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Le Maitre, l’Enseignement et le Devoir – par Rachid Idrissi Kaitouni

Le Maitre, l’Enseignement et le Devoir – par Rachid Idrissi Kaitouni

Il pleuvait à torrent hier dans la matinée. Je n’ai pas cédé aux intempéries pour déroger au désormais rituel de me rendre sur la tombe de Abderahim Bouabid.

Au retour,sous la maigre porte cochère du cimetière,le gardien qui avait suivi mes pas, m’a interloqué pour me dire “ils ne sont pas venus…sa femme et son fils sont passés hier…”

Seul ou avec du monde c’est, pour moi, un devoir de mémoire.

Peu importe ; six pieds sous terre, Abderahim n’en sera jamais mort.

Ou sont-ils, que sont-ils devenus ces centaines de milliers de personnes qui l’ont accompagné jusqu’à sa dernière demeure. Quel vent a dispersé les militants qui juraient de rester les gardiens du sanctuaire du patriotisme. Quelle force a brisé les élans d’enthousiasme que nous garderions le sanctuaire et dissipé les rêves portés par le parti des forces populaires.

En leader, tu avais la latitude non sans peine parfois, mais avec courage, dévouement et abnégation, de tutoyer les événements et les hommes. Tu avais le don de savoir t’entourer et donner le sens de la mesure à tes compagnons : militants de la première heure, résistants, cadres, ouvriers ou étudiants… Tous battaient le pavé pour que vive la démocratie, pour donner un sens à la dignité de l’homme, un contenu au respect des droits citoyens et de l’envergure au projet Maroc.

Qui pouvait réunir, en un seul tour de table, une charge intellectuelle et politique comme celle ou se côtoyaient des Abed Jabri, Mohammed Lahbabi, Mohammed Guessous et autres Mansour et Él Yazghi…Qui pouvait se targuer de réunir,autour de lui des hommes d’envergure tels que Laroui, ou je ne sais quelle autre grosse pointure.

La locomotive qu’il conduisait n’avait pas pour objectif de débarquer des militants ; au contraire, chaque étape était l’occasion d’en accueillir de nouveaux déterminés et enthousiastes.

Qui pouvait parler avec aisance et désinvolture de Max Weber, Sartre et Roland Barthes comme un jeune premier de La Sorbonne. Un homme politique se doit de lire en sortant d’une librairie de Saint Germain des Près qui a appris à ma génération d’étudiants, à Paris, cette célèbre citation de Jean Jaurès: « un peu d’internationalisme éloigne du pays beaucoup en rapproche », pour nous inquiéter davantage de la question palestinienne et des autres questions internationales.

Je ne suis pas allé cueillir des fleurs sur cette tombe austère. Ce cimetière, pourtant marin, ne ressemblait à rien en ce 9 janvier. Le ciel était trop bas pour regarder le large. Il n’est pas question de céder aux sirènes,des temps nouveaux,pour oublier que demain ne sera possible que lorsque aujourd’hui nous aurons bien assimilé hier.

Le 10 Janvier 2018

Source Web : La Lettre

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