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Espionnés par le Maroc, Mediapart et Le Canard enchaîné portent plainte

Espionnés par le Maroc, Mediapart et Le Canard enchaîné portent plainte

Le site français et le Canard enchaîne ont annoncé ce lundi avoir déposé plainte à Paris, après des informations indiquant que les téléphones de deux de ses journalistes ont été espionnés par un service marocain, à l’aide du logiciel israélien Pegasus.

C’est une vaste affaire de cyberespionnage qui a été révélée dimanche soir. Des journalistes et militants du monde entier ont été espionnés par les services marocains via un logiciel israélien, plus de 1000 Français sont concernés. « Les numéros des téléphones portables de Lénaïg Bredoux et d’Edwy Plenel (cofondateur du site) figurent parmi les dix mille que les services secrets du Maroc ont ciblé en utilisant le logiciel espion fourni par la société israélienne NSO », a confirmé Mediapart après la publication de ces révélations dans plusieurs médias dont Le Monde, le Guardian et le Washington Post. Mediapart a annoncé ce lundi avoir porté plainte à Paris. « Nous allons porter plainte contre X avec constitution de partie civile », a précisé Michel Gaillard qui préside la société d’édition du Canard enchaîné en ajoutant que le dossier de cette plainte était en cours de constitution.

Un service de sécurité marocain a utilisé un logiciel espion mis au point par une société israélienne pour viser une trentaine de journalistes et de patron de médias français sur un millier de Français concernés. Outre Lénaïg Bredoux et Edwy Plenel, on retrouve le nom de Dominique Simonnot, ancienne enquêtrice du Canard enchaîné et désormais contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, mais aussi d’une journaliste du Monde qui a souhaité rester anonyme. D’autres informations, concernant la surveillance de plusieurs chefs d’État et de gouvernement, devraient être publiées dans les prochains jours.

Ce logiciel espion Pegasus dans un smartphone, permet d’en récupérer les messages, les photos, les contacts, et même d’écouter les appels de son propriétaire. NSO, régulièrement accusée de faire le jeu de régimes autoritaires, a toujours assuré que son logiciel servait uniquement à obtenir des renseignements contre des réseaux criminels ou terroristes.

Une information formellement démentie par le gouvernement marocain. Dans un communiqué, publié ce lundi, il dénonce des informations « mensongères » et affirme n’avoir jamais infiltré « les téléphones de plusieurs personnalités publiques nationales et étrangères et de responsables d’organisations internationales à travers un logiciel informatique ».

Egalement accusé d’avoir eu recours au logiciel espion, le gouvernement hongrois de Viktor Orban a démenti l’utilisation par les services secrets hongrois d’un logiciel pour espionner des personnalités. « Le directeur général (des services secrets) m’a informé qu’aucune coopération n’a été établie avec les services de renseignement israéliens », a réagi le ministre des Affaires étrangères Peter Szijjarto en conférence de presse.

« Violé l’intimité privée de deux journalistes »

« L’espionnage de mon téléphone et de celui de ma consœur @LenaBred mène directement aux services marocains, dans le cadre de la répression du journalisme indépendant et du mouvement social », a réagi Edwy Plenel sur Twitter. Amnesty International avait déjà dénoncé en 2020 l’infection du téléphone du journaliste marocain d’investigation Omar Radi par le logiciel espion Pegasus.

« Pendant plusieurs mois, l’appareil répressif du royaume chérifien a ainsi violé l’intimité privée de deux journalistes, porté atteinte au métier d’informer et à la liberté de la presse, volé et exploité des données personnelles et professionnelles. Aucun autre téléphone d’un membre de l’équipe de Mediapart n’a été espionné », a précisé Médiapart.

« Au-delà des suites judiciaires, il va sans dire que cette atteinte aux libertés fondamentales, menée par une puissance étrangère à l’encontre d’un journal indépendant, exige une ferme réaction des autorités françaises qui aille au-delà d’une condamnation de principe. Nous l’attendons », ajoute le média.

Selon Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne a qualifié cette affaire de « complétement inacceptable » si elle est avérée. « La liberté de la presse est une valeur centrale de l’Union européenne », a-t-elle affirmé.

Un peu plus tôt, Gabriel Attal, le porte parole du gouvernement a dénoncé des « faits extrêmement choquants ». « Nous sommes extrêmement attachés à la liberté de la presse, donc c’est très grave d’avoir des manipulations, des techniques qui visent à nuire à la liberté des journalistes, leur liberté d’enquêter, d’informer », a-t-il expliqué.

D’autres noms de personnalités seront divulgués dans les prochains jours

D’autres noms de personnalités apparaissant sur la liste - qui comprend notamment un chef d’Etat et deux chefs de gouvernement européens - seront divulgués dans les prochains jours.

Les journalistes du « projet Pegasus » ont rencontré une partie des détenteurs de ces numéros et ont récupéré 67 téléphones qui ont fait l’objet d’une expertise technique dans un laboratoire d’Amnesty International. L’expertise a confirmé un piratage ou une tentative de piratage par le logiciel espion de NSO Group pour 37 appareils, dont 10 situés en Inde.

Deux des téléphones appartiennent à des femmes proches du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, assassiné en 2018 dans le consulat de son pays à Istanbul par un commando d’agents venus d’Arabie saoudite, écrivent les auteurs de l’enquête.

Pour les 30 autres, les résultats ne sont pas probants, souvent car les propriétaires des numéros ont changé de téléphone. « Il y a une forte corrélation temporelle entre le moment où les numéros sont apparus sur la liste et leur mise sous surveillance », précise le Washington Post.

Cette analyse s’ajoute à une étude, menée en 2020, par le Citizen Lab de l’université de Toronto (Canada), qui avait confirmé la présence du logiciel Pegasus dans les téléphones de dizaines d’employés de la chaîne qatarie Al-Jazeera. WhatsApp avait également reconnu en 2019 que certains de ses utilisateurs en Inde avaient été espionnés par ce logiciel.

Avant NSO, d’autres entreprises israéliennes ont été soupçonnées de fournir des logiciels espion à des gouvernements peu regardants sur les droits humains, avec le feu vert du ministère israélien de la Défense. Le logiciel « DevilsTongue » de la société Saito Tech Ltd, plus connue sous le nom de Candiru, a ainsi été utilisé contre une centaine de responsables politiques, dissidents, journalistes et militants, ont affirmé jeudi des experts de Microsoft et de Citizen Lab.

Le 19 juillet 2021

Source web Par : le parisien

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