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Gestion de l’eau «700 M de m3 d'eau vont être transférés du Nord vers le Sud»

Gestion de l’eau «700 M de m3 d'eau vont être transférés du Nord vers le Sud»

 

Le Maroc fait face au défi de la généralisation de l'eau potable dans le monde rural et dans les

périphéries urbaines.

Entretien avec Ahmed Fouad Chraïbi, DG de NOVEC

 

\ Publié le : 06.09.2010 | 15h59

 

 

Des centaines d'experts se sont donné rendez-vous à Stockholm cette semaine où se tient le rendez-vous annuel des questions liées à l'eau les plus urgentes de la planète. Les sujets de discussion de cette année s'articulent autour du thème de l'édition de 2010 « L'enjeu de la qualité de l'eau : prévention, usage raisonné et économie de la ressource».

 

 

 

 

 

 

 

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Un autre congrès, Le Congrès mondial de l'eau 2010, se tiendra à Montréal, au Canada, du 19 au 24 septembre. Plus de 4.500 professionnels de l'eau issus du monde entier sont attendus afin de participer, d'échanger des idées et de débattre des questions clés sous-jacentes aux sciences et aux pratiques hydrologiques

Au centre des discussions la 4e édition du Rapport mondial des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau lors de la session « Distribution et partage de l'eau dans les systèmes nationaux et transfrontaliers ». On a souvent parlé de la guerre du pétrole, et il n'est pas exclu que l'on parle demain de la guerre de l'eau, cette ressource essentielle à la vie qui n'est pas disponible pour 1/6 de la population mondiale. 884 millions de personnes n'ont pas accès à de l'eau potable et salubre et plus de 2,6 milliards de personnes n'ont pas accès à des services d'assainissement de base

Ce sont les pays du sud et particulièrement la population africaine qui pâtiront le plus de la rareté de cette ressource et des problèmes d'assainissement mais aussi des maladies transmises par l'eau comme le choléra, la typhoïde et la diarrhée, la malaria et la bilharziose qui font chaque année des millions de victimes. Mais beaucoup de pays ont leur sud et au Maroc de plus en plus de population souffre de la rareté de l'eau

Le Maroc est déjà classé comme étant un pays à « stress hydrique » qui s'accentue sous les effets de la pression démographique, de l'urbanisation galopante. Tout cela crée un déséquilibre structurel entre l'offre et la demande en eau posant aux pouvoirs publics le problème d'une régulation du système. Depuis deux décennies déjà, le Maroc a défini ses priorités, la rationalisation de la consommation de l'eau et la protection de cette ressource vitale. Il a fait des efforts considérables dans le domaine de la mobilisation de l'eau notamment grâce aux barrages

Dans les milieux urbains, il dispose d'une desserte d'eau, de compétences et d'expertises dans le domaine de l'eau, d'une loi-cadre sur l'eau qui privilégie une approche participative et la décentralisation de la gestion intégrée de l'eau ainsi que l'instauration du principe pollueur payeur et préleveur payeur. Mais la pression démographique est telle que la surface irriguée a été multipliée par six en quatre décennies entraînant une pression sur la demande en eau d'irrigation qui utilise 90% de nos ressources en eau

 

 

 

 

 

 

 

D'où le projet grandiose de transférer quelque 700 millions de m3 d'eau du Nord au Sud, projet piloté par le Secrétariat de l'eau et de l'environnement et confié à Novec, filiale du groupe CDG dirigé par Ahmed Fouad Chraibi.

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Ahmed Fouad Chraibi est diplômé de l'Ecole Ponts et chaussées. Cet expert a travaillé en continu depuis trois décennies à Ingema. Il dirige aujourd'hui le premier bureau des ingénieurs de la région et de l‘Afrique, NOVEC, filiale de la CDG. Entretien.



LE MATIN : Un mot de présentation de Novec

Ahmed Fouad Chraïbi : C'est le fruit de la fusion entre deux grands bureaux, les plus anciens du Maroc, SCET étant le premier bureau créé en 1958 et Ingema créé en 1973. Novec aujourd'hui c'est 501 collaborateurs. La fusion a été une réussite, nous avons passé un audit d'appréciation du climat social à date du fin juin qui le confirme aujourd'hui, nous sommes le bureau le plus important de la région et à l'échelle internationale nous sommes parmi les 100 premiers par le chiffre d'affaires qui a atteint cette année 290 millions de DH. Au cours de ces 5 dernières années, nous avons multiplié par 3 ce CA. Nos champs de compétence sont très larges allant de l'aménagement urbain, au bâtiment, à l'agriculture et au développement rural, routes, autoroutes, ouvrages d'art, environnement, transport, barrages, assainissement et eau potable. Nous travaillons actuellement sur la maîtrise d'œuvre le projet Tanger Med II. C'est la première fois qu'un investissement de cette envergure est confié à un bureau d'études marocain. Nous travaillons également sur le projet de transfert de l'eau du Nord vers le Sud du Maroc. C'est un projet structurant qui permettra de réguler l'excédent du Nord et le déficit du Sud. Nous allons amener l'eau qui va des bassins de la Méditerranée, le Loukkos et Sbou vers Oum Rabii. 700 millions de m3 seront acheminés du Nord vers le Sud. Ce sera le deuxième projet du genre que nous menons. Le premier projet a été réalisé en 1990.

 

Pourriez-vous approfondir ce projet d'une importance capitale pour le Maroc ?

 
Nous sommes partis de trois constats. Trois bassins hydrologiques situés dans le nord du Royaume ont un bilan hydrique « ressources-besoins » positif. Ces bassins qui disposent d'un excédent en eau sont : le bassin de l'oued Laou, le bassin de l'oued Loukkos et le bassin de l'oued Sebou. Les autres bassins du Royaume ont une ressource en eau limitée par rapport aux besoins et d'ici à l'horizon 2030 certains pourraient afficher des déficits aujourd'hui. Le projet de transfert des eaux du nord vers le sud du Maroc concerne, outre les trois bassins excédentaires déjà cités, les bassins déficitaires du Bouregreg, de l'Oum Rabii et du Tensift. Dans ces bassins se trouvent 20 millions d'habitants, soit environ 2 tiers de la population du Maroc. Ce sont aussi ces espaces qui accueillent la majorité des activités économiques du pays. On comprend dès lors la nécessité de ce transfert

 

 

 

 

 

 

Comme l'ont fait les Libyens ?

Comme on l'a fait en Libye, en Russie, aux Etats-Unis. Ce sont des projets structurants qui ont un impact politique important au niveau de la solidarité des régions. Il y a une stratégie nationale de l'eau et nous avons, à Novec, travaillé sur tous les plans directeurs d'aménagement versants de tout le Maroc. Le transfert de l'eau est aujourd'hui incontournable pour la réussite du plan Maroc Vert dans le sud. C'est un projet de près 30 milliards de DH qui nous permettra en passant par des montagnes grâce à des tunnels de 30 a 40 km de long, des canaux et des stations de pompage qui permettront de mieux alimenter le sud. Le projet est important, il fera appel aux compétences des entreprises nationales et devrait démarrer au début de 2011

Sur ce dernier champ de compétence de l'eau, on peut dire que le savoir-faire de NOVEC est reconnu depuis des décennies. Que faites-vous exactement ?


Nous travaillons sur un champ d'activités très large qui va de l'eau depuis la source, la montagne, les bassins versants, l'étude de mobilisation, les barrages, le traitement de l'eau, les centrales hydroélectriques et production d'énergie, les réseaux d'irrigation, les études agronomiques, l'eau potable, l'assainissement et le traitement des eaux usées. Nous avons par exemple un beau projet sur Rabat pour l'utilisation des eaux usées pour l'arrosage. Nous avons une équipe de 150 personnes qui travaille sur cette question de l'eau qui est notre référence, puisque nous avons travaillé sur tous les grands barrages du Maroc, que ce soit en tant que bureau concepteur ou en tant que bureau en charge de la maintenance. On a travaillé sur le barrage de Sidi Said Maachou qui est le premier barrage au Maroc réalisé en 1918, sur le barrage de Beni El Ouidanne mis en eau en 1952. Nous travaillons sur ce dernier barrage depuis 1998 comme nous le faisons sur les autres barrages réalisés depuis les années 70 jusqu'à aujourd'hui.

Vous y travaillez en amont et en aval, qu'est-ce à dire ? 

Le premier impact négatif d'un barrage, c'est le déplacement des personnes. A titre d'exemple, le barrage d'El Ouahda a nécessité le déplacement de 35.000 personnes. L'investisseur est obligé de faire l'étude d'impact sur l'environnement

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Cet effet est évalué, les personnes sont dédommagées. Malheureusement, nous ne faisons pas de post-évaluation. Concernant les effets positifs, ils sont notables : protection contre les crues, l'alimentation en eau potable comme en témoigne le barrage de Bouregreg et l'impact qu'il a sur l'alimentation en eau potable de 14 millions de personnes. Il y a également la production en énergie

Nous avons fait cette année des économies sur l'énergie fossile en faisant tourner les usines hydroélectriques à 100%

Pour ce qui est des effets négatifs, il y a l'envasement des retenues qui a pris des proportions dramatiques.
C'est une question relative à la gestion durable des barrages et qui est particulièrement aigue dans le bassin méditerranéen où il existe une érodabilité importante. Nous y travaillons avec le Secrétariat d'Etat à l'Environnement avec qui la CDG pourrait engager une collaboration en y associant le Commissariat aux Eaux et forêts pour engager le reboisement des bassins versants.

 

Nous réfléchissons actuellement sur la zone de Dekkour au Nord où l'envasement est inquiétant à cause d'une érodabilité importante

 

Un reboisement des plus attendus pour lutter contre les effets d'une désertification qui ne cesse d'avancer. Que perdons avec l'envasement ?

 

Chaque année le Maroc perd en moyenne 70 millions de m3 de capacité de stockage, c'est-à-

dire l'équivalent d'un grand barrage, c'est-à-dire encore un investissement de l'ordre de 600 à 700 millions de DH

 

Quand on fait un barrage, on prévoit une réserve sur l'envasement sur 50 ans sachant que la durée de vie d'un barrage est plus importante allant parfois sur 200 ou 300 ans


Jeune Afrique donnait l'information selon laquelle votre carnet de commandes est plein pour ce qui est des commandes en Afrique. Pourriez-vous nous donner plus de détails ?



Nous sommes en préqualification en Tunisie sur une étude de maintenance des barrages, car l'envasement est aussi une question sérieuse dans ce pays comme dans toute l'Afrique du Nord. Nous sommes également présents en Libye. En Afrique, nous avons beaucoup moins d'alluvionnement car les pentes sont plus faibles. Nous sommes présents en RD Congo, au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso d'où je reviens pour le plan d'exécution du barrage de Saint Mandé Denis avec un consortium composé du CID, d'un bureau suisse et un bureau local. Nous sommes également présents au Cameroun pour l'affermage concernant la production et la distribution de l'eau pour tout le pays, l'expertise et l'audit énergétique pour le compte de la Camerounaise des eaux. Nous travaillons aussi au Liban où nous avons la confiance du client et où nous avons réalisé un grand barrage et les études de deux autres barrages. Novec associé avec un bureau local va bientôt signer le contrat pour la réalisation du plus grand barrage au Liban. Je voudrais ajouter que nous avons fait le choix stratégique de satisfaire en premier les clients marocains car c'est avec eux que l'on construit le long terme ; avec l'envergure qu'a pris notre groupe et avec l'image que nous véhiculons portée par le groupe CDG, nous avons créé un département commercial dédié à notre développement extérieur.


Avec l'ouverture des frontières et l'application de l'accord signé avec l'UE, ne craignez-vous pas la concurrence des bureaux européens et notamment français ?

  Nous travaillons nous-mêmes en France où nous avons une filiale Inge plan qui a travaillé sur l'EPR. Nous venons de terminer quelque 1.000 plans d'exécution de la centrale nucléaire EPR et nous avons démarré les plans sur un autre site et sur d'autres projets. Le travail est facilité car nous utilisons les mêmes normes françaises, la même langue. L'ingénierie européenne s'exporte au Maroc, mais nous n'avons pas de complexe à dire que l'ingénierie marocaine s'exporte également en Europe. Nous avons d'excellentes compétences et nous travaillons avec les mêmes normes et réglementation notamment en matière de développement durable qui est aujourd'hui au cœur de tous les métiers de Novec. J'ajouterai que le Maroc a aujourd'hui une avance dans le domaine de l'eau, il maîtrise la technologie de l'eau en général.

 

 Source : web  LE MATIN Par Farida Moha |