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Le bio agricole plante son business

Le bio agricole plante son business

Promouvoir le législatif pour impulser des investissements dans une filière en pleine structuration, c’est ce que la tutelle du secteur agricole a décidé de mettre en pratique. La loi relative à la production biologique des produits agricoles et aquatiques vient en effet d’être votée au Parlement, à un peu plus d’une année après le lancement du contrat-programme entre l’État et la profession. C’est un pas important dans la consécration de ce business d’une nouvelle ère. Il est certes quasi impossible de faire du «vert» dans le «vert», mais le potentiel en vaut le coup. Sur le marché local, la filière agricole biologique - qui semble la plus avancée pour l’heure, comparée à celle aquatique - comporte deux grands segments : les produits des plantes aromatiques et médicinales (PAM) spontanées et les produits des plantes cultivées. Cela correspond à une superficie totale exploitée estimée à fin 2010 à environ 622.500 ha, répartis dans huit grandes régions de production. Ce potentiel ne se limite toutefois pas seulement au niveau local. Il est surtout très bien développé au niveau des circuits à l’export des produits agricoles du bio, auxquels la nouvelle loi vient offrir une bonne visibilité. «L’exportation sur le marché UE, principal débouché pour de tels produits, nécessite la mise en place d’un cadre juridique semblable à celui du règlement européen CE 834/2007, aux fins d’obtenir l’équivalence indispensable à la reconnaissance de ces produits», explique-t-on auprès de la tutelle. En volume, ces exportations sont en pleine progression. Il faut en effet savoir que la filière n’a certes pas attendu le soutien public et l’arrivée de la loi pour se brancher à la niche du bio, devenue secteur à part entière dans les pays avancés où le développement durable, appliqué jusque dans le contenu des assiettes, a déjà acquis ses lettres de noblesse. Ces exportations sont ainsi passées de 1.895 tonnes à 7.230 tonnes entre 1998/1999 et 2006/2007, «soit un taux moyen de croissance annuel de 19%», selon les dernières statistiques du groupe Crédit agricole du Maroc, concernant cette filière. Les primeurs sont en tête des principales familles de produits biologiques exportées par le royaume, avec une contribution annuelle de l’ordre de 77% dans le volume global. Cela laisse apparaître, malheureusement, un grand besoin de diversification des produits exportés, quatre produits représentant, à eux seuls, la majorité des exportations (navet et Maroc Late, tomate, courgette). Par ailleurs, si le volume semble soutenu, la concentration de ces exportations freine également le développement des produits de cette filière à l’international. L’essentiel de ces exportations vont plus précisément vers le marché français.

Potentiel enterré

Les objectifs de l’encadrement législatif de cette filière sont donc clairs : donner le coup d’envol attendu par les professionnels depuis bien longtemps.

Ce texte servira ainsi de cadre législatif à la mise en œuvre du CP conclu en 2011 entre l’État et l’Association marocaine de la filière des productions biologiques (Amabio). Là, les ambitions sont importantes. Un peu plus du milliard de  DH (835 MDH mobilisés par la profession, 286 MDH mobilisés par l’État) sera investi dans le développement du segment «cultivé» de la filière, sur la période allant de 2011 à 2020. Cette feuille de route engage ainsi les signataires à améliorer la productivité de la filière, ainsi que sa compétitivité sur les marchés national et international. En chiffres, la superficie plantée devrait passer de 4.000 hectares à quelque 40.000 hectares en 2020. Cela devrait porter la production du segment «planté» de la filière à un objectif de 400.000 tonnes. Les exportations devraient également poursuivre le même rythme de progression, avec un volume qui devrait passer de 10.000 tonnes (chiffres de 2011) à 60.000 tonnes sur les mêmes échéances, pour un apport supplémentaire en rentrées de devises de l’ordre de 800 MDH à terme. Tout cela devrait mener à la création de près de 9 millions de journées de travail. Pour y arriver, l’État et les professionnels misent sur le développement de la composante recherche/développement et transfert de technologie. L’amélioration des technologies de valorisation et des conditions de commercialisation et de promotion des produits, sont également dans le détail de la mise en œuvre de ce programme.

Boulets
À cela s’ajoute également l’amélioration des conditions-cadre de la filière. La promulgation du nouveau texte de loi s’inscrit justement dans ce dernier aspect. Elle ambitionne ainsi d’enlever tous les boulets pesant sur l’essor de la filière. Cela est principalement lié à la faible technicité des producteurs, à l’enrichissement des facteurs de production notamment des fertilisants organiques et des bio-pesticides conjugués aux coûts de certification jugés très souvent onéreux, ainsi que des procédures de contrôle et de certifications étrangères. Sur ce dernier créneau, il faut savoir que l’offre locale est très étroite. Les producteurs et/ou exportateurs opérant dans l’export vers les marchés étrangers de commercialisation, doivent en effet généralement faire appel aux services d’un organisme de certification biologique. Ce dernier a pour rôle de confirmer le caractère biologique de la production, ainsi que la conformité aux normes en vigueur sur les marchés de destination. Dans la liste des organismes certificateurs présents au Maroc, l’on retrouve ainsi surtout des représentations de structures étrangères telles qu' Afaq-Ascert International, Ecocert Qualité France, SYGMA-Procert, etc. Sur la plupart des problématiques, L’État et les professionnels se sont accordés sur plusieurs engagements. Le premier promet par exemple de subventionner le coût de la certification des produits biologiques, de contribuer au renforcement de la recherche, de la formation et de l’encadrement technique des petits et moyens producteurs. La tutelle prévoit aussi la mise en place d’une réglementation régissant la production selon le mode biologique (Détails dans l’encadré), le soutien des exportations des produits biologiques transformés, ainsi que de leur promotion au niveau du marché national et à l’exportation. Quant à la profession, elle s’engage à l’extension des superficies et l’amélioration de la productivité et de la qualité des produits biologiques. Les professionnels s’engagent aussi à la mise en place du concept d’agrégation des petits et moyens producteurs dans le cadre de projets intégrés. Sur ce point, un seul projet a pu voir le jour pour le moment, pour un investissement total à terme de 14 MDH au profit de 25 producteurs agrégés.

Platebandes
La loi délimite en effet clairement les platebandes de la filière, allant de la production à la commercialisation des produits.

Elle commence d’abord par la doter d’une structure administrative. Une commission nationale de la production biologique devrait en effet être instituée, et sera composée de représentants de l’État, de l’Institut national de la recherche agronomique, de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires et d’autres structures publiques concernées par l’activité. Cette commission aura pour mission de «donner son avis», dans un délai de deux mois, sur des aspects tels que l’homologation des cahiers des charges types relatifs à la production biologique, celle du logo à apposer sur les produits bio, ainsi que l’octroi et le retrait d’agréments aux organismes de contrôle et de certification. La structure devra également gérer la reconnaissance de l’équivalence du mode de production biologique pratiqué, ainsi que les mesures de contrôle des opérateurs.

Le bio dans le monde

En parallèle, l’herbe semble beaucoup plus verte sous d’autres cieux. La France est une parfaite illustration de l’ampleur prise par le business du bio agricole. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En une décennie, le nombre d’agriculteurs s’adonnant à la filière a été multiplié par trois. Idem pour les surfaces cultivées certifiées, qui elles ont été multipliées par 5 dans l’hexagone. Outre la base productrice, le segment de la transformation a également été rapidement développé, permettant d’apporter davantage de valeur ajoutée au secteur. Partant du particulier au global, il faut savoir qu’en 2006, l'agriculture biologique représentait 31 millions d'hectares dans 120 pays et constituait un marché de 40 milliards de dollars US. Pour 2012, ce chiffre a déjà dépassé les 24 milliards de dollars US à fin juin dernier. De plus en plus proche, dans les pays du pourtour méditerranéen, en 2009, l’agriculture biologique couvrait un total de plus de 4,5 millions d’hectares cultivés par plus de 150.000 producteurs bio. Une part de 75% de ces terres cultivées en bio se trouvent en Espagne, en Italie et en France. La Turquie, particulièrement, est l’un des pays où la filière a très vite réussi son développement, avec une forte progression de ses surfaces en 2009 par rapport à 2008 (216.000 ha supplémentaires). Selon la FAO, «l'agriculture bio est en rupture avec le traditionnel cercle vicieux qui veut que les agriculteurs s'endettent pour l'achat de pesticides et d'engrais. A contrario, les producteurs bio sont autosuffisants pour leur nourriture et disposent de meilleurs revenus». Mieux, l’organisme exhorte les gouvernements du monde à allouer davantage de ressources à l'agriculture biologique et à «intégrer ses objectifs et ses actions dans leurs stratégies nationales de développement agricole et de réduction de la pauvreté». Il s’agit là d’une leçon que le royaume semble avoir entendu de la bonne oreille...

Où planter ?

La plupart des zones cultivées sont surtout localisées dans les régions de Rabat, Azemmour, Fès, Taza, Béni Mellal, Marrakech, Agadir et Taroudant. Quant aux plantes médicinales et aromatiques, elles sont présentes dans quasiment toutes les régions du royaume. Certaines d’entre elles ont toutefois su se positionner sur certaines spécialités et produits bio de niche. C’est le cas de la région de Marrakech pour la verveine, celle de Taroudant (Taliouine) pour le safran et celle de Fès pour le câprier. Par ailleurs, la vallée du Souss-Massa se positionne quant à elle comme la principale zone de production maraîchère, en raison de son climat subtropical propice aux productions hors-saison. Certaines régions côtières (Azemmour et Rabat) sont également qualifiées pour ce genre de production.

Quant aux productions fruitières de la filière biologique, elles proviennent principalement des régions de Marrakech et d’Agadir. Les autres régions fruitières du royaume telles que Meknès, Azrou, Midelt et Errachidia sont encore exclues du paysage agro-biologique actuel.

Bio ou pas bio ?

L’une des premières dispositions de la loi 39-12 relative à la production biologique agricole et aquacole porte évidemment sur l’ «identification» des produits bio. «Pour être considéré comme produit biologique, un produit agricole ou aquatique doit être constitué à hauteur de 95% au moins d’ingrédients obtenus de façon naturelle», précise-t-on dans le texte législatif. L’opérateur doit en effet assurer l’identification et la traçabilité des produits à toutes les étapes de leur préparation. L’objectif est d’éviter tout mélange avec des produits non biologiques dans les circuits de commercialisation. Du côté du transport, le nouveau texte de loi impose, quelle que soit leur destination que les produits soient convoyés dans des emballages ou des conteneurs fermés. La tutelle prévoit également des dispositions destinées à la transformation des cultures non biologiques en exploitations biologiques, imposant le respect d’une période de transition appelée «période de conversion». Cela devrait, de fait, permettre une bonne préparation des terres destinées aux cultures bio.

 

SOURCE WEB Par Safall FALL   

Jeudi, 16 Août 2012 12:18