Maroc: la régionalisation au secours de l’emploi
Chefs d’entreprise, DRH, chercheurs et enseignants ont assisté, le 7 janvier, à la conférence-débat organisée par l’AGEF Marrakech. Le thème correspondait largement aux préoccupations du moment: "Emploi et compétences face aux défis de la régionalisation".
Comme l’a rappelé dans son discours d’introduction Mohamed Ait Benzaiter, président de l’Agef Marrakech (l’Association des gestionnaires et formateurs des ressources humaines), "si dans de nombreux pays, à systèmes décentralisés, la région a servi de support privilégié d’action et de gestion économique, l’instance régionale est aujourd’hui de plus en plus sollicitée pour apporter des solutions durables aux problèmes, notamment du chômage".
Une personnalité s’est montrée particulièrement convaincue des bienfaits que pourra apporter la régionalisation. C’est Abdessalam Seddiki, ministre de l’Emploi et des affaires sociales, pour qui le pays est en train de rentrer dans une nouvelle phase de son histoire.
S'il se montre optimiste, c’est que le pays ne manque pas d’atouts, même si le premier mis en avant par le ministre a fait sourire l’assistance: "La chance immense du Maroc est de n’avoir jamais découvert de pétrole! Si bien que nous avons appris à travailler et à travailler durement. Nous avons maintenant un tissu entrepreneurial qui est valable; nous avons un peuple travailleur et des ressources humaines très qualifiées."
Et le ministre de citer ce haut responsable de Renault, qui lui confiait récemment que le Maroc était en pointe pour les RH et que cela avait contribué à décider le constructeur automobile à quitter la Roumanie pour s’implanter au Maroc.
Régionalisation, éducation et emploi
Mais Abdessalam Seddiki reconnaît aussi, avec lucidité, que le Maroc a des faiblesses. En particulier la grande disparité d’une région à l’autre: "La région de Casablanca produit 23% de la richesse nationale, quand d’autres régions sont à 7%, voire même à 3%. Ce n’est pas normal, car on produit ainsi de la marginalisation et de la frustration: la disparité sociale existe toujours, malgré les efforts réalisés."
Heureusement, la régionalisation peut contribuer à régler, en partie, le problème, en réussissant là où l’Etat a échoué: "¼ de notre budget est consacré à l’éducation, mais les résultats ne sont pas là: le Maroc d’en haut a évolué beaucoup plus vite que le Maroc d’en bas. La centralisation était nécessaire, à un moment donné, pour consolider l’Etat, mais on a atteint nos limites et maintenant, il faut aller sur le terrain, aux plus prés des gens concernés. Il faut que l’on décentralise."
Mais pour conclure son intervention, le ministre a lancé comme un avertissement: "Pour que cela fonctionne, il faut que les élus locaux prennent en main leur destinée. Mais il faut aussi que la gouvernance locale soit presque parfaite: je dirais même qu’il faut que chaque responsable soit tenu de rendre des comptes, quel que soit son rang: c’est fondamental."
Et c’est à un conseiller de son cabinet, Mohamed Ezzahou, que le ministre a donné la parole, pour, en quelques chiffres, faire le bilan de la région. Marrakech-Safi participe à la richesse nationale à hauteur de 11%, avec un taux de croissance plus élevé que la moyenne nationale. La richesse produite provient à 60% du tertiaire, et notamment de l’hôtellerie et de la restauration, secteur où la région est leader. Avec, comme conséquence, un taux de chômage en forte baisse, puisqu’il est passé de 19% en 99 à moins de 11% aujourd’hui.
Cela n’empêche pas Mohamed Ezzahou de rester prudent. Il serait dangereux de tout miser sur l’hôtellerie et la restauration, très sensibles à la situation géopolitique. Il faut favoriser les créations d’entreprise et développer l’emploi: "Les investissements publics doivent avoir un objectif: dans les appels d’offres, favoriser les projets qui demandent le plus de main-d’œuvre, plutôt que ceux qui misent sur la technologie."
Cette intervention a moyennement convaincu Ahmed Akhchichine, président du Conseil régional Marrakech-Safi: "On vient de nous dire: vous n’avez pas à vous inquiéter, car vous êtes dans une région qui s’en sort beaucoup mieux que d’autres. C’est vrai, et pourtant, il suffit de quitter cette salle pour se trouver confrontés, de façon brutale, à la réalité du chômage et de la misère."
Et Ahmed Akhchichine, de remettre, tout au long de son intervention, l’homme au cœur de ses préoccupations: "Ceux qui ont en charge la gestion des affaires réfléchissent souvent à partir de boîtes à outils performantes, engagent des énergies très importantes, font souvent appel à ce que nous avons de mieux en terme d’intelligence, mais ils le font depuis leurs bureaux, à l’échelle nationale. Or la demande n’est pas nationale: elle s’exprime au niveau de l’individu, que les outils d’intervention ont souvent beaucoup de mal à comprendre."
Le président de région conclut sur le fait que la proximité est devenue essentielle: "Plus on rapproche la décision des acteurs directement concernés, plus on est efficace. Nous avons un atout déterminant, la qualité des hommes et des femmes, sans qui rien ne se fera. Sans eux, aucun dispositif ne pourra fonctionner."
Patronat, syndicats, associations, gouvernement... tout le monde doit s'impliquer
Ce point de vue est totalement partagé par le ministre, pour qui le dialogue social est la clé du succès: "Il est de notre devoir d’impliquer les partenaires sociaux, ne serait-ce que pour leur permettre de mieux comprendre les problématiques. Certes, le dialogue social prend du temps, mais c’est le prix de la démocratie. Et le Japon a montré depuis longtemps que cela pouvait parfaitement fonctionner."
Mais évidemment, la régionalisation n’aura d’impact sur l’emploi que si toutes les énergies sont mobilisées. Celles, par exemple de l’Anapec. Son directeur général, Anas Doukkali, s’est montré fortement impliqué, comme ses équipes, pour relever le challenge: l’Anapec a totalement revu ses implantations, pour se calquer sur le nouveau découpage territorial administratif. L’agence sera bientôt présente dans toutes les provinces, avec des agences de proximité et un plan de développement à l’horizon 2020 a été mis en place.
De son côté, Adel Bouhaja, le tout nouveau président régional de la CGEM s’est, lui aussi, montré résolu à mener ce combat pour l’emploi, en insistant sur un point qui lui paraît essentiel: la formation. Et c’est une petite pique qu’il a décochée aux universités: contrairement aux établissements privés, a-t-il dit, les universités publiques ne recherchent aucun contact avec les entreprises et forment trop d’étudiants à des métiers sans débouchés. Les enseignants présents ont moyennement apprécié…
Alors que retenir de ces deux heures de discussion? Médias24 a demandé au président de l’Agef Marrakech sa réaction à la fin des débats: "Depuis la régionalisation, nous voyons la façon de réguler le chômage avec plus d’optimisme qu’auparavant. Mais il ne s’agit encore que de plans d’action sur le papier: il faut maintenant concrétiser sur le terrain, en impliquant toutes les parties prenantes: patronat, syndicats, associations, gouvernement. On a besoin de voir clairement la nouvelle dimension de la région."
"Sera-t-elle réellement autonome par rapport à la gestion des budgets? Aura-t-elle la capacité d’être indépendante pour les prises de décision? Mais je reste optimiste: 2016 sera l’année de la mise en place et de l'assimilation de cette nouvelle manière de voir les choses. Il faut juste être patient et laisser du temps au temps, pour juger de l’efficacité de cette nouvelle configuration."
Le 09 Janvier 2016
SOURCE WEB Par Médias 24
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