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« La taxe carbone est la solution la plus efficace pour atténuer le changement climatique »

« La taxe carbone est la solution la plus efficace pour atténuer le changement climatique »

Plus le temps de tergiverser, les générations actuelles doivent faire des sacrifices au profit des générations futures. Pour Christian Gollier, même si elle n’est pas parfaite, la meilleure solution pour la transition écologique est la taxe carbone.

Selon vous, les politiques publiques mises en œuvre pour réduire la pollution sont-elles à la hauteur des enjeux, notamment dans les pays en développement ?

Les normes environnementales dans les pays en développement sont évidemment plus réduites que dans les pays dits développés. Cette donnée factuelle vérifie l’hypothèse émise par la courbe de Kuznets : la pollution augmente drastiquement aux stades inférieurs du développement, puis de manière plus atténuée dès qu’un certain seuil est atteint. Une société n’a tendance à se soucier de la réduction de la pollution qu’après avoir atteint un certain seuil de développement. Cela dit, nombre de politiques publiques mises en œuvre depuis des décennies pour réduire la pollution se révèlent aussi peu efficaces qu’excessivement coûteuses pour le consommateur dans les pays qui se soucient de cette problématique. Prenons l’exemple de la politique de subvention au développement des panneaux photovoltaïques, lancée en 2010 par le gouvernement de François Fillon. Le but était de faire bénéficier les foyers qui s’équipaient d’une garantie de revente de l’électricité produite à EDF, à un prix préférentiel et pendant les vingt années suivantes. En 2010, le prix était de 60 centimes par kilowattheure (kWh), soit dix fois le coût moyen de production de l’électricité en Europe. On a ainsi multiplié par dix le coût de l’électricité dans le pays pour une économie de 400 grammes de CO2 ! Cela revient à dépenser plus de 1 300 euros par tonne de CO2 évitée, c’est-à-dire plus de vingt-cinq fois la taxe carbone que les Français ont massivement refusé de payer l’hiver dernier. Qui plus est, ce surcoût s’est retrouvé in fine sur la facture d’électricité des ménages !

Pourquoi la mise en place d’une taxe carbone est-elle pour vous la stratégie la plus efficace pour limiter les émissions de CO2 à l’échelle mondiale ?

Ce mécanisme est fondé sur le principe pollueur-payeur qui est aujourd’hui largement accepté. C’est la solution la moins attentatoire au pouvoir d’achat pour atteindre l’objectif global de réduction drastique des émissions de CO2. En effet, la taxe carbone envoie un signal-prix aux agents économiques pour que les externalités négatives qu’ils causent à l’environnement et à autrui soient le critère d’arbitrage de leurs choix. C’est donc une incitation positive à réduire leurs émissions de carbone, qui pousse à privilégier des comportements moins coûteux en énergie fossile. Rappelons que la majorité des économistes du climat estiment que fixer le prix de la taxe carbone autour de 50 euros constitue l’estimation la plus juste de l’impact du CO2 sur les générations futures.

Quels doivent être les périmètres d’application de cette taxe carbone pour qu’elle soit efficace ?

La taxe carbone doit être universelle et concerner tous les agents économiques, ménages comme entreprises. On voit bien comment les exonérations de taxe carbone dont bénéficient, par exemple, le transport aérien ou les transporteurs routiers ont engendré en partie le fort sentiment d’injustice fiscale à la source du mouvement des Gilets jaunes. Inversement, toute augmentation du coût de production pour les entreprises est synonyme d’augmentation du prix final pour les consommateurs. L’argument selon lequel on préserverait le pouvoir d’achat des ménages en limitant la taxe carbone aux entreprises est une illusion d’optique. C’est la même chose pour la proposition parfois avancée de taxer uniquement les entreprises importatrices d’hydrocarbures : cela aurait nécessairement une répercussion sur les prix à la pompe.

Quels sont les leviers pour que la taxe carbone soit socialement acceptable ?

On sait que l’incidence de la transition écologique sur le pouvoir d’achat est essentielle : il faut prendre en compte cet élément quand on met en place des mesures contre le réchauffement climatique. Sans acceptation sociale générale, la transition n’aura pas lieu. Or, proportionnellement, la taxe carbone impacte davantage les ménages les moins aisés, dont une part plus importante des revenus est consacrée aux dépenses d’énergie. Ces inégalités supplémentaires générées par la taxe carbone doivent absolument être compensées par un chèque vert ou un chèque énergie qui serait limité aux ménages les plus vulnérables. D’une part, on maintient l’efficacité du signal-prix pour tous les agents économiques ; d’autre part, on compense la perte de pouvoir d’achat des plus pauvres. Comment les pays en développement peuvent-ils mettre en place une taxe carbone alors que la majorité de leurs habitants n’en ont pas les moyens ? Il est évident que les pays en développement ont des priorités a priori plus urgentes que la transition écologique dont les effets seront visibles d’ici en moyenne quatre-vingts ans. Pour autant, quel que soit l’endroit du monde où est émise la tonne de CO2, le dommage pour l’humanité tout entière est le même. Aujourd’hui, un Américain émet 18 tonnes de CO2 par an tandis qu’une personne vivant en Afrique en émet à peine 100 kilos chaque année. Pour réduire ce déséquilibre, un certain nombre d’économistes, dont je fais partie, proposent la mise en place d’un marché mondial où chacun sur la planète recevrait à la naissance une même quantité de permis d’émission de gaz à effet de serre (GES). Où que vous viviez, vous auriez le droit d’émettre environ 4 tonnes de CO2 par an, et si vous voulez en émettre plus, vous devriez acheter des permis supplémentaires à d’autres citoyens du monde. Les habitants des pays développés seraient contraints de racheter leur excédent de permis aux habitants des pays en développement. En fixant le prix de la tonne de CO2 à environ 50 euros et en réduisant progressivement le nombre de permis, un tel mécanisme réduirait les émissions de GES. Il générerait aussi des transferts de revenus rapides et massifs des pays riches vers les pays pauvres. Selon nos estimations, la République démocratique du Congo (RDC) obtiendrait par exemple près de 20 milliards de dollars par an de revenus supplémentaires. L’Afrique du Sud, premier pollueur du continent africain selon Greenpeace, vient de mettre en place une taxe carbone.

Est-ce selon vous une étape significative dans la prise de conscience de l’urgence climatique ?

Malheureusement, un pays ne peut pas faire face à l’urgence climatique seul, même si la mise en place de cette taxe carbone est une bonne nouvelle dans un contexte où les signaux ne sont pas très positifs. Le Fonds vert pour le climat, dont le but était de mettre en place des projets de lutte contre les effets des changements climatiques dans les pays les plus vulnérables, est un échec. L’objectif était de mobiliser 100 milliards de dollars par an entre 2010 et 2020. À peine la moitié a été collectée en dix ans. Quelles sont les mesures économiques et financières autres que la taxe carbone qui pourraient être mises en place pour limiter les émissions de carbone ? Les grandes conférences internationales dont le consensus se trouve toujours sur le plus petit dénominateur commun ont sans doute fait leur temps. Pour ma part, je souscris pleinement à l’idée avancée par le prix Nobel d’économie 2018 William Nordhaus et d’autres économistes : il faut limiter le projet aux pays les plus ambitieux et créer une coalition verte avec un prix interne du carbone. Une taxe aux importations compléterait le système. Cela inciterait non seulement les autres pays à rejoindre cette zone verte, mais la protégerait également de la fuite de carbone (les transferts de productions vers des pays aux normes environnementales moins contraignantes). De toute façon, nous n’avons plus le choix si nous voulons vraiment limiter le réchauffement climatique à 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici 2100. Mettre en place une taxe carbone et un prix mondial du carbone lié à un marché international des permis d’émissions est le mécanisme le plus efficace pour modifier les comportements et atténuer le changement climatique.

Source web Par ideas4development

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