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Violences faites aux femmes: la loi entre en vigueur dans dix jours

Violences faites aux femmes: la loi entre en vigueur dans dix jours

La loi 103-13 sur les violences faites aux femmes sera applicable dès le 13 septembre. Rappel des principales dispositions.

La loi relative à la lutte contre les violences faites aux femmes entre en vigueur le 13 septembre, soit six mois après sa publication au Bulletin officiel. Il a fallu une décennie de débats, d’hésitations et de controverses pour qu’enfin soit applicable ce texte perfectible, mais nécessaire.

L’événement a donc son importance. Avec un contexte qui dit tout: Homicide, viol, abandon… En 2017, elles ont été 16.690 à subir -sur la base des déclarations- des sévices différents dans leur nature, certes, mais tous liés à leur condition de femmes. Et l’actualité plus récente est un rappel des plus macabres: le Maroc est secoué par «l’affaire Khadija», mineure séquestrée, violée et maltraitée par un groupe d’individus dans le village d’Oulad Ayad.

Dans la sphère judiciaire, le nouveau dispositif est pris très au sérieux. Son application sera suivie de près par le Chef du parquet. Dans une note diffusée le 28 juin 2018, Mohammed Abdennabaoui avait enjoint les procureurs à la mise en marche effective de la loi, ordonnant par ailleurs que lui soit transmis un rapport détaillé à l’issue de l’année suivant son entrée en vigueur.

Il ne s’agit pas d’une loi autonome. En ce sens que son contenu vient modifier et compléter celui de textes déjà existants (le code pénal et celui de procédure pénal). De nouvelles infractions ont été ainsi ajoutées. Déjà réprimées, d’autres ont vu leur sanction aggravée quand la victime est une femme. Le tout en posant un cadre procédural et institutionnel, notamment en matière de prise en charge des victimes (commissions nationales, régionales et locales).

Le harcèlement dans ses différentes variantes

Avant la loi 103-13, le code pénal ne reconnaissait le harcèlement sexuel que lorsqu’il était couplé avec un abus d’autorité conférée par une fonction. Ce qui excluait de facto toute autre variante d’un comportement aux manifestations pourtant multiples.

Le nouveau dispositif alourdit non seulement la sanction prévue pour le harcèlement dans son ancienne acception (la peine maximale devient de 3 ans de prison au lieu de 2 ans), mais élargit également le spectre des agissements pouvant être qualifiés comme tel.

Est ainsi incriminé quiconque «persiste à harceler» dans les espaces publics ou autres, par des agissements, des paroles, des gestes à caractère sexuel ou à des fins sexuelles. Le coupable est puni d’un emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende de 2.000 à 10.000 dirhams ou de l’une de ces peines seulement. Idem si l’infraction est consommée par le moyen de messages écrits, téléphoniques ou électroniques, des enregistrements ou des images.

Ces peines peuvent être aggravées en fonction de la qualité de l’auteur. Par exemple, la sanction est portée au double s’il s’agit d’un collègue de travail et atteint cinq ans d’emprisonnement si le harcèlement sexuel est commis par un ascendant, un proche ayant avec la victime un empêchement à mariage, un tuteur, un kafil ou si la victime est un mineur.

Mariage forcé, incrimination conditionnée par une plainte

L’incrimination du mariage forcé est l’autre nouveauté phare de la loi. Le recours à la «violence ou à des menaces» constituent les éléments matériels de cette infraction. Laquelle est passible d’un emprisonnement de six mois à un an et d’une amende de 10.000 à 30.000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement.

Le statut de la personne contrainte au mariage peut conduire à durcir des sanctions. Elles seront doublées si l’infraction est commise sur «une femme à raison de son sexe» ou sur «une femme mineure, en situation de handicap ou connue pour ses capacités mentales faibles».

Là aussi, la poursuite ne peut être engagée que sur plainte de la victime. Par ailleurs, le retrait de cette plainte éteint de droit l’action publique ou les effets de la condamnation, si elle a été prononcée.

Injure et diffamation sexistes                          

Les injures à caractère sexiste font leur entrée dans le corpus pénal, qui punit désormais toute «injure proférée contre une femme en raison de son sexe». La sanction dans ce cas consiste en une amende pouvant atteindre 60.000 dirhams, sans compter les dommages-intérêts consécutifs à une action civile.

«La diffamation proférée contre une femme en raison de son sexe» est également acceptée comme infraction à part entière. Comme pour l’injure, la loi ne prévoit pas de sanctions privatives de liberté. La diffamation, si elle est établie, implique une amende de 12.000 à 120.000 dirhams. Là aussi, c’est sans préjudice d’éventuelles réparations civiles.

Atteinte à l’image et à la vie privée

Quand la victime est une femme, le nouveau texte se montre particulièrement sévère lorsqu’il s’agit d’atteinte à l’image et à la vie privé. Intercepter, enregistrer, diffuser des paroles ou des informations émises dans un cadre privé ou confidentiel, et sans le consentement de l’auteure, sont des comportements passibles d’un à 5 ans de prison. Et ce, peu importe les canaux de diffusion, y compris informatiques.

L’incrimination s’étend également aux photographies ou montages de photos d’une femme se trouvant dans un lieu privé, dès lors qu’ils sont enregistrés ou distribués sans le consentement de la concernée. Aussi, la diffusion de fausses allégations ou de faits mensongers ouvre la voie aux mêmes sanctions.

Cession des biens de mauvaise foi

A défaut d’incriminer le vol entre époux, le nouveau texte réprime «la dissipation ou la cession des biens de mauvaise foi». Ici, l’intention de nuire à l’autre conjoint ou aux enfants, mais encore la volonté de contourner les règles relatives à la pension alimentaire peuvent, entre autres, être retenues comme éléments matériels.

Cette nouvelle infraction est punie d’un emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende de 2.000 à 10.000 dirhams. La prison ou l’amende sont substituables, de sorte que le juge peut choisir de condamner l’auteur à l’une ou l’autre. Seulement, «la poursuite ne peut être engagée que sur plainte du conjoint lésé. Le retrait de la plainte met fin aux poursuites et aux effets de la décision judiciaire ayant acquis la force de la chose jugée, si elle a été prononcée».

L’aide au suicide, jusqu’à dix ans quand la victime est une femme

Aider une personne à préparer son suicide ou lui en fournir l’instrument est passible de cinq ans de prison si la victime met effectivement fin à sa vie. L’apport de la nouvelle loi réside dans le durcissement de la peine lorsque l’infraction est commise contre une femme en raison de son sexe ou commise par un époux contre son conjoint ou lorsque l’auteur est un ascendant, un descendant, un frère, un kafil, un conjoint divorcé, un fiancé, un tuteur… auxquels cas les juges peuvent prononcer jusqu’à dix ans de réclusion.

Les mesures de sûreté personnelles

L’interdiction au condamné d’entrer en contact avec la victime et sa soumission à un traitement psychologique viennent étoffer la liste des mesures de sûreté personnelles (interdiction de séjour, relégation, etc.).

A ce titre, en cas de condamnation pour harcèlement, agression, exploitation sexuelle, maltraitance ou violences commises contre des femmes, la juridiction peut interdire au condamné :

-de contacter la victime ou ;

-de s’approcher du lieu où elle se trouve ou ;

-de communiquer avec elle par tous moyens.

L’interdiction peut être temporaire (sans dépasser cinq ans) ou définitive. Elle peut également survenir avant même la condamnation; le ministère public, le juge d’instruction ou la juridiction pouvant l’ordonner au stade de la poursuite et ce, d’office ou à la demande de la victime.

La conciliation entre les conjoints met fin à l’interdiction de contacter la victime.

Publier Le 3 septembre 2018

Source web par: medias24

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