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Le Maroc veut rassurer les Français

Le Maroc veut rassurer les Français

Dernière mise à jour : 23/03/2011 à 15:35

Six ministres marocains se sont livrés à une véritable opération séduction des milieux d’affaires français. Objectif: répondre aux interrogations suscitées par les bouleversements en cours dans le Royaume.

De droite à gauche, Salaheddine Mezouar, Jean-Pierre Vittorri et Nizar Baraka./DR 
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Le moment est particulier: quelques jours à peine après la manifestation du 20 mars et le discours du Roi Mohammed VI, le gouvernement marocain voulait marquer le coup et affirmer une nouvelle fois que le Maroc est bien le pays où il faut investir.

Un déplacement en force

Comment? En organisant un déplacement en force avec six ministres –Salaheddine Mezouar, Ahmed Réda Chami, Amina Benkhadra, Aziz Akhannouch, Yassir Znagui et Nizar Baraka–, accompagnés d’une délégation étoffée d’une cinquantaine de chefs d’entreprises marocains. En face, 400 décideurs économiques français, certains déjà établis au Maroc, d’autres ne travaillant pas du tout avec le Royaume.

L’objectif de l’opération était clair: répondre aux interrogations des milieux d’affaires français échaudés par les récentes révolutions arabes. En Tunisie, les opérateurs français associés au clan Ben Ali Trabelsi ont vu leurs affaires directement prises pour cibles, avec des incendies et des pillages de grandes surfaces ou d’enseignes telles que Géant, Casino ou Monoprix. Au Maroc, la Lydec (Suez) ou Amendis (Veolia), ont fait l’objet de mises en cause par les manifestants, à Casablanca ou à Tanger.

Rassurer les interlocuteurs

Le secteur touristique, quant à lui est directement touché: après deux mois -janvier et février-, excellents, les annulations de groupes se multiplient. Avec une interrogation: comment la haute saison va-t-elle se dérouler alors qu’avril et mai représentent les périodes de réservation pour l’été? Les voyageurs font l’amalgame entre le Maroc et le reste du monde arabe; dans le doute, ils préfèrent ne prendre aucun risque.

Dans l’objectif de rassurer ses interlocuteurs, Salaheddine Mezouar, le ministre des Finances, a tenu à rappeler que la santé économique du Maroc était “très bonne” avant de détailler tous les efforts réalisés ces dix dernières années en faveur du développement économique du pays. Ahmed Réda Chami, le ministre de l’industrie, a mis en avant les multiples plans sectoriels destinés à donner une direction claire de la stratégie de l’Etat dans les principaux domaines économiques.

Concernant la corruption, Salaheddine Mezouar a reconnu clairement son existence et préconisé une lutte contre l’impunité qui soit aussi l’affaire de tous les Marocains, citant notamment le lancement du site Internet “stop corruption”. Sur la grande corruption, Nizar Baraka a insisté sur le renforcement des pouvoirs du Conseil de la concurrence depuis 2009.

Sur le plan politique, où les interrogations sont nombreuses, Laurence Parisot, la présidente du Medef, le syndicat patronal partenaire de l’opération, a rappelé d’entrée de jeu que “les pays arabes ne sont pas condamnés aux régimes autoritaires” saluant le Maroc qui a “compris cette évolution avant les autres.”

Ahmed Réda Chami, ministre de l'Industrie du commerce et des technologies nouvelles, a quant à lui insisté sur “la confiance et le soutien des partenaires français pour réussir au sud de la Méditerranée”; rejoint en cela par Salaheddine Mezouar, persuadé que “les investissements ne pourront être qu’encouragés par un environnement clair, stable et durable”. Le ministre des finances s’est dit “convaincu que la dynamique d’aujourd’hui est favorable au rapprochement entre pays maghrébins dotés de systèmes politiques plus proches.”

Le ministre des finances s’est dit “convaincu que la dynamique d’aujourd’hui est favorable au rapprochement entre pays maghrébins dotés de systèmes politiques plus proches.”

Les patrons français rassurés mais...

Du côté français, les arguments ont-ils été entendus? Pour Frédéric Jousset, co-président des centres d’appel Webhelp, une telle réunion est clairement très positive.

“Le problème que je rencontre relève des ressources humaines: je n’arrive pas à trouver des profils en accord avec mes exigences.”

FRÉDÉRIC JOUSSET, CO-PRÉSIDENT DES CENTRES D’APPEL WEBHELP

Intéressé par une implantation en Tunisie il y a plusieurs années, il avait reculé face à l’autoritarisme et la surveillance opérée par l’Etat sur les communications électroniques. Il se dit aujourd’hui confiant en l’avenir et la pérennité de ses investissements marocains.

Patrick Coppin, à la tête de Kerbirio, -entreprise de traitement de surface pour l’automobile de 70 salariés en Ile-de-France-, s’est senti “rassuré par des ministres qui délivrent un message clair et qui semblent en phase avec les réalités économiques.” Il réfléchit à s’installer aux abords de l’usine Renault de Tanger, mais “craint un certain décalage entre le discours institutionnel et la réalité du terrain pour une PME française ne connaissant par le Maroc.”

Christian Rozier, directeur d’exploitation d’Elithis Ingeniérie (efficacité énergétique appliquée à la construction), estime que “l’évolution actuelle est plutôt rassurante pour les affaires, avec plus de démocratie et plus de transparence dans les règles du jeu économique.” Elithis, qui emploie 100 personnes en France, compte bien profiter de l’évolution en cours au Maroc pour se développer pour atteindre à terme son objectif: devenir le leader européen de son secteur.

Il ne reste plus qu'à espérer que les réformes institutionnelles annoncées dans le discours du 9 mars, conjuguées au caractère pacifique des manifestations, convainquent les hommes d'affaires français qu'il fait toujours bon d'investir au Maroc.

De notre correspondant à Paris Cyril Bonnel