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Le Régime d’assistance médicale est un droit pour les citoyens démunis

Le Régime d’assistance médicale est un droit pour les citoyens démunis

Entretien avec le ministre de la Santé , El Hossein El Ouardi Le Matin: Le RAMED est un immense chantier qui était très attendu et qui conjugue les principes d’assistance sociale et de solidarité nationale. L’opération de généralisation du Régime d’assistance médicale, autrement dit du RAMED, a été lancée, quelles en sont les étapes ? El Hossein El Ouardi : Le RAMED, régime public basé sur la solidarité nationale, est un droit pour les citoyens bénéficiaires et une obligation pour l’État. Quelques chiffres pour en donner la mesure : il bénéficiera à 8, 5 millions de personnes, 4 millions en état de pauvreté absolue, 4,5 millions en état de vulnérabilité et à quelques 160000 personnes, détenues, sans abri, orphelins, etc. Les absolus seront pris en charge par les collectivités locales à raison de 40DH par personne et par an, les vulnérables participent à raison de 120DH par personne, sans dépasser 600DH par an. L’État participe donc à hauteur de 75%, les collectivités locales à hauteur de 6% et les vulnérables à 19%. Les 8,5 millions de bénéficiaires constituent 28% de la population. Un mot sur l’offre de santé, en d’autres termes où pourront s’adresser les bénéficiaires du système RAMED ? L’État met à leur disposition 2581 établissements de soins de santé dont 2030 centres de santé, 111 hôpitaux provinciaux et préfectoraux, 12 hôpitaux régionaux et 19 CHU et prés d’une centaine d’unités médicales équipées au niveau des provinces et 620 unités médicales mobiles qui sillonneront les régions isolées. Ces régions isolées témoignent des inégalités criantes dans le secteur des soins. Vous faisiez vous-même état, dans un entretien, des 20% de la population la plus riche qui consomme 56 % de soins alors que 20 % de la population la plus pauvre ne bénéficie que de 3 % des soins de santé sans compter que 31% de la population rurale vit éloignée de plus de 10 km d’un centre de santé quand celui-ci fonctionne ! Qu’est-ce qui change avec le RAMED ? Nous sommes l’un des pays où l’État a accepté de prendre en charge 28% de la population. Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que le panier de soins qui sera offert, c’est l’équivalent de ce qui existe actuellement plus les transferts inter-hôpitaux. Nous allons démarrer progressivement la mise en place et si un hôpital n’a pas les moyens, nous assumerons notre responsabilité pour amener le malade dans un autre hôpital, en plus des poches de sang, des dispositifs médicaux, des prothèses qui posent beaucoup de problèmes, la prise en charge des maladies chroniques qui coûtent excessivement cher, des moyens utilisés lors de l’opération, plus les transferts inter-hôpitaux. Tout cela est inclus dans l’offre. Quand vous dites progressivement, cela veut dire que tout ne sera pas prêt dès le début ? Il y aura trois phases. Au cours de la phase de démarrage, nous allons utiliser les moyens existants dans nos hôpitaux et nous prendrons en charge les maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension artérielle, le cancer, l’hemophyliase, les maladies entraînant la cécité et qui sont très coûteuses pour le citoyen. Nous allons mettre sur pied les urgences de proximité là où il n’y a pas de centres de santé ou de soin, mais ce ne sont pas des services d’urgence. Nous allons mettre sur pied le système de caravanes spécialisées, acquérir des hôpitaux spécialisés, où les malades seront opérés, pris en charge, etc. Cela nous permettra d’accueillir un grand nombre, de nous rendre dans des régions sous-médicalisées, isolées où les médecins pourront rester deux trois mois pour accueillir les malades. Parallèlement, nous travaillerons sur la problématique des ressources humaines qui est essentielles dans le cadre d’un partenariat public-privé. Cette période de démarrage ne dépassera pas trois mois. La seconde phase sera une phase de renforcement. Nous avons déjà une carte des hôpitaux qu’il faudra réhabiliter, réaménager et ré-équiper. Les outils de gestion, de communication et de coordination relatifs au Maroc seront mis en place en collaboration avec les départements de l’Intérieur et des Finances. Cette période durera de juin jusqu’à décembre 2012. Le premier janvier 2013 verra le commencement de la phase de consolidation qui se conjuguera avec le Plan d’action du ministère2012-2016 et le plan du gouvernement. Qu’entendez-vous par consolidation et par quelle politique sera sous-tendue cette phase ? Nous allons dans un premier temps mettre l’accent sur l’actualisation de l’arsenal juridique, un chantier déjà initié. Deuxième point qui sera l’«alpha» et l’«oméga» de notre politique, c’est la gouvernance. Au lendemain du lancement de la phase de généralisation de RAMED, j’ai réuni tous les directeurs régionaux pour leur montrer que dorénavant nous allons déléguer, déconcentrer. Ce sont eux qui sont les véritables ministres des régions, qui travaillent sur le terrain et qu’il faut encourager, motiver, accompagner. Troisième point, c’est la formation des ressources humaines qui sont la base de tout. Et là, nous avons plusieurs clignotants rouges, un déficit de 9000 infirmiers et infirmières, de 8000 médecins. Il nous faut des solutions que l’on doit trouver dans notre contexte, car il ne sert à rien de transposer des réponses d’ailleurs. Il faut des solutions marocaines à des problèmes marocains. Dernier élément, il nous faut réfléchir sur de nouveaux modes de financement pour pérenniser le système parce qu’il faut prévoir une augmentation de la demande de prés de 4%. En 2007, le RAMED avait été estimé à 2,7milliards de DH, actuellement, nous sommes à 3 milliards de DH ! Pour éviter toute dérive, comment se fera la gestion de cet argent ? Elle se fera sur des principes précis, le premier c’est celui de la traçabilité et la transparence. J’ai expliqué aux directeurs régionaux que nous allons créer des lignes budgétaires sécurisées. L’argent du RAMED va suivre les ramedistes. On créera avec nos collègues des Finances, des lignes budgétaires à la morasse de la loi de Finances. Nous savons par exemple que l’argent offert pour les prestations de l’AMO par la CNOPS et la CNSS va en grande partie dans les cliniques privées, soit 94% et seulement 6% dans les hôpitaux. Cela veut dire quoi ? Que les hôpitaux ne sont pas concurrentiels. Les hôpitaux ont, certes, besoin d’argent parce qu’ils traitent beaucoup de malades, mais cela ne suffit pas. Dans le cas du RAMED, tout l’argent va aller au système public. IL faut en profiter bien sûr pour traiter les malades, mais aussi pour équiper les hôpitaux. L’argent existe, mais il faut savoir bien l’employer et optimiser son utilisation. Vous avez évoqué des principes. Le premier étant celui de la transparence, quel est le second principe ? C’est la contractualisation du central avec les régions pour arriver à une gestion fondée sur des résultats. Toute gestion devra être faite sur des indicateurs précis en termes de besoins et de nombre de personnes traitées. En parlant de personnes traitées, vous évoquez le problème de l’éligibilité au système qui me fait rappeler celui des certificats d’indigence qui ont plus contribué aux plus riches... Et même aux parents de ministres. Comment éviter une pareille dérive du système ? Avec le certificat d’indigence, le malade était à la merci d’une personne. Ce certificat était délivré pour une personne, il devait être utilisé à l’intérieur d’un seul hôpital et parfois dans un seul service. La carte RAMED est valable pendant trois ans, elle est utilisée par tous les membres de la famille et peut être utilisée dans tous les hôpitaux. Elle permet de sauvegarder la dignité de la personne qui n’est plus à la merci de tel ou tel fonctionnaire. Il y a, en effet, des critères objectifs comme le salaire, le patrimoine, etc., qui sont certifiés par une commission locale, et informatisés. Les personnes doivent déposer un formulaire renseigné et la commission locale doit rendre une réponse rapide en moins de trois mois qui peut faire l’objet d’un recours si la personne n’est pas d’accord. Il y a un délai très court de réponse. En attendant d’avoir une réponse, la personne peut utiliser son récépissé de dépôt de dossier pour avoir des prestations. Le formulaire dites-vous est à retirer au niveau des collectivités locales ou sur Internet. Mais peu de personnes du monde rural utilisent Internet. Comment allez-vous informer la population ? Nous allons faire une campagne à grande échelle en utilisant des dépliants, des films d’explication à la télévision, à la radio, etc. Il y aura une large campagne d’explication pour inciter les gens. Nous avons l’expérience pilote de Tadla-Azilal avec ses points négatifs que nous avons passés à la loupe. Nous avons, par exemple, visé une population de 420000 personnes à Azilal et seules 200 personnes se sont inscrites. Les Marocains attendent souvent d’être malades pour aller s’inscrire. Avec cette campagne, nous expliquons à la population ciblée qu’il faut avoir sa carte RAMED. Le film que nous avons passé lors du lancement de l’opération présidée par Sa Majesté était explicite. Nous avons également des spots en arabe et en tamazight qui seront largement diffusés par les radios et autres médias. Nous nous impliquerons tous avec nos collègues de l’Intérieur dans cette campagne. Sans vouloir jouer les Cassandres, il y a un risque cependant de créer trop d’espoir et que cet espoir se transforme en frustration pour différentes raisons. Comment dans un premier temps éviter les abus ? Bien sûr, nous n’avons pas de baguettes magiques et nous avons prévu des filtres. Sur la carte du RAMED, est inscrit le centre de santé auquel est attaché le ramediste. Il y a les soins par paliers. La carte du RAMED ne permet pas d’aller n’importe où. Le bénéficiaire doit passer par son centre de santé et c’est au médecin traitant de le diriger vers tel ou tel hôpital. Le système va être progressivement mis en place comme je vous l’ai expliqué et nos concitoyens doivent se rendre compte des améliorations progressives. Le décret du RAMED spécifie qu’il s’agit de faire bénéficier le citoyen des soins disponibles dans les hôpitaux. En cas d’absence de telle ou telle spécialité, c’est au médecin de prendre rendez-vous pour le patient avec tel ou tel hôpital. Il faut agir ainsi pour que le citoyen sache que son cas est pris en considération. N’est-ce pas une démarche utopique quand on connaît la pression qui existe dans les centres de santé, qui souvent ne sont pas équipés ? C’est un objectif. Il faut que le patient soit traité avec dignité et qu’il sente que l’on s’occupe de lui. Un patient bien accueilli, avec qui on prend son temps a déjà un bon moral. À partir de l’expérience pilote quels ont été les autres dysfonctionnements ? Les patients achetaient leurs médicaments à cause des insuffisances de dotation dans l’hôpital. Parfois, ces médicaments existent, mais il y a une gestion déficitaire. Nous étions jusqu’à l’année dernière à moins d’un milliard de DH. Cette année nous avons plus d’argent, soit 2 milliards pour acheter les médicaments et nous avons lancé un vaste plan de réorganisation de nos pharmacies des hôpitaux pour résoudre ce problème qui inclut à la fois les médicaments et les dispositifs médicaux comme les prothèses. L’argent est disponible, il faut aller vers l’amélioration de la gestion et je souhaite créer une émulation entre les hôpitaux. Toutes ces réformes demandent des moyens, vous dites que l’argent est disponible, mais demandent aussi du temps et la formation du personnel. Ne pensez-vous pas qu’il faille éviter que sous la pression des besoins, des attentes et des revendications de la population, la machine aille trop vite ? Nous ne commençons pas à zéro. À mon arrivée, il y a deux mois au ministère de la Santé, j’ai trouvé que le département avait fait un excellent travail en termes de formation. Pour le seul dossier de RAMED, 7500 personnes ont été formées à travers tout le Royaume. Le ministère de l’Intérieur a fait de même pour la question de l’éligibilité au système RAMED. Il fallait donc, pour éviter une déperdition de ces efforts, accélérer le rythme pour lancer l’opération de généralisation du Régime d’assistance médicale, faute de quoi, nous aurions eu à faire face à une démotivation de toutes ces personnes formées, qui ne voyant rien venir ont commencé à «déprimer». Nous aurions dû lancer le RAMED bien avant, mais je dis qu’il y a un début à tout, une progressivité, mais faire vite et bien, ne veut pas dire faire les choses dans la précipitation. Nous nous sommes entourés de tous les atouts et du maximum de précautions pour lancer le système. Quel sera votre prochain grand chantier ? Le dossier des urgences ? Les urgences c’est la vitrine de l’hôpital, mais au-delà de cette affirmation, nous ne pouvons pas accepter que 63% des accidentés graves au Maroc meurent soit sur les lieux de l’accident, soit au cours du transport vers l’hôpital. Il faut travailler sur la prise en charge, et faire en sorte qu’à Oujda il y ait un véritable service des urgences, de réanimation et de SAMU. Il faut arrêter de saucissonner et de polariser tout au niveau d’un hôpital. C’est une nouvelle vision que j’essaie de partager avec les directeurs centraux et les syndicats. Je suis moi-même urgentiste, j’ai une grande expérience que je voudrais partager avec les professionnels. Ce sera mon prochain dossier. Publié le : 15 Mars 2012 – SOURCE WEB par Farida Moha, LE MATIN