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Comment l’Union européenne veut faire du Maghreb son Eldorado de l’hydrogène

Comment l’Union européenne veut faire du Maghreb son Eldorado de l’hydrogène

Transporter le soleil du Maghreb en Europe grâce à l’hydrogène. C’est l’objectif de la stratégie énergétique « verte » de l’Union européenne. Mais quelles seront les retombées réelles pour la région ? Décryptage en infographies de ce projet titanesque.

« Dans mes rêves, je créerais un partenariat avec l’Afrique du Nord et nous aiderions et stockerions une énorme capacité d’énergie solaire en Afrique et transformerions cette énergie en hydrogène et transporterions cet hydrogène vers l’Europe. » Le 8 octobre 2019, lorsqu’il présente ainsi son « rêve de l’énergie du futur » à Bruxelles, le Néerlandais Frans Timmermans n’avait pas encore formellement pris ses fonctions de vice-président de la Commission européenne en charge du « Pacte vert pour l’Europe ».

À l’époque, ce discours pouvait sembler tout à la fois chimérique et dépassé. Chimérique, car la technologie nécessaire au transport de l’énergie produite n’était pas au point. Dépassé, car de nombreux projets de ce type – tels que MedGrid ou Desertec –, portés sur les fonts baptismaux dans les années 2010, avaient ensuite été enterrés. Trop ambitieux, trop chers, voire dénoncés pour leur positionnement néocolonial.

Deux ans après, le rêve de Timmermans est pourtant en passe de se concrétiser. Le 15 décembre dernier, Bruxelles a présenté son « package » de mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030. L’hydrogène « bas carbone » y est présenté comme la priorité numéro un. Et le plan européen prévoit pour atteindre son objectif de s’appuyer, pour la moitié de la production, sur le Maghreb et l’Ukraine.

Maroc, le partenaire idéal

De par sa proximité géographique, ses ressources en énergies renouvelables à bas coût et ses gazoducs, l’Afrique du Nord fait figure de solution la plus efficiente et la plus compétitive, la production d’hydrogène vert étant encore aujourd’hui quatre à cinq fois plus chère que les énergies fossiles. L’Union européenne (UE) n’est d’ailleurs pas la seule à vouloir exploiter ce filon : une dizaine de projets, portés par les majors du secteur des hydrocarbures, à l’image de l’italien ENI, existent déjà au Maroc, en Algérie et en Égypte.

Pour les Européens, Rabat apparaît comme le partenaire idéal. Avec ses abondantes ressources en solaire et en éoliens, et ses objectifs climatiques ambitieux – 52 % de son mix énergétique en renouvelable d’ici à 2030 –, le Maroc, déjà bien positionné sur le solaire, entend devenir un leader sur ce marché de l’hydrogène vert. Sa stratégie : miser sur l’export. Berlin et Lisbonne ont signé des accords de coopération, respectivement en juin 2020 et en février 2021, pour développer le secteur dans le royaume chérifien.

Outre les retombées financières, Rabat espère également profiter de la manne dans le secteur de la production d’engrais azotés. Le pays, qui dépend aujourd’hui des importations d’ammoniac, matière première des engrais azotés, pourrait aussi en produire localement grâce à l’hydrogène. Le projet Hevo Ammonia Morocco prévoit d’ailleurs d’exporter 180 000 tonnes par jour de cet ammoniac vert à l’horizon 2026.

Mirage ou cauchemar ?

Revers de la médaille, les coûts sociaux et environnementaux de ces projets sont rarement pris en compte. Notamment sur les questions cruciales de l’accaparement des terres et de la gestion des ressources en eau dans des pays déjà en situation de stress hydrique. « Au Maghreb, cela se traduit plutôt par un “colonialisme vert” que par la recherche d’une transition énergétique qui bénéficie aux plus démunis », estime même Hamza Hamouchène, chercheur en énergie pour le Transnational Institute de Londres.

Le spécialiste et militant algérien n’est pas le seul à monter au créneau. À Bruxelles, eurodéputés écologistes et militants sont vent debout contre la feuille de route de l’UE. Sascha Müller-Kraenner, directeur de Deutsche Umwelthilfe, la puissante association environnementale allemande, qualifie la stratégie européenne de « cadeau de Noël à l’industrie gazière ».

Le 23/12/2021

Source web par : jeune afrique

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