faire primer un quelconque impératif sur les objectifs économiques nationaux. Forcément, personne n’est prêt à se sacrifier, à risquer de voir son niveau de vie reculer : ce n’est pas vendeur chez les électeurs de la classe moyenne. D’autre part, la croyance aveugle dans le « progrès », qui serait porteur de « solutions » techniques, nous entraîne dans une fuite en avant sans fin, où la plupart des nouvelles inventions deviennent le point de départ d’une débauche d’énergie supplémentaire. Il appartient donc aujourd’hui à chacun, « petits » et « grands » de ce monde, d’infléchir ses actes ou oser regarder nos petits enfants dans les yeux en leur disant : tu vois, on savait, mais on a rien fait.
Le 15 Novembre 2017
Source Web : mrmondialisation
Les tags en relation
Les articles en relation
Stress hydrique et souveraineté alimentaire : comment le Maroc compte résoudre l’équation
Dans un contexte planétaire marqué par l'incertitude, où les crises se succèdent et le changement climatique se fait de plus en plus pesant, le défi de...
Face à la Sécheresse Persistante, le Maroc Promeut des Projets Majeurs pour l'Approvisionnement en
Le Maroc fait face à une sécheresse sévère, un stress hydrique et une rareté des précipitations depuis plus de quatre ans. Afin de répondre à cette situ...
CCPI 2024 : Le Maroc, 9ème meilleur pays au monde
Selon le Climate Change Performance Index (CCPI) 2024, le Royaume se classe à la 9ème place au monde en termes d'efforts dans la lutte contre le changemen...
Cobalt : l’ère de l’après pétrole pris dans une bataille entre les États-Unis et la Chine
La Chine semble très bien partie pour verrouiller le marché. Alors que l’urgence climatique pousse les grandes nations à revoir leurs stratégies en m...
Le Maroc face à la pire sécheresse de son histoire
Le Maroc est en train de succomber à une sécheresse longue de plusieurs années. Après avoir asséché les puits dans les campagnes, elle menace les villes. ...
Le plus grand barrage des provinces du Sud presque achevé
Les gros œuvres sont déjà finalisés et le barrage, d’une capacité de 79 millions de mètres cubes, sera livré avant la fin de l’année. Une revue de p...
LIONEL GOUJON : « L’EAU JOUE UN RÔLE CENTRAL DANS L’ATTEINTE DES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT D
La Conférence des Nations unies sur l'eau, du 22 au 24 mars à New York, doit aboutir à un programme d'action audacieux. Lionel Goujon, responsable de...
Repenser la Gestion de l'Eau au Maroc : Stratégies face au Stress Hydrique
Le Royaume a été durement touché par les effets combinés du réchauffement climatique et de la surexploitation des nappes phréatiques, engendrant une crise...
Souss-Massa : renforcement de la capacité de la station de dessalement de Chtouka-Aït Baha
L’ONEE et le ministère de l’Agriculture ont décidé d’avancer la date d’extension de la capacité de l’usine de dessalement mutualisée de l’eau d...
Zagora : Changements climatiques: Appel à améliorer la résilience et l’adaptation des oasis
Le 4ème Forum des oasis et du développement local à Zagora s’est clôturé, samedi, avec l’Appel de Zagora, appelant à l’amélioration de la résilien...
Grand Agadir : 553 MDH pour l’eau potable et l’assainissement
La Régie autonome multiservice d’Agadir (Ramsa) prévoit un investissement total de 553 millions DH dans le cadre de son plan stratégique 2019-2023. En e...
La baisse de la fécondité mondiale : une étude alarmante et ses implications
Une étude publiée aujourd'hui confirme la tendance à la baisse du taux de natalité dans le monde entier, signalant un phénomène presque mondial. Seuls...