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LES 20 ANS DE L'OMC ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC LE DG ROBERTO CARVALHO DE AZEVEDO

LES 20 ANS DE L'OMC  ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC LE DG ROBERTO CARVALHO DE AZEVEDO

Roberto Carvalho De Azevedo, DG de l’OMC, l’Afrique n’a pas encore une place de choix dans les décisions et les flux commerciaux  
Roberto Carvalho De Azevedo, directeur général de l’OMC depuis le 1er septembre 2013, impose son rôle de négociateur et de constructeur de «consensus». Il a réussi en deux ans à faire une avancée sur le cycle des négociations en commençant par une cohésion autour du paquet de Bali qui est bien parti pour une ratification. Prochain défi, la conférence ministérielle de Nairobi pour une feuille de route et des délais raisonnables pour la conclusion de ce long cycle de Doha. Entretien exclusif
- L’Economiste: 20 ans après la création de l’OMC, aucun cycle abouti. Comment expliquez-vous le gel des négociations de Doha?
- Roberto Carvalho De Azevedo: Entre un monde en crise et des pays en pleine divergence, il y a toujours des réserves et il faut dire qu’il était quasiment impossible de conclure le cycle de Doha -dans sa version initiale- puisqu’il fallait d’abord l’adoption de l’accord de facilitation des échanges. Et cela a été fait à Bali en 2013. Mais de nouveau, en 2014, nous nous sommes retrouvés dans l’impasse. Les réserves de Londres ont bloqué les négociations du paquet Bali et par conséquence du cycle de Doha. Et ce n’est qu’en novembre dernier que nous avons pu faire adopter par les 160 membres le protocole relatif à l’accord sur la facilitation des échanges et qui devrait simplifier et moderniser les procédures douanières. Les pays membres ont aussi pris la décision pour la protection temporaire des programmes de sécurité alimentaire appliqués dans les pays en développement et qui autorise la constitution de stocks alimentaires. Ce qui a permis la reprise des négociations.
- Où en êtes-vous actuellement? Vous pensez conclure le cycle de Doha à Nairobi?
- Je ne peux m’avancer là-dessus. En juillet prochain, nous allons surtout finaliser une feuille de route pour la conclusion du cycle avec des délais raisonnables.
- Quelles garanties apportez-vous aux pays africains préoccupés plutôt par la sécurité alimentaire et la question des subventions agricoles?
- Nous voulons aider les pays africains à plus de participation active par le biais de conditions plus favorables au sein du commerce mondial. Nous parlons là de marges de préférence que les grands marchés peuvent donner aux exportateurs de pays en développement, mais aussi de la réduction des subventions agricoles, préoccupation majeure des agriculteurs africains. Cette problématique ne concerne pas uniquement l’OMC qui offre toutefois un forum de négociations et un espace de surveillance de la bonne utilisation et application de ces négociations, et bien sûr la résolution des litiges.
- Le paquet de Bali approuvé en 2013 prévoit un accord de facilitation des échanges. Quid aujourd’hui des ratifications? Vous êtes en campagne pour sensibiliser les pays à l’adhésion effective…
- En général, le processus de ratification parlementaire demande du temps. Un exemple, la déclaration sur la santé publique, approuvée en 2001, manque toujours de signatures. J’espère en revanche que pour la facilitation des échanges, les délais seront moins longs. L’OMC se donne pour mission d’inciter les gouvernements à ratifier plus rapidement, mais c’est une tâche qui, in fine, leur appartient.
- Revenons à l’Afrique. Que peut concrètement gagner le continent à prendre part à ces échanges?
- Tout d’abord, l’Afrique est une région où les coûts de transaction commerciale ont significativement augmentés.  On estime qu’entre 15 et 20% du coût de la transaction restent à la frontière. Ce qui est forcément pénalisant. Il faut donc absolument arriver à baisser ces coûts pour optimiser les transactions et arriver à l’insertion des pays africains dans le flux du commerce mondial.
C’est pour cela que cet agrément demeure un accord historique, car, pour la première fois, l’OMC s’engage à une assistance technique à des pays moins avancés pour qu’ils puissent implémenter les décisions prises. Sans cette aide technique, nous ne pouvons pas leur imposer l’obligation de mettre en œuvre les déclarations. Il faut d’ailleurs que les pays africains profitent de cette mesure.
- Quelle place occupe l’Afrique aujourd’hui sur l’échelle mondiale?
- Le continent n’a pas encore une place de choix, puisque encore en marge des décisions et des flux commerciaux. Mais ses potentiels à explorer sont énormes. Ce qui lui manque à mon sens, c’est une meilleure coordination entre les pays afin de développer le commerce interrégional, la complémentarité économique et ce, pour une meilleure insertion dans la ronde mondiale.
- La création de l’OMC en 1995 était un défi pour les relations multilatérales. Tous ces accords régionaux et bilatéraux ne fragilisent-ils pas le rôle de l’OMC?
- Non! Il s’agit là de pistes complémentaires. Les accords bilatéraux et même régionaux ont une constante présence dans l’environnement commercial. Ils ont toujours existé et vont continuer à exister. Car ils servent à négocier des questions beaucoup plus concentrées, comme les accès aux marchés ou les facilitations bilatérales, sans interférer dans les grands thèmes des négociations globales. Plutôt que s’opposer, ces initiatives plus ciblées permettent de mieux avancer dans les négociations multilatérales.

10 Avril 2015
SOURCE WEB par Badra BERRISSOULE et Stephanie JACOB L’ECONOMISTE

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