Croissance La facture du chômage des Marocaines
Plusieurs points de croissance perdus à cause de leur faible participation au marché de l’emploi
Un rapport du think tank américain «Brookings» fait le diagnostic
Si les femmes ne travaillent pas, ce n’est pas forcément parce qu’elles n’en ont pas les compétences. Selon l’étude de la Banque mondiale réalisée auprès de 2.000 femmes, ce sont surtout les interdictions familiales qui surgissent le plus
Les Marocaines ont beau représenter un peu plus que la moitié de la population, seules 26 % d’entre elles sont actives. Et cela parce que leurs familles les en empêchent. C’est ce qu’explique le dernier rapport du think tank américain Brookings intitulé «Opportunités et défis de la participation de la main-d’œuvre féminine dans le marché de l’emploi marocain», publié en juillet 2015. Si le Maroc ne profite pas de ses femmes, c’est à cause des normes sociales en premier lieu. L’étude indique que plus de 30% des jeunes marocaines ne travaillent pas parce que leurs maris ne le leur permettent pas, et 23% affirment que l’interdiction émane des parents. Quelque 11% des femmes restent vagues en indiquant qu’elles ne travaillent pas à cause des «normes sociales».
Bien que la Moudawana, adoptée en 2004,
soit un texte évolué par rapport au reste de la région en conduisant,
notamment, à une augmentation de l’âge minimum du mariage pour les femmes de
15 à 18 ans, en plaçant la famille sous la responsabilité conjointe des
deux époux, et en éliminant l’obligation juridique de la femme d’obéir à son
mari, son application pose toujours problème. Selon l’étude, certains juges
contournent la loi, tandis que d’autres sont encore peu familiers avec les
amendements apportés par le texte. En 2012, environ 10% des mariages
enregistrés au Maroc concernaient des filles de moins de 18 ans, autorisés en
vertu des articles 20 et 21 du code de la famille, qui permettent aux juges de
la famille d’autoriser le mariage des mineures. En fait, même si ces articles
requièrent des arguments bien définis pour justifier de tels mariages, plus de
90% des demandes sont autorisées. «En supprimant les restrictions légales sur
les femmes, y compris celles qui sont implicites, la société serait mieux
préparée pour que les femmes travaillent», conclut Yuko Morikawa, la
principale auteure du document. Ce document en finit une fois pour
toutes avec les idées reçues (et répétées par certains leaders politiques) et
qui disent que la femme n’a de place que dans le foyer familial. En
effet, une forte corrélation entre le PIB par habitant et le taux de
participation de la main-d’œuvre féminine est prouvée. Cette corrélation peut
aller dans les deux sens: soit le développement économique entraîne une égalité
entre les sexes, soit c’est le contraire. La Banque mondiale était allée
jusqu’à prévoir une augmentation de 25% des revenus moyens des ménages si
le taux de participation de la femme atteint un seuil dépendamment des
caractéristiques démographiques et économiques de chaque pays. Ces 25% de
plus se traduiront par un gain de consommation, soit quelques précieux points
pour la croissance.
L’absence de mesures particulières dans les stratégies sectorielles pour
améliorer la participation de la main-d’œuvre féminine est aussi un facteur clé
dans cette situation. Le gouvernement ne semble pas reconnaître que la
non-utilisation du potentiel des femmes a un coût sur l’économie. C’est le cas
du secteur du tourisme dont les deux stratégies (Vision 2010 et Vision 2020)
n’ont porté aucun intérêt particulier à l’emploi des femmes. Pourtant, il
s’agit d’un secteur dont le potentiel pour fournir des emplois à l’avenir est
fort. Pour le moment, le secteur crée une proportion élevée d’emplois à très
faible revenu demandant très peu de qualification.
L’industrie peut également contribuer à utiliser le potentiel sous-exploité des femmes urbaines éduquées. Par exemple, aujourd’hui, 54 % des employés du secteur de l’électronique sont des femmes. Il s’agit du deuxième secteur qui emploie le plus de femmes après celui du textile et cuir. Mais ce n’est pas forcément une bonne chose. Les femmes y sont employées pour leurs faibles coûts, sans qu’il y ait d’efforts particuliers pour leur formation afin de développer des produits à plus forte valeur ajoutée. Ce constat se confirme quand on observe le faible taux d’emploi des femmes dans des industries demandant un haut niveau de productivité, comme l’automobile où les femmes ne constituent que 10% du total de ses employés.
Particularités
SI le chômage des femmes coûte de bons points de croissance au Maroc, celui des jeunes, lui, constitue une véritable bombe à retardement. Deux demandeurs d’emploi sur trois ont entre 15 et 29 ans et la moitié des chômeurs cherche un emploi pour la première fois. La longue durée du chômage est également un grand souci puisqu’elle atteint plus de 12 mois dans 2 cas sur 3. Par ailleurs, le phénomène est essentiellement citadin: 4 chômeurs sur 5. Il n’épargne pas les diplômés, au contraire, il concerne au moins 25% d’entre eux. En même temps, l’emploi existant est en très grande partie précaire. Le poids du secteur informel et un sous-emploi chronique empêchent en effet la création de nouveaux emplois. Pour sortir de ce piège, la Banque mondiale, citée par le think tank Brookings, a fait plusieurs recommandations: encourager la concurrence, réformer le système d’éducation, réduire les coûts du travail et du licenciement,
Le 11 août 2015SOURCE WEB Par L’ économiste
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