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Avortement : Une loi bloquée depuis deux ans malgré les instructions royales

Avortement : Une loi bloquée depuis deux ans malgré les instructions royales

Cela fait deux ans que le projet de loi sur l’avortement a été adopté par le conseil du gouvernement Benkirane. Pourtant, malgré les instructions royales, le projet reste bloqué chez les législateurs. L’émission « Vue d’en haut » a essayé de décrypter le problème. Explications. 

Le projet de loi légalisant l’avortement - dans des cas très restreints d’ailleurs - a été adopté il y a deux ans. Malgré les instructions du souverain, les législateurs ne semblent pas pressés de le faire passer.

« Nous sommes en mars 2018 et je ne comprends pas où est passé le dossier. Théoriquement, allant du secrétaire général du gouvernement où il a été rédigé, il est transmis au conseil de gouvernement où il a été adopté en mars 2016. À partir de là, il devrait aller au Parlement pour être discuté en commission puis en deuxième chambre et enfin adopté définitivement », s’indigne le professeur Chafik Chraïbi, président de l’Association  Marocaine de Lutte contre l’Avortement clandestin (AMLAC). C’est, d'ailleurs dès 2015, à travers le professeur Chafik Chraïbi que le débat sur l’avortement avait été relancé. En effet, suite à un reportage diffusé sur une chaîne française qui dénonçait les avortements clandestins au Maroc, et où le président de l’AMLAC était la principale source témoignant à visage découvert, une vive polémique avait contribué à l’ouverture d’un débat, pour le moins houleux, conduisant à une légalisation (très) partielle des IVG.

« Cela fait deux ans, jour pour jour, qu’il y a des victimes qui continuent de tomber à cause des grossesses non désirées et à causes des problèmes dus à l’avortement et à ses complications. Je ne comprends pas pourquoi on ne donne pas la volonté qu’il faut pour, justement, que ce projet sorte », dénonce Chafik Chraïbi.

Des chiffres alarmants et des grossesses « honteuses »

Selon l’étude la plus récente réalisée par l’Association marocaine de la planification familiale, ce sont plus de 800 avortements clandestins qui sont pratiqués par jour au Maroc. Ces cas d’interruption volontaire de grossesse concerneraient une moyenne de 8 femmes sur 1000 âgées de 15 à 44 ans. Les décès, dus essentiellement au manque d’hygiène et de sécurité, représenteraient quant à eux un taux 2,4%. 5,5% de plus décèdent des suites de complications. Ces chiffres inquiétants seraient par ailleurs inexacts et bien en-deçà des réalités, comme l’avait souligné Chafik Chraïbi au moment de leur sortie.

« Selon l’OMS ce sont 200.000 avortements clandestins par an au Maroc, 26 enfants sont abandonnés parmi les 150 qui naissent tous les jours hors liens du mariage », rappelle l’animateur. Des chiffres, alarmants, en plus d’une honte persistante chez les femmes qui vivent des grossesses non désirées et qui recourent à des pratiques dangereuses. « Il y a beaucoup de gêne dans ces grossesses qualifiées de honteuses. Ce sont des femmes qui cachent leurs grossesses, qui sont dans un état de détresse psychologique effroyable et qui viennent dans les cabinets et les hôpitaux pour appeler à l’aide. D’autres, partent subir des avortements clandestins et ce sont des actes pourvoyeurs de morbidité et d’une mortalité maternelle considérable », s’alarme Nadia Meziane, gynécologue et obstétricienne.

Un débat qui inverse, négativement, les tendances

« C’est maintenant que les choses sont compliquées », explique Chafik Chraïbi. Le professeur précise que si, auparavant, l’avortement se pratiquait par certains médecins de manière ouverte, voire décomplexée au vu et au su de tous, les choses ont aujourd’hui changé. Avant, les autorités fermaient les yeux et n’intervenaient qu’en cas de force majeure (notamment des suites de complications, entraînant le décès d’une patiente, par exemple) mais l’ouverture du débat, selon le président le l’AMLAC, aurait eu pour effet un inversement des tendances pour le moins contradictoire.

Le projet de loi, au point mort aujourd’hui, bien qu’il autorise les avortements dans des cas précis, ne solutionne pas la problématique. En effet, autorisé pour les victimes de viol ou d’inceste, en cas de troubles mentaux de la mère ou de malformation fœtale, ces cas, ne dépassent pas un taux de 15% de grossesses non désirées. De plus, même dans les cas autorisés par cette loi, ni la liste des troubles mentaux, ni la liste des malformations fœtales n’ont été établies. Des aberrations parmi d’autres pendant que les législateurs ne semblent pas pressés de trancher.

Le 09 mars 2018

Source Web : Les Infos

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