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OCP: 100 MMDH d'investissements et des interrogations

OCP: 100 MMDH d'investissements et des interrogations

Annoncés au courant de cette semaine, les résultats d’OCP font état d'une croissance de 14% de son chiffre d’affaires. Toutefois, l’Ebitda a accusé un repli passant de 30% à 26% en 2017. Le groupe consent chaque année des milliards de DH d’investissements mais la rentabilité ne suit pas le même rythme. La stratégie du groupe ferait-elle fausse route?

Le Groupe OCP clôture l’année 2017 avec des résultats qui ont suscité des interrogations sur la place. Le management annonce de son côté la Vague II de son programme d’accroissement des capacités.

Sur la période 2018-2027, OCP compte engager près de 100 MMDH d’investissements, avec l'objectif de capter 50% de la demande mondiale additionnelle dans le monde.

Au cours du déploiement de la Vague I, de 2008 à 2017, le groupe avait investi 75 MMDH. Une enveloppe qui lui a permis d’accroître significativement sa capacité de production, avec notamment la construction de nouvelles unités de fertilisants et d’un pipeline reliant la mine de Khouribga au complexe chimique de Jorf Lasfar (la plus grande plateforme de fertilisants au monde).

Autant de réalisations qui se répercutent positivement sur l’accroissement de ses exportations.

Les exportations à destination de l’Afrique ont connu de leur côté une progression de 50%. Des résultats encourageants à la lumière de la croissance mondiale de la demande en engrais, qui progresse chaque année de 2 à 3%.

Que disent les chiffres en première lecture?

En 2017, les engrais ont représenté 54% des ventes totales, la roche 21% et enfin 15% pour l'acide phosphorique.

Les premiers chiffres de l'exercice 2017 publiés jeudi 22 mars, sont les suivants:

-Le chiffre d'affaires atteint 48.503 millions de dirhams contre 42.471 millions de dirhams en 2016.

-L'EBITDA s’établit à 12.722 millions de dirhams, stable par rapport aux 12.777 millions de dirhams observés en 2016.

-La marge d'EBITDA est de 26% contre 30% en 2016.

-Les dépenses d'investissement s’élèvent à 9.045 millions de dirhams.

-A fin 2017, le RNPG a progressé de 21% atteignant ainsi 4,6 MMDH contre 3,8 MMDH un an auparavant.

Un financier: "Résultats très corrélés au cours"

Un financier réagit: "La transformation industrielle du groupe, financée par un endettement colossal, ne change pas la donne. Les résultats restent très corrélés au cours des phosphates. L'impact de la valeur ajoutée industrielle est mariginal et ne justifie pas la stratégie suivie".

Notre interlocuteur fait allusion aux 75 MMDH d'investissements de la vague I, entre 2008 et 2017. Au cours de l'année dernière seulement, 9 MMDH d'investissements ont été réalisés par le groupe.

L'endettement du groupe est de 50 MMDH.

A quoi ont servi les 75 MMDH d'investissements?

Réponse d'OCP:

-Doubler la capacité minière

-Tripler la capacité d’engrais: La 4ème usine d’engrais, JFC 4, est achevée et la capacité de cette unité de granulation sera amenée sur le marché courant 2018.

-Construire le pipeline. En 2017, les coûts de production sont en amélioration grâce à la montée en puissance du pipeline, lequel génère des économies de coûts totales de 1,7 MMDH en 2017 contre 1 MMDH en 2016. Les volumes transportés ont significativement augmenté (14,1 MT en 2017 vs 10,05 MT en 2016). Depuis 2014, les gains cumulés grâce au slurry pipeline sont de 3,7 MMDH.

-Développer la plateforme de Jorf Lasfar.

Une source du management résume l'apport de la Vague I comme suit:

-leadership par la capacité;

-leadership par les coûts (OCP a le prix de revient le plus bas du marché);

-flexibilité sur les produits (par exemple, flexibilité commerciale et industrielle sur les engrais, où le groupe produit actuellement une quarantaine de formules).

"Nous avons réussi la première vague qui s'est déroulée comme prévu, moyennant quelque driving sur les délais. Nous avons aujourd'hui la capacité et la crédibilité. Dès que nous faisons une annonce, elle est dissuasive. Le marché a confirmé notre vision. Grâce à notre JV avec Jacobs, nous avons aujourd'hui 1.500 ingénieurs de haut niveau et donc la capacité de concevoir et réaliser au plus bas coût. Nous construisons des usines au pire deux fois moins cher que sur le marché international", affirment nos sources au sein du management d'OCP.

Logique de prix ou de volume?

Si la hausse des exportations de l'OCP est au rendez-vous, portée par l'accroissement de la demande mondiale, nombre d’observateurs se sont toutefois interrogés sur la dégradation de l’Ebitda qui a accusé, encore une fois, un repli en 2017 passant de 30% à 26%.

Une baisse que le management d'OCP explique par la poursuite de la baisse des cours mondiaux (situation de sur-offre causée par la Chine ces dernières années) et de la hausse des charges notamment suite aux investissements.

La marge d'EBITDA de 26% est certes toujours confortable, la moyenne mondiale dans le secteur étant de 15% selon nos interlocuteurs OCP. Mais il est clair qu'à volume constant, OCP rapporte de moins en moins d'argent alors qu'il continue à investir massivement.

Le top management d’OCP assure à Médias24 que les retombées financières de la Vague I, 2008-2017, ne commenceront à porter leurs fruits qu’à partir de cette année: "nous avons commencé à décaisser avant d'encaisser l'EBITDA".

2018 verra aussi la fin du cycle baissier des cours des phosphates, espère le management du groupe. Avec un rebond des prix qui sera encore plus prononcé eu égard à la baisse de la production chinoise parallèlement à la fermeture d’unités de fertilisants aux USA.

Autant de facteurs qui, en théorie, confortent OCP dans son ambitieux plan de développement et la conquête d’un marché mondial dont les besoins en fertilisants ne cessent de croitre – tirés par la démographie et la nécessité d’augmenter les rendements agricoles.

Dans les années 2008 à 2010, OCP a voulu peser sur la production et donc sur les prix de vente, pour les tirer vers le haut et améliorer sa marge. Il est arrivé qu'un ou des centres de production soient fermés pour ne pas vendre à bas prix et pousser les prix à la hausse.

Cette tactique n'est pas toujours soutenable. Aujourd'hui, le discours est différent: Les prix de revient d'OCP sont parmi les plus bas au monde, voire les plus bas. Des prix élevés sont en faveur de nombreux producteurs étrangers dont ceux de la Chine ou des USA. Des usines ont fermés aux Etats-Unis. 70% de l'industrie chinoise a perdu de l'argent en 2016.

Les cours mondiaux de phosphate sont autour de 86$ la tonne à fin février 2018, alors que des projections faisaient état d’un cours supérieur à 100$.

source : Index Mundi

Au final, on peut dire qu'OCP parie sur le long terme, renonce à une meilleure rentabilité immédiate pour devancer ses concurrents et capter le maximum de la croissance mondiale. Cela en investissant massivement dans des unités de production compétitives et en misant sur l'intégration.

Les finances du Groupe le permettent pour le moment et le management est déterminé à poursuivre cette stratégie. Sera-t-elle payante? La rentabilité s'ameliorera-t-elle de façon pérenne ? Les prochaines années nous le diront...

Qu'apporte OCP au budget de l'Etat?

4 à 5 MMDH par an, entre dividende (OCP est une S.A. et l'Etat est actionnaire) et I.S. (Impôt sur les sociétés).

Certes le groupe a toujours été très actif dans le développement socio-économique de ses régions d’implantation, allant même jusqu’à construire de nouveaux pôles urbains ex nihilo. L'apport à Khouribga, à Benguérir (dont l'université Mohammed VI et la ville verte). Mais aucune redevance n’est versée en contrepartie du monopole du groupe sur les plus importantes réserves mondiales de phosphates.

Lorsque l’on consulte la LF 2018, les prévisions de dividendes OCP ne dépassent pas les 2 MMDH. A titre de comparaison, les produits de l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie s’élèvent à 3 MMDH…

A quoi servira la Vague II?

-Une "vaguelette" qui va se traduire par une capacité additionnelle de 3 MT d'équivalent DAP.

-Suivie d'une "grosse deuxième vague" où 75 MMDH seront investis dans l'axe central, entre El Gantour et Safi.

-une usine chimique à Laâyoune.

-les investissements en Afrique subsaharienne, au Nigéria et en Ethiopie.

Ce plan d'investissement sur dix ans, permettra selon OCP, de capter 50% de la croissance du marché mondial. C'est un plan de 100 MMDH. En 2027, la capacité de production d'engrais aura doublé, passant de 12 MT à 25 MT.

Comment sera financé ce programme?

La rumeur du marché à Casablanca, voudrait qu'OCP lance une émission obligataire au milieu de cette année 2018. Ce que le management refuse de commenter. Selon des sources sur le marché, il s'agit d'une levée de 1 MMDH sur le marché local, en obligations perpétuelles comme en 2016.

Pour financer son ambitieux programme d’investissement, OCP recourt à quatre sources principales:

-L'autofinancement: réinjection des cash-flows.

-Les financements concessionnels: AFD, KFW, Banque islamique de développement...

-Le financement bancaire.

-Le financement obligataire: en recourant aussi bien au marché domestique (2011 et 2016) qu’à l’international (2014 et 2015).

On peut se demander si l’ampleur du programme d’investissement OCP ne risque pas de trop alourdir le niveau d’endettement du groupe.

L’endettement net d’OCP est de 50 MMDH, avec un ratio dette/EBITDA de 3,5. De plus, OCP espère récupérer, sous une forme à définir, les 20 MMDH de crédit TVA qui représentent 20% de l'enveloppe de la vague 2.

Du côté du top management, on assure qu'OCP dispose toujours de l’attractivité nécessaire pour séduire les investisseurs – le phosphatier étant noté BBB- (investment grade) par deux agences internationales.

Le 24 mars 2018

Source Web : Médias 24

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