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TOURISME Aérien Maroc: Low cost or not Low Cost

TOURISME Aérien Maroc: Low cost or not Low Cost

Pourquoi Royal Air Maroc, alors qu’elle est à court de liquidités, qu’elle réalise un programme de départ de 650 employés et qu’elle doit d’abord s’en sortir elle-même, devrait créer maintenant une compagnie low cost. Cela pourrait sembler incongru. Et bien non, bien au contraire, c’est le moment idéal. 

C’est le moment pour RAM de créer une compagnie low cost

Diplômé de l’ESCAE Dijon en 1982, Jalal Imani, à travers une carrière de 37 ans dans l’aérien et le tourisme, est un expert et fin connaisseur de ces secteurs. A Royal Air Maroc, il a été représentant en Belgique, en Espagne, en Italie, directeur Afrique à Dakar. Egalement sous-directeur marketing et communication, DG Atlas Catering, DG Amadeus Maroc, DG RAM Academy. Il a aussi été directeur commercial et marketing à Accor Maroc, directeur des opérations, délégué Afrique à l’ONMT basé à Dakar et DG de la CNT

Pourquoi Royal Air Maroc, alors qu’elle est à court de liquidités, qu’elle réalise un programme de départ de 650 employés et qu’elle doit d’abord s’en sortir elle-même, devrait créer maintenant une compagnie low cost. Cela pourrait sembler incongru. Et bien non, bien au contraire, c’est le moment idéal.

Je souhaiterais au préalable évacuer deux points. Tout d’abord RAM ne peut se transformer en compagnie low cost car elle ne répond pas au business model de ce type de compagnie. On doit naître low cost mais on ne peut pas le devenir. Ensuite RAM avait créé Atlas Blue, une compagnie catégorisée low cost mais qui ne l’était pas dans son business model et sa gestion. C’était une compagnie hybride mi-régulière mi-low cost qui ne pouvait faire correctement ni l’un ni l’autre, c’est pour cela entre autres qu’Atlas Blue a dû fermer. Ce n’est donc pas une référence historique bloquante.

Plusieurs raisons favorables à RAM et au Maroc et plusieurs opportunités de marché poussent à penser qu'elle devrait créer une compagnie low cost maintenant, et pas plus tard, et pas jamais.

? RAM va clouer au sol une vingtaine d’avions sur les 60 qu’elle possède jusqu’en 2023 ou 2024, date prévue pour la reprise normale du transport aérien international. Les vendre serait peu judicieux car le nombre d’avions au niveau mondial disponible à la vente ou à la location à des prix très bas est faramineux. Cela reviendrait à les brader. Et par ailleurs, pour comble, un avion au sol coûte cher en maintenance, assurances obligatoires et coûts du personnel non utilisé. En 2019, RAM était en tension flotte et aurait dû acheter de nouveaux avions à environ 150 millions de dollars chacun ou se dessaisir d’une partie des siens dont elle avait besoin pour les affecter à la compagnie low cost. Ce n’est plus le cas maintenant. Elle a potentiellement 20 avions disponibles, non vendables et coûteux à entretenir à lui affecter.

? RAM a licencié 57 pilotes en plus de ceux ayant pris un départ volontaire rémunéré. Ces pilotes sont excellents et disponibles. Tout comme l’on trouve sur le marché énormément de pilotes à l’international prêts à travailler pour des salaires conformes aux salaires payés par les compagnies low cost européennes et qui sont sensiblement moins élevés que les salaires payés par RAM à ses pilotes actuellement. Ces «ex-pilotes» pilotes RAM qui ont obtenu une indemnité de licenciement des plus convenables devaient être a priori ravis de retravailler immédiatement mais évidemment selon un statut nouveau et à un salaire au niveau actuel des compagnies low cost européennes. La masse salariale des pilotes dans une compagnie est importante et pèse sensiblement sur les coûts. C’est aussi pour cela qu’Atlas Blue était trop coûteuse car ses pilotes étaient des pilotes RAM affectés au niveau salarial RAM soit un niveau trop élevé par rapport à la concurrence. Cela ne serait donc plus le cas pour la nouvelle compagnie low cost au statut et aux conditions différentes de ceux de RAM.

En mai 2004, RAM a créé Atlas Blue, une compagnie catégorisée low cost mais qui ne l’était pas dans son business model et sa gestion. C’était une compagnie hybride mi-régulière mi-low cost, qui a fini par disparaître le 1er novembre 2009 (Ph. L’Economiste)

? Il faut féliciter l’ONMT pour tout le travail passé afin de développer les capacités, les dessertes et les fréquences aériennes vers le Maroc. Sans aérien, pas de tourisme. Il lui faudra dorénavant bien plus de budget pour continuer à jouer ce rôle. Normalement les Régions, avec leur budget et l’ONDA, devraient à leur tour injecter des fonds car elles ont un profit direct dans le développement du trafic et leur participation financière serait plus que bienvenue. Pour la compagnie low cost RAM, elle sera également incentivée pour chaque desserte effectuée par l’ONMT et si possible par les Régions et l’ONDA. Et s’il vous plaît de manière préférentielle. Evidemment, les autres compagnies continueront à être incentivées car leur puissance et efficacité commerciale, leur capacité, leur flotte, leur compétitivité sont et seront toujours nécessaires, pas comme compagnies d’appoint mais comme partenaires forts.

? Toutes les grandes compagnies régulières européennes telles Air France, Iberia, British Airways, KLM ont créé ou acheté depuis longtemps déjà une compagnie low cost intégrée à leur groupe. C’était stratégique et indispensable car elles se faisaient prendre des parts de marché importantes chaque année sur leurs destinations moyen-courrier européen par les mastodontes low cost que sont Ryanair, Easyjet et Norvegian et par le cumul d’autres compagnies mineures. Ces compagnies low cost étaient et sont inconcurrençables vu leur structure de coût, leur coût d’exploitation, leur business modèle qui transforme certains coûts en recettes, leur très importante recette supplémentaire hors transport allant jusqu’à 50% de leur chiffre d’affaires global, leur salaire bas, l’élimination de coût d’intermédiation et de réservation, leur productivité avion et encore bien d’autres points. Soit tout un ensemble d’éléments qui leur permet de pratiquer une politique de prix très bas. Aucune compagnie régulière ne peut en faire autant parce que leur structure de coût est bien plus élevée, leur modèle de gestion et de commercialisation différend, leur flotte trop diversifiée et moins productive, alors qu’une low cost ne travaille qu’avec un seul modèle d’avion et utilise un maximum d’heures chaque jour, leur coefficient de remplissage atteint 75% à 80% dans les meilleurs des cas contre 90% à 92% pour les low costs. Pour combattre et maintenir des recettes perdues d’avance, ces compagnies régulières ont donc maintenant leur propre compagnie low cost.

Prendre les meilleurs et les plus expérimentés

Le Maroc a besoin de sa propre compagnie low cost. Le tourisme en a besoin. La population a besoin de voyager à tarif bas, RAM a besoin de diversifier ses recettes, de défendre et développer ses parts de marché et de se redéfinir stratégiquement. RAM a des compétences, un personnel et un savoir-faire unique, des avions et des pilotes disponibles. La compagnie a toujours été notre fleuron national, notre porte-drapeau et notre fierté. Elle est respectée et reconnue dans le monde de l’aérien.

RAM devrait créer pour toutes ces raisons et celles exposées tout au long de cet article une compagnie low cost sans plus tarder. Il ne saurait en être autrement, c’est mon avis.

A RAM et à l’Etat d’étudier la faisabilité et c’est faisable, la flotte à affecter, au moins dix avions, les bases de départ, au moins Marrakech et peut-être Agadir. Le capital et la composition de son actionnariat auquel pourrait s’adjoindre si nécessaire des fonds publics ou privés marocains.

Ces avions devraient être des B 737-800, flotte unifiée, à densifier à hauteur de 187 sièges au lieu des 157 sièges actuellement. La capacité offerte de 10 avions utilisés à raison de 2 vols internationaux moyen-courrier par jour qui est un minimum d’utilisation est de 1.400.000 sièges par sens. Chaque avion additionnel offrira 130.000 sièges annuel à la vente.

A RAM et à l’Etat d’étudier la faisabilité de créer une compagnie low cost. A ce niveau, le volet ressources humaines est primordial. Les compétences marocaines ou autres existent sur le marché à l’international, encore plus aujourd’hui vu les délestages en personnels au niveau mondial  (Ph. L’Economiste)

Le dernier point et non des moindres est celui des ressources humaines hors pilotes de cette compagnie low cost. A la base et dès le début, certains hauts cadres et certains postes sensibles et très pointus devraient idéalement être recrutés sur la compétence et surtout sur l’expérience de management d’une compagnie low cost internationale qui n’a que peu à voir avec une compagnie régulière. Cela permettra d’être immédiatement performant, expérimenté et d’éviter d’apprendre sur le tas. Ces compétences marocaines ou autres existent sur le marché à l’international, encore plus aujourd’hui vu les délestages en personnels au niveau mondial. Elles aideront à prendre la bonne stratégie, les meilleures décisions de gestion et d’exploitation dès le commencement et à former la relève. Il ne s’agit pas de dire que nous n’avons pas les compétences localement, il s’agit de dire de prendre à la base les meilleurs et les plus expérimentés dans le low cost. De même, tous les collaborateurs doivent être formés en continue aux particularités des postes, fonctions et manière de travailler d’une compagnie low cost. Même le comportement au quotidien et la mentalité est spécifique. Sur ce dernier point, j’aime cette anecdote qui dit que le PDG de Ryanair, première compagnie low cost européenne avec plus de 500 avions se sert lui-même le café en le payant de sa poche à la cafétéria ou la machine de distribution de boissons. Car un euro, c’est un euro et il n’a pas de gaspillage ni d’ego superflu. Allez, allons-y maintenant, now, ahora, daba daba. S’il vous plaît. Et si ce n’est pas possible, qu’on nous explique pourquoi.

Casablanca et l’Afrique

Royal Air Maroc, qui a déjà délaissé fortement le tourisme et l’ensemble des dessertes directes des villes touristiques marocaines, s’est focalisée sur le hub de Casablanca et particulièrement sur le marché africain. C’était nécessaire et vital au moment de l’open sky en 2006 car elle ne pouvait pas concurrencer les compagnies low cost européennes qui se sont déversées sur le Maroc y compris Casablanca, et RAM n’était ni protégée ni préparée.

Maintenant avec la crise actuelle, il y a de la place à prendre, des recettes à faire, et un rôle économique touristique à jouer. De plus, RAM se fait et se fera de plus en plus concurrencer par de grosses compagnies européennes sur l’Afrique qui représente 40% de son trafic. Elle devrait se remettre sur le trafic touristique avec sa propre compagnie low cost.

Essentielles et toujours nécessaires

Le Maroc, dans le cadre de son développement touristique, de la facilitation de transport à tarifs bas pour sa population, dans son intérêt à avoir un outil aérien indépendant vis-à-vis des compagnies étrangères, gagnerait à créer une compagnie nationale low cost d’envergure. Air Arabia est là et c’est très bien, mais sa flotte au Maroc est insuffisante. Les compagnies régulières et low cost qui desservent le Maroc sont essentielles et seront toujours nécessaires mais en période de crise, seuls leur intérêt et leur rentabilité priment et elles n’hésitent pas, et c’est normal, à réduire la voilure sur le Maroc ou à annuler une bonne partie de sa programmation. Ainsi, les compagnies major low cost Ryanair, Easyjet, Norvegian, Transavia, Vueling et autres compagnies mineures, absolument nécessaires à notre tourisme et au désenclavement international de nos régions, ne reprendront pas de sitôt leur programmation passée et se limiteront autant de temps qu’il le faudra aux dessertes rentables. Beaucoup trop de dessertes passées sur Tanger, Agadir, Oujda, Nador, Fès, Ouarzazate, Essaouira, au départ soit des capitales ou des villes régionales européennes vont ainsi disparaître des radars. A moins que ces compagnies ne soient fortement incentivées financièrement pour compenser les déficits éventuels de ces dessertes. C’est ainsi que cela marche. L’ONMT qui est en charge de cette politique d’incentivation et de démarchage de ses compagnies devra débourser des sommes bien plus importantes que par le passé et faire preuve de beaucoup d’énergie pour convaincre sans pour autant obtenir la capacité et les dessertes d’avant crise.

 Le 24/09/2020        

Source Web Par L’économiste

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