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Saga. Comment une entreprise marocaine est devenue leader mondial du thé de luxe

Saga. Comment une entreprise marocaine est devenue leader mondial du thé de luxe

C’est l’histoire d’une réussite exceptionnelle. Celle d’une petite entreprise qui, dans les années 80, fabriquait des sachets de verveine et de menthe pour un client unique: Yves Rocher. Et qui, 30 ans plus tard, est devenue le leader mondial de la fabrication des sachets de thé haut de gamme.

Siti, c’est le nom de l’entreprise, est bien décidée à poursuivre son ascension, en devenant incontournable également sur le marché du thé en vrac, vendu dans des boîtes métal.

Une histoire racontée avec passion par Amine El Baroudi, vice-président d’une société qu’il connaît bien: à 39 ans, il a déjà passé près de 18 ans dans l’entreprise créée par son père…

 Médias 24: Comment est née l’entreprise que vous dirigez aujourd’hui?

Amine El Baroudi: C’est mon père qui l’a créée en 1979. A l’époque, Yves Rocher, connu pour ses produits cosmétiques naturels, avait envie de se diversifier et de proposer à ses clients une gamme d’infusions de verveine et de menthe, plantes abondamment cultivées dans la région de Marrakech. Et comme c’était un grand ami de notre famille, il a, tout naturellement, proposé à mon père de se lancer dans l’aventure en créant une entreprise.

C’est comme cela que tout a démarré. Avec des résultats rapides: Yves Rocher espérait quelques millions de sachets; ils sont arrivés très vite à 100 millions de sachets par an! Et pendant presque 15 ans, la société a travaillé en exclusivité pour Yves Rocher.

Quand je suis entré dans l’entreprise, après mes études à HEM Casa, je me suis dit qu’il fallait développer une nouvelle clientèle, afin de pérenniser l’affaire. On a commencé à chercher d’autres clients.

En France tout d’abord, parce que c’était le marché le plus évident. Mais en allant voir des clients potentiels, j’avais souvent la même réflexion: «oui, vos infusions, c’est bien, mais on voudrait aussi du thé…»

C’est comme cela que j’ai commencé à m’intéresser à ce produit. Et on a bien fait, car quand Yves Rocher est décédé, la nouvelle équipe dirigeante a décidé d’arrêter tout ce qui n’était pas lié directement aux cosmétiques.

Heureusement que l’on avait commencé la prospection de nouveaux clients bien avant: on a pu très rapidement remplacer le volume que faisait Yves Rocher et aller de l’avant. Aujourd’hui, on a multiplié les volumes par 5 ou 6.

-Vous avez commencé par travailler, pour Yves Rocher, sur des produits qui existent autour de Marrakech, comme la verveine ou la menthe. Mais il n’y a pas de thé au Maroc. Comment vous y êtes-vous pris ?

-Comme je vous l’ai dit, ce sont nos clients qui étaient demandeurs. On ne connaissait rien au thé, si ce n’est un peu le thé vert consommé sur le marché local.

Au départ, on a donc travaillé avec des intermédiaires européens. Pendant 3-4 ans.

Mais une fois que l’on a acquis une connaissance des produits, on s’est dit qu’il était temps d’aller en Asie et d’acheter directement, parce que l’on sentait bien qu’il y avait beaucoup d’économies à faire.

Je suis donc parti en Chine, en 1998, en ne connaissant aucun fournisseur, en n’ayant aucun contact, aucun rendez-vous!

Cela ne m’a pas empêché d’aller à la rencontre de producteurs et j’ai fait mon premier achat de thé. Quand le container est arrivé, on n’a eu aucun souci.

On a donc continué nos importations. Avec la Chine, mais aussi, progressivement, avec d’autres pays, comme le Sri Lanka, l’Inde, le Japon, Taïwan, etc.

-Concrètement, aujourd’hui, que fabriquez-vous ?

-Tout d’abord le sachet cousu, qui est notre sachet luxe: c’est notre spécificité et nous sommes leader sur le plan mondial, on produit environ 400 millions de sachets de ce type par an.

On a développé également une production plus automatisée: le sachet thermo-soudé. On a démarré cette production il y a 7 ans; aujourd’hui, on en fait 200 millions par an. Et c’est en pleine progression. Ce qui fait un total de 600 millions de sachets par an, soit plus d’un million et demi de sachets… par jour! Et à côté, on fait de plus en plus de thé en vrac, en boites métal.

-Un mot sur ces boites métal: a priori, on se dit que les mêmes doivent être fabriquées pour moins cher en Chine. Alors pourquoi les faire ici?

-On voulait une qualité exceptionnelle, qui soit ce qui se fait de mieux dans le monde, avec notre logique de pouvoir répondre aussi bien aux petits qu’aux gros volumes, mais toujours avec la même flexibilité, la même qualité, la même rapidité.

Et on a trouvé en France, à Lille,  une entreprise qui s’appelait Paul Lagache qui faisait des boîtes de qualité, je dirais même de prestige: cette société connaissait pourtant des difficultés, malgré la qualité exceptionnelle du travail fourni, notamment au niveau du laquage des boîtes, digne de celui proposé sur des voitures de luxe.

J’ai vu le propriétaire; je l’ai convaincu de rentrer dans un partenariat avec nous et de transférer toute l’activité à Marrakech, avec comme objectif: arriver à de bien plus gros volumes.

On a pris le temps de comprendre le concept de son travail, le process, le savoir-faire: on a fait appel à des cabinets d’engineering pour produire à grande échelle avec la même qualité. Et aujourd’hui, on peut faire tous les volumes: 100 ou 200 boîtes, comme c’était fait en France, mais aussi 20.000 boîtes avec la même qualité. On va faire rentrer prochainement de nouvelles machines qui nous permettront de produire jusqu’à 2 millions de boîtes, de tous formats, chaque mois!

Et ce que nous faisons n’a rien à voir avec les boîtes fabriquées en Chine. D’ailleurs, l’un de nos plus gros marchés pour les boîtes, c’est l’Asie et notamment la Chine. Nos boîtes partent de Marrakech en Chine, parce que les Chinois sont friands de tout ce qui est très qualitatif.

-Vous importez le thé en vrac. Et ensuite, vous procédez aux mélanges et aromatisation, en fonction des souhaits de vos clients…

-On ne fait que du sur-mesure. Nous faisons exactement ce que nous demande chaque client. Et quand je parle de sur-mesure, cela va du sachet sur-mesure, selon la taille et le format désiré, à l’emballage, en passant par le thé lui-même où tout est sur-mesure.

Parce qu’il n’y a pas un seul type de thé noir et un seul type de thé vert, il y en a une multitude, avec des qualités très diverses. Chaque client tient à une qualité très précise. On travaille donc avec nos clients sous forme d’un véritable partenariat, tenant compte des besoins spécifiques, en qualité, quantité et type de mélange.

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-Aujourd’hui, vous avez des clients un peu partout dans le monde et les exportations sont essentielles pour vous…

-Les exportations représentent 99% de notre activité! On a démarré par la France, mais on est maintenant dans tous les  pays européens ou presque, Allemagne, Espagne, Italie, Suède, Autriche, Angleterre; on est également présents sur le marché américain; et on a conquis le marché moyen-oriental: Arabie-Saoudite, Emirats, Qatar, Jordanie

On est aussi en Asie: c’est même le marché qui se développe le plus rapidement, on importe du thé de Chine en vrac, on le travaille ici, on le valorise et on le réexpédie en Chine!

-Parce que, c’est une de vos particularités, vous avez une chaîne complète: vous recevez du thé en vrac et vous créez les emballages, vous produisez les sachets, les boîtes, et vous réexportez des produits finis…

-Je vous explique notre concept: la meilleure manière de boire du thé, il y a quelques années, c’était le vrac; car le thé en sachet n’était que du bas de gamme: les machines qui pouvaient conditionner le thé en sachets ne pouvaient le faire qu’avec du thé en poudre.

Pour les vrais amateurs, il n’y avait donc que le vrac. On a travaillé pendant plusieurs années sur ce problème pour arriver à mettre la qualité du vrac en sachet.

C’est la grande particularité du sachet mousseline: c’est le seul qui permet de mettre des particules de thé importantes, de vraies feuilles de thé, de la même qualité qu’en vrac.

Depuis près de 20 ans, on a gardé cette particularité en investissant dans le matériel nécessaire pour pouvoir développer notre production mais en conservant toujours la même qualité. D’ailleurs, chaque fois que l’on a du choisir entre automatiser et perdre un peu de qualité, on a toujours choisi de garder l’aspect manuel.

C’est pour cela que l’on a peu automatisé l’atelier de conditionnement parce que la seule manière de mettre en sachet des thés de prestige, sans casser les feuilles, est de le faire à la main.

C’est notre spécificité qui nous a permis de nous imposer au niveau mondial. Alors que dans le même temps, beaucoup d’industriels se sont focalisés sur la productivité et la rentabilité, donc sur l’automatisation, au détriment de la qualité. Si bien qu’on est presque les seuls actuellement, au monde, à pouvoir conditionner des thés haut de gamme en gros volumes.

-Donc aujourd’hui, un client, quelque part dans le monde, qui a besoin d’un thé de haute qualité, dans un emballage mousseline, passe par vous…

-Oui, à plus de 90%. Il y a deux structures qui se sont montées dans le monde, une en Chine et une en Pologne, mais qui ont des capacités de production de tous petits volumes et qui n’arrivent pas à maîtriser le process à plus grande échelle: ce n’est pas une question de machines ou de moyens, mais de savoir-faire; cela nous a pris presque 30 ans pour y parvenir parfaitement.

On a donc une vraie longueur d’avance… que l’on compte bien conserver!

-Dans votre chaîne de production, vous faites tout, y compris les étiquettes, puisque vous avez votre propre imprimerie…

-En essayant de répondre exactement aux besoins du marché, on s’est retrouvés face à des soucis, entre autres de packaging et d’emballage. On ne trouvait pas de fournisseurs locaux pour répondre aux besoins exacts et aux exigences de qualité imposées par nos clients.

On importait donc près de 99% de nos emballages de France ou d’Allemagne, parfois même des Etats-Unis ou d’Asie. Mais on avait de plus en plus de contraintes: par exemple, nos clients voulaient des gammes d’emballage de plus en plus étendues, avec des quantités, du coup, très variables: et plus le thé était de très haut de gamme, plus il fallait un emballage à la hauteur.

La solution la plus simple pour nous, à l’époque, aurait été de trouver des sous-traitants qui auraient pu répondre à toutes nos contraintes de flexibilité de temps et de quantités. On n’en a pas trouvé.

Et c’est là qu’est née l’idée de faire les choses par nous-mêmes. On a donc investi dans une imprimerie, avec un équipement très adapté à nos besoins. On est les seuls aujourd’hui en Afrique à avoir un équipement de ce genre: c’est de l’impression industrielle, mais en digital, qui correspond exactement à ce qu’il nous faut.

-Ce que vous dites laisse entendre que si la mise du thé en sachets se fait manuellement, pour tout le reste, vous avez procédé à des investissements très importants…

-Ces 6 dernières années, on a énormément investi: environ 500 millions de DH. Rien que l’unité de fabrication des boîtes métal, c’est 150 millions de DH d’achat de machines. L’imprimerie, c’est 30 millions de DH.

Pour l’unité qui fait le collage des étiquettes sur les fils, l’investissement a été de 80 millions de DH, en partenariat avec des Japonais. Et nous allons poursuivre: nous ne devons surtout pas nous reposer sur nos lauriers.

-Comment fonctionne Siti aujourd’hui ?

-Nous sommes un groupement de structures, un écosystème que nous avons créé autour du thé de luxe. On a introduit plusieurs partenaires étrangers: on est allé voir les meilleurs dans chaque activité et on s’est efforcé de les pousser à investir avec nous, à Marrakech.

On a ramené des Japonais, des Suisses, des Français, des Allemands; on s’apprête à créer une structure avec des Chinois, une autre avec des Indiens… Siti est donc la locomotive: tout le reste a été créé autour.

-Vous travaillez pour des grandes marques de luxe, dans le monde entier. Mais vous êtes très discrets sur ces marques…

-C’est vrai, on ne cite aucune marque. On a d’ailleurs une stratégie commerciale très particulière…

On n’a pas de catalogue: comme on ne fait que du sur-mesure, cela n’aurait pas de sens; on ne fait pas de salons, car on ne peut pas exposer les clients pour lesquels on travaille et qui souhaitent, tous, que l’on reste en retrait; et on ne fait pas de prospection de nouveaux clients: vu le savoir-faire que l’on a développé, ce sont les clients qui viennent nous demander de travailler pour eux; on est donc dans l’optique de sélectionner ceux avec lesquels on a envie de travailler. Car le marché du thé dans le monde a énormément changé.

Il y a un vrai engouement vers le haut de gamme et quand une structure autour du thé veut démarrer, et que ses dirigeants se demandent qui peut travailler pour eux, ils n’ont guère d’autre choix que d’arriver sur Marrakech, c’est-à-dire chez nous.

Marrakech est devenu le carrefour mondial du thé de luxe! Peu de gens le savent, mais toutes les grandes marques de thé de luxe à travers le monde, sont en grande partie fabriquées à Marrakech, que ce soit pour le marché européen, nord-américain ou même asiatique ou australien.

-Vous ne faites pas que travailler pour des clients: vous avez votre propre marque de thé…

-On a effectivement une marque, Tchaba, que l’on a développée au départ juste pour que les clients potentiels voient ce que nous étions capables de faire.

Mais très vite ce thé a eu un gros succès et nous l’avons développé, parce que le marché en a décidé ainsi. Comme nous avions concentré sur cette marque ce qui se fait de mieux dans le monde en matière de thé, beaucoup d’amateurs nous sont fidèles.

-Bien que votre entreprise ait énormément grandi au cours des années passées, êtes-vous toujours une entreprise familiale ?

-Totalement! Mon père, Mustapha El Baroudi, à 68 ans, vient toujours régulièrement au bureau, du moins quand il est à Marrakech et il a toujours le titre de PDG: pour nous, c’est une marque de respect vis-à-vis de lui.

Moi je suis vice-président, en charge de l’exécutif.

Et nous avons mes 4 frères qui travaillent autour de nous. Mon frère Mohamed El Baroudi est à la direction générale: il s’occupe de tout ce qui est administratif. Hamza El Baroudi travaille sur les projets et les nouvelles productions; un autre frère Othman El Baroudi est directeur financier. Et le tout dernier Jaâfar El Baroudi vient de nous rejoindre: il va travailler sur la mécanisation de quelques process et surtout sur l’acquisition de nouveaux équipements et de nouvelles technologies.

Car, on est dans un processus d’évolution permanente: si vous revenez dans deux mois, vous verrez des changements par rapport à ce que vous avez vu aujourd’hui.

C’est ce que nos clients adorent chez nous: ça bouge en permanence et on a toujours de nouveaux produits à leur proposer.

Ils viennent au moins 3 ou 4 fois par an. Chez nous, ils peuvent développer leur créativité et faire prospérer leurs produits et leurs marques. Ils nous sont donc tous très fidèles depuis des années… A nous, en contrepartie, de les rassurer en permanence et de répondre à leurs attentes. Ils dépendent en grande partie de nous et c’est pour nos équipes une très lourde responsabilité.

Le 11 septembre 2015
SOURCE WEB Par Médias 24
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