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Essaouira : vous avez dit Gnaouas ?



VIDÉO. Alors que l'Unesco va se pencher sur la question de l'inscription de la musique gnaoua au patrimoine immatériel de l'humanité en décembre prochain, la cité des alizés a reçu en juin dernier la 22e édition de son désormais célèbre festival de musique. Par notre envoyée spéciale à Essaouira, Yasmina Lahlou

Ce ne sont pas moins de 300 000 personnes qui ont répondu présent cette année pour vibrer au son de la musique gnaoua mais aussi d’autres musiques du monde selon la terminologie utilisée pour matérialiser la démarche d’ouverture artistique qui sied au Festival d’ Essaouira.

À partir du 24 juin, trois jours et trois nuits durant, affluence et effervescence ont été au rendez-vous dans une communion exceptionnelle. De quoi faire incontestablement de cette édition une des plus réussies depuis son lancement, en 1998, et consolider par ailleurs son caractère populaire. Parmi les spectateurs venus assister aux concerts, les grands-parents, parents et enfants se côtoient. « Nous avons voulu créer un événement gratuit, un espace de liberté, ouvert et fédérateur. Aujourd'hui, nos attentes de départ sont largement dépassées », expliquent les organisateurs.

La preuve du succès populaire du Festival : la présence de touts-petis enfants avec leur grand-père.

© Sonia Maria Edwards.

Une scène plurielle et dense

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la programmation a fait vibrer les mélomanes. La scène place Moulay-Hassan, celles de Borj Bab Marrakech ou de la plage, et d'autres lieux encore ont accueilli de nombreux concerts, dont la rencontre musicale du Maâlem Hassan Boussou avec le groupe cubain Osain Del Monte. Un concert métissé, un hommage aux racines africaines qui a sonné comme une évidence. Yoruba et Gnaoua ont fusionné à merveille. Ce furent ensuite le maâlems Omar Hayat et le griot de l'afro pop, le Guinéen Moh Kouyaté qui firent dialoguer la guitare et le guembri (luth à trois cordes), les sources mandingues et les inspirations pop jazz.

Parmi les festivaliers, de nombreux subsahariens.

© Sonia Maria Edwards.

Après, cela a été au tour du groupe de blues touareg malien Tinariwen, les maâlems Mustapha Bakbou et Hamid El Kasri, qui a partagé la scène avec deux stars de la scène world : Susheela Raman et Hindi Zahra. La diva Nabylaa Maan et la danseuse de flamenco Maria del Mar Moreno ont formé un envoûtant duo de musique andalouse. Autant de concerts qui ont porté de belles ondes et de belles énergies. D'autres concerts, plus intimistes, ont pris place dans les plus beaux riads de l'antique Mogador (Dar Souiri, Dar Loubane...).

Des expositions et conférences en sus

Outre la quarantaine de concerts, libres d'accès et gratuits pour la plupart, sur six scènes à travers la ville, dans divers lieux culturels, riads, ruelles de la médina et autres places publiques, la programmation fut enrichie notamment par une exposition hommage à Randy Weston, des conférences-débats proposées par le Forum des droits de l'homme le matin et des échanges sous l'Arbre à palabre l'après-midi.

Un hommage particulier a été rendu à Randy Weston qui fut très attaché aux cultures africaines.

© Sonia Maria Edwards.

Un impact économique fort

Autant de manifestations qui ont aussi contribué à dynamiser l'économie de la ville. « Un mirage en bleu et blanc où les êtres humains semblent s'aimer entre eux », dit d'ailleurs l'écrivain Mahi Binebine dans son roman Rue du Pardon paru en mai 2019 aux éditions Stock. Selon une récente étude réalisée par la Fondation Valyans, chaque dirham investi pour le festival en génère 17 (1,5 euro) de retombées directes. Car oui, la culture est un moteur de développement ! C'est ce dont chaque édition fait la démonstration depuis 1998, offrant à Essaouira une vitrine exubérante et luxueuse lui assurant visibilité mondiale et essor économique. « Grâce à la dynamique enclenchée, le nombre d'hôtels, de restaurants et d'infrastructures a plus que triplé en vingt ans », explique Neila Tazi, la fondatrice du festival.

Un danseur gnaoua dans Essaouira.                              

© Sonia Maria Edwards

Le tourisme, le commerce et l'artisanat en sont les grands bénéficiaires. La cité a vu fleurir maisons d'hôtes, riads et hôtels en passant de 9 établissements à 160 entre 1998 et 2008. Quant aux restaurants, ils sont passés de 7 à 64 sur la même période. Et les recettes municipales enregistrées pendant le festival représentent l'équivalent du budget annuel de la mairie.

Gnaoua, patrimoine immatériel de l'humanité

Créé en 1997 pour promouvoir la culture des Gnaouas, des descendants d'anciens esclaves emmenés au Maghreb lors de la traite en Afrique subsaharienne du VIIIe au XIXe siècle, mais aussi pour mettre en valeur un lieu de fusions musicales, de rencontres, de dialogue, de tolérance et de paix, le Festival gnaoua et des musiques du monde a clôturé sa dernière édition le 24 juin avec à l'esprit la décision attendue de l'Unesco d'inscrire ou pas la culture gnaoua au patrimoine oral et immatériel de l'humanité. Une ambition portée par l'association Yerma Gnaoua (« en avant les Gnaoua, en bambara du Mali et dialecte gnaoui), fondée par de grands mâalems gnaoua et Neila Tazi, la productrice du festival. Réponse en décembre 2019, lors de la 14e réunion annuelle de la commission de l'Unesco.

Le 11/07/2019

Source web Par Le Point

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