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200 ans de bains de mer, histoire des stations balnéaires en France

200 ans de bains de mer, histoire des stations balnéaires en France

Deux entrepreneurs parisiens, Edouard Darlu et Jules Hennecart, ont perçu le potentiel de la baie de la Baule et ont acheté des hectares de terrain. A partir de 1879, un arrêt de train a assuré le développement de la ville. © DR

En près de deux siècles, le littoral français a vécu une révolution urbanistique et sociétale avec l’émergence de lieux principalement dédiés aux touristes. Souvenirs...

De nos jours, les touristes préfèrent le plus souvent se baigner dans les chaudes eaux méditerranéennes que de s'aventurer en maillot sur les rivages plus austères de la Manche. C'est pourtant en Grande-Bretagne que naquirent les stations balnéaires. La première d'entre elles serait née en 1730. Scarborough, dans le Yorkshire, au bord de la mer du Nord, était une cité d'abord reconnue pour ses cures thermales. Le développement concomitant de l'activité balnéaire et des cures s'est d'ailleurs avéré fréquent au début du tourisme, s'inscrivant parfaitement dans la vision médico-hygiéniste de son époque.

"En Grande-Bretagne, dans le domaine des pratiques médicales, l’eau de mer était équivalente à l’eau thermale, précise Bernard Toulier, conservateur général honoraire du patrimoine, notamment auteur de Tous à la plage ! Villes balnéaires du XIIIe siècle à nos jours (éditeur : LienArt). La pratique médicale a engendré un urbanisme spécifique car il fallait des promenades pour les curistes." D'où les allées de bord de mer facilement empruntables et des villes nouvelles aux rues quadrillées qui ont succédé aux sentiers tortueux de l'époque où les villages étaient davantage tournés vers l'intérieur des terres ou uniquement dédiés aux activités de pêche.

Les premiers bains de mer sur la côte normande

Les échanges entre la France et la Grande-Bretagne ont permis au phénomène d'essaimer peu à peu sur nos côtes. Ainsi, dans l'Hexagone, les premiers bains de mer ont logiquement eu lieu sur la côte normande, à Dieppe vers 1820, avec la sulfureuse duchesse de Berry, en tête d'affiche. La belle-fille du roi Charles X était quasiment une influenceuse de son époque, si on ose l'anachronisme. Certaines villes comme Nice, devenue française en 1860, ont aussi été prisées très tôt par les premiers touristes, notamment des Britanniques qui venaient passer l'hiver au soleil.

"En 1811, émerge le premier tracé du chemin des Anglais. Le développement touristique se fait à côté de la vieille ville. Les gens de l'époque trouvent que la ville est bruyante et sale", souligne Philippe Duhamel, professeur de géographie à l'université d'Angers, auteur de Géographie du tourisme et des loisirs (Armand Colin). Un développement urbanistique parallèle qui deviendra très fréquent au milieu du XIXe siècle, période du véritable essor des stations balnéaires en France.

"A Trouville première époque, des quartiers nouveaux viennent se greffer à l’existant. A la deuxième époque, des stations ex nihilo émergent à proximité, telles Cabourg et Deauville. Deauville, par exemple, est un projet porté par Morny (demi-frère de l'Empereur Napoléon III), qui considérait que la population était trop mêlée à Trouville. On a donc construit la nouvelle ville sur un marais en face", souligne Philippe Duhamel. Le tourisme était alors réservé à une élite préférant éviter de se mélanger aux autochtones, qui travaillaient et résidaient sur place.

Le chemin de fer a boosté le le développement des stations balnéaires

Cette apparition des premières stations balnéaires spécifiques fut intimement liée au développement du chemin de fer, qui a permis la réduction des temps de trajet et la simplification de l'accès au bord de mer. En précurseur, les classes supérieures parisiennes pouvaient très rapidement rejoindre le littoral normand. En 1851, l'Hexagone comptait 3 000 kilomètres de voies ferrées, chiffre porté à 16 000 kilomètres une vingtaine d'années plus tard.

Associée avec les avancées sociales des travailleurs citadins sur les jours de repos, avant même les congés payés, cette amélioration des infrastructures de transport démocratisa peu à peu l'accès au bord de mer. "Les gens avec des origines sociales intermédiaires peuvent alors aller pour une journée au bord de la mer, précise Philippe Duhamel. Sur place, les constructions s’accélèrent parce que le nombre de touristes augmente. La hiérarchie des lieux se met en place très vite. Les casinos vont constituer un indicateur de la renommée de la station."

Outre la popularité croissante des jeux d'argent, l'aspect financier ne fut pas négligeable dans le développement des stations. Des investisseurs avisés y perçurent les bonnes affaires à venir. "Deauville est construite sur le marécage, car le terrain ne vaut rien la spéculation est plus intéressante. La volonté politique de Napoléon III était d’utiliser des banques privées", rappelle Bernard Toulier. Banquiers, à la tête du chemin de fer entre Bordeaux et La Teste, les frères Pereire agirent de même à Arcachon. Ils prolongèrent la ligne de chemin de fer et créèrent la ville d'hiver à côté du village de pêcheur préexistant. Le début du tourisme balnéaire fut donc avant tout une affaire privée. "Il faudra attendre l’éclatement des bulles avec la crise de 1929 pour avoir un début d’investissement public pour le tourisme", note Bernard Toulier.

En parallèle, se développe le tourisme de la montagne

Parallèlement au tourisme de bord de mer, se développa celui de la montagne. Le Club alpin français fut ainsi créé en 1874, alors que la Compagnie des guides de Chamonix existait depuis un demi-siècle déjà. Les premières stations équipées pour accueillir un grand nombre de skieurs naquirent dans l'entre-deux-guerres. "Dans les années 1920-1930 se met en place le ski en montagne l'hiver et la fréquentation du bord de mer l'été pour le soleil et la chaleur. La mer qui était une destination d’hiver à l'origine devint exclusivement une destination d’été", explique Philippe Duhamel.

A partir des années 1950, la volonté politique d'aménagement du territoire contribua grandement à l'essor des deux grands piliers de l'économie touristique. Cette stratégie étatique se traduisit par les différents plans neige, à partir de 1964, à l'origine de stations de ski modernes, comme Les Arcs ou Flaine. A la même époque, la mission Racine se vit assigner l'objectif de développer le littoral languedocien, jusqu'alors dépourvu d'infrastructures correctes, et de transformer l'économie locale, qui avait longtemps reposé sur un secteur viticole en difficulté.

Cap-d’Agde, la Grande-Motte, Port-Camargue...

Ont jailli de ces investissements publics des stations côtières désormais très connues et fréquentées, dont le Cap-d’Agde, la Grande-Motte et Port-Camargue. D'autres endroits, comme Port-Grimaud dans le Var, créé en 1966, ont accompagné la croissance de la navigation de plaisance.

Enfin, à partir des années 1970-1980, certaines communes côtières initialement très dépendantes du tourisme estival ont diversifié leurs sources de revenus en se transformant en lieux de résidence à l'année ou cherchant à attirer une clientèle d'affaires hors saison, comme Cannes, théâtre de nombreux événements culturels ou professionnels en dehors de la haute période touristique. Deux siècles plus tard, les pionniers des bains de mer ne reconnaîtraient sans doute pas leurs côtes sauvages et désertes d'antan.

Le 10/07/2021                                    

SOURCE WEB PAR GEO

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