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Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, mort clinique du ministère de la Justice

Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, mort clinique du ministère de la Justice

Mohammed Abdennabaoui a pris ce mardi 11 avril, ses fonctions de procureur général du Roi près la Cour de cassation, devenant ainsi le chef du parquet. Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire se met en place, apportant un immense changement dans le fonctionnement de la Justice.

Le Roi Mohammed VI avait nommé, jeudi 6 avril, les membres du nouveau Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Désormais installée, cette institution créée par la Constitution de 2011 se substitue au Conseil supérieur de la magistrature.

Ce changement d'appellation n'est pas anodin.

Avant 2011, nous parlions d'autorité judiciaire d'une part, et d'autre part, des pouvoirs législatif et exécutif. Aujourd'hui, il faut compter avec le "pouvoir judiciaire".

Alors que l'exécutif est dévolu au membres du gouvernement et le législatif aux parlementaires (et le gouvernement), qui exercera le troisième pouvoir? La loi organique relative au CSPJ nous donne une réponse: "Les magistrats qui pratiquent effectivement leurs fonctions judiciaires dans les juridictions comprises dans l'organisation judiciaire du Royaume".

En clair, magistrats du siège et ceux du parquet forment donc le pouvoir judiciaire, lequel est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. Du moins sur le papier. En tant que président du Conseil, le Roi tiendra lieu de garant de cette indépendance. Il sera suppléé par un président-délégué, en la personne du Premier président de la Cour de Cassation, Mustapha Fares. Ce dernier se pose comme le nouvel homme fort de la Justice. Autre homme fort: le Procureur général du Roi près la Cour de cassation, Mohammed Abdennabaoui, nommé à le 3 avril 2017 à ce poste et installé ce 11 avril.

Ci-dessous, vidéo de l'installation, ce mardi 11 avril, de Mohammed Abdennabaoui en tant que Procureur général près la Cour de cassation:

Face à la montée de ces deux personnalités, le ministre de la Justice perd doublement au change. Explication:

-Il était président-délégué au sein du conseil supérieur de la magistrature. Il est désormais totalement exclu du CSPJ (il n'est ni président-délégué, ni même pas membre). Il peut néanmoins assister aux délibérations du Conseil. Mais il n'aura pas d'emprise sur la carrières des magistrats. En d'autres termes, sur leur nomination, mise en retraite, avancements, détachement, démission et discipline.

 -Chef du parquet dans l'ancien système, il est aujourd'hui dépossédé de ce titre au profit du Procureur général du Roi près la Cour de Cassation (art 66 de la loi organique relative au CSPJ). Ce dernier édictera par la même occasion la politique pénale du pays, autre prérogative historiquement dévolue au ministre de la Justice.

Privé de ces prérogatives, ce ministre perd ce qui lui octroyait une sorte de tutelle sur les magistrats (une tutelle indirecte sur ceux du siège, à travers la possibilité de statuer sur leur carrières. Une tutelle directe sur ceux du parquet, en étant leur chef). Bref -théoriquement- entre l'exécutif et la Justice, la rupture est consommée.

Situation que d'aucuns assimilent à "une mort clinique du ministère de la Justice, qui n'a plus rien de régalien", nous explique ce magistrat, par ailleurs membre de la commission chargée de l'élaboration du code pénale. Mais de tempérer: "Le ministère peut toujours élaborer des projets de loi, un pouvoir considérable".

Du reste, les missions du ministère concerneront pour l'essentiel la chose administrative. Une instance commune entre le conseil et le ministère de la Justice sera créée pour la coordination dans le domaine de l’administration judicaire, sous la supervision conjointe du président délégué et le ministre de la Justice, chacun selon ses compétences, dans la limite de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Jamais une femme n'a siégé au Conseil

C'est aussi l'une des grandes premières: Quatre femmes siègeront au sein du Conseil. Trois d'entre elles appartiennent au corps de la magistratures et ont été élues suite au scrutin du 23 juillet 2016. Il s'agit, d'une part, de Mme Majda Daoudi, élue au titre des juridictions d'appels et d'autre part, de Aicha Naciri et Hajiba Boukhari qui ont été élues parmi les magistrats des tribunaux de première instance. Hind Ayoubi Idrissi fait quand à elle partie des personnalités désignées par  le Roi.

Dans la composition du Conseil, 10 magistrats ont été élus parmi ceux des cours d’appel, et 6 parmi ceux des juridictions du premier degré. "En vertu du principe de la parité", la loi organique assure la représentation des magistrates, parmi les dix membres élus, dans la proportion de leur présence dans le corps de la magistrature.

"Les lois antérieures n'interdisait pas cette participation, mais le votes des confrères ne favorisait guère la femme magistrate. Cette première participation est un honneur pour la femme magistrate", commente un membre du nouveau Conseil, qui a requis l'anonymat.

Un code déontologique judiciaire

Désormais installé, le conseil se penchera en priorité sur l'élaboration de son règlement intérieur, lequel doit être soumis à la cour constitutionnelle, instance elle aussi nouvellement installée. "La loi organique relative au Conseil nous impose d'élaborer ce dernier dans un délai de 3 mois à compter de notre nomination par le Roi. Pour nous, c'est une urgence", ajoute notre interlocuteur.

Autre priorité - et par ailleurs nouveauté, le " Code déontologique judiciaire". La loi organique prévoit son établissement après consultation des associations professionnelles des magistrats. L'idée est d'y contenir les valeurs et principes que doivent observer les magistrats à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.

Une question doit notamment être clarifiée. Dans son article 111, la Constitution garantit aux magistrats la liberté d'expression. Mais elle  ne manque pas, dans le même article, de leur imposer un devoir de réserve, comme pour poser un garde-fou, un contrepoids.

Le Code déontologique devra dire aux magistrats où finit leur liberté d'expression et où commence leur devoir de réserve. Qui d'entre eux est la règle et qui est l'exception?

Une entité autonome

La garantie d’une justice indépendante passe aussi par la mise en place d’une entité autonome. C’est le cas du conseil, qui jouit de la personnalité morale et de l’autonomie financière.

Il jouit d’un budget spécial. Les comptes affectés à son fonctionnement sont inscrits dans le budget général de l’Etat et seront annuellement fixés dans la loi de Finances.

De même, seront mises à la disposition du Conseil les ressources humaines et matérielles nécessaires, ainsi qu’un siège situé à Rabat.

En outre, sera mis en place un secrétariat général constitué de magistrats, fonctionnaires et techniciens désignés conformément à un règlement intérieur spécial.

Enfin, le conseil pourra, selon ses besoins, conclure des contrats avec des experts ou conseillers pour accomplir des missions spécifiques.

Le 07 Avril 2017

SOURCE WEB Par Médias 24

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