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Réforme du code pénal Ramid rassure mais ne lâche rien

Réforme du code pénal Ramid rassure mais ne lâche rien

Affaire des jupes: «la loi interprétée dans un contexte étroit»
«Pas question que la majorité cède aux revendications d’une minorité»
Les dispositions sur la rupture du jeûne peuvent être amendées

Une journée après les sit-in organisés dans trois grandes villes pour protester contre l’arrestation des deux filles à Inzegane, El Mostafa Ramid est resté prudent dans sa réaction concernant cette affaire. Le ministre de la Justice et des Libertés, qui intervenait lors du Ftour-débat de L’Economiste, organisé lundi à Casablanca, n’a pas souhaité prendre position sur ce dossier. Il s’est abrité derrière la sacro-sainte règle de l’indépendance de la justice. «Je ne peux pas me prononcer car l’affaire est actuellement examinée par un tribunal». Néanmoins, le ministre de la Justice et des Libertés est revenu sur les éléments ayant permis de poursuivre les deux filles dans cette ville au sud du Royaume. «Leur arrestation a eu lieu dans le cadre de l’article 483 du code pénal qui permet de poursuivre toute personne pour atteinte aux mœurs suite à une nudité préméditée», a-t-il expliqué. Le caractère vague de cette expression ouvre la loi à toutes les interprétations. Difficile de définir ce qui peut être considéré comme une nudité préméditée. Néanmoins, «le magistrat a interprété cet article dans un contexte étroit, marqué par des protestations sociales», a fait savoir le ministre. Cela laisse planer une épée de Damoclès sur les têtes de toutes les femmes, dans la mesure où des protestations d’un groupe de personnes peuvent pousser la justice à instrumentaliser un article vague pour les emprisonner sur la base de leur choix vestimentaire. Surtout que Ramid a reconnu lui-même que «des femmes portent les mêmes tenues dans différentes villes du Royaume, sans qu’elles soient pourtant poursuivies». Ce qui montre une sélectivité en matière d’application de la loi, qui dépend de la vox populi. Or, c’est pour cela que «nous avons besoin d’un code pénal qui favorise la réalisation d’avancées dans le domaine des libertés, même si la majorité n’est pas d’accord. Celle-ci n’aurait pas accepté plusieurs progrès acquis comme l’égalité entre les sexes. Car la société est d’abord le résultat des politiques publiques appliquées», a estimé pour sa part Ahmed Assid, militant associatif. Une position qui n’a pas fait l’unanimité. Certains intervenants estimant que «les avancées dans ce domaine doivent être installées petit à petit, en prenant en considération les règles sociales pour éviter la montée des extrémismes des deux côtés», comme l’a indiqué Me Taib Omar, avocat au barreau de Casablanca.
La rupture du jeûne en public, un «texte à portée sociale et non pas religieuse»
Pour Ramid, les choses sont tranchées: «La majorité ne peut pas céder aux revendications d’une minorité au nom du progrès». Le ministre qui s’est dit ouvert à toutes les propositions pour améliorer l’avant-projet du code pénal, s’est montré intraitable sur certaines questions, qu’il considère comme des lignes rouges. «Pas question de négocier sur ces sujets», a-t-il martelé. Il s’agit de dossiers chauds, comme les relations sexuelles hors mariage ou la rupture du jeûne en public durant le Ramadan. C’est sur ces sujets qu’une grande partie de la société civile attendait des avancées. Mais Ramid n’est pas du même avis. Pour lui, «il n’y a pas eu de régression en matière des libertés dans le cadre de cette première mouture». Or, s’il n’y a pas eu recul, il n’y a pas non plus de progression sur ces dossiers qui figurent à la tête des revendications de plusieurs ONG depuis quelques années. Des sujets qui intéressent tout le monde, à l’image de citoyennes qui ont interpellé le ministre, lors de cette rencontre, organisée par L’Economiste, sur des questions comme la dépénalisation des relations sexuelles hors mariage. Ramid est resté de marbre, estimant que le texte actuel est assez libéral, dans la mesure où il est difficile de prouver ce genre de relations, si elles n’ont pas lieu dans un espace public. Et «le nouveau texte a limité les preuves à un constat par la police des partenaires en flagrant délit ainsi qu’à l’aveu de l’une des deux parties», a estimé le ministre. Si les dispositions de cet article limitent la possibilité de poursuite à cause de la difficulté de prouver l’acte, c’est son instrumentalisation dans la pratique qui laisse planer le risque sur ce sujet «qui relève de la liberté individuelle, qui ne porte aucune atteinte à la société», comme l’a rappelé une participante au Ftour-débat de L’Economiste. Autre sujet sensible, la rupture du jeûne en public. Ramid a estimé qu’il s’agit d’un «texte à portée sociale et non pas religieuse, et donc peut évoluer en fonction des tendances de la société».
Verbatim
• «L’avant-projet du code pénal ne prévoit aucune sanction contre les relations sexuelles hors mariage, si elles ne sont pas prouvées. Ce qui est difficile si les personnes sont dans un espace privé. Mais si l’acte est consommé en public, la sanction est inévitable».
• «Pas question de négocier des questions comme la dépénalisation des relations sexuelles hors mariage ou de l’homosexualité. Surtout que même la Constitution ne nous le permet pas».
• «Nous avons introduit des dispositions contre l’atteinte aux religions afin d’éviter que des caricatures ne déclenchent la colère de la société ou de provoquer des actes terroristes comme cela a été le cas en France ou au Danemark».
• «Il n’y a aucune raison de poursuivre des personnes qui ont rompu le jeûne en public durant le Ramadan si leur acte ne s’inscrit pas dans une logique de provocation»
• «En élargissant les circonstances atténuantes en matière des crimes d’honneur, nous répondons aussi à une exigence de parité, comme c’est le cas dans les dispositions relatives à l’adultère».
Le 01 juillet 2015
SOURCE WEB Par L’économiste

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