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AZZIMAN LE DÉFI C’EST DE PENSER UNE RÉFORME AMBITIEUSE ET RÉALISTE

AZZIMAN LE DÉFI C’EST DE PENSER UNE RÉFORME AMBITIEUSE ET RÉALISTE

 

Omar Azziman «De par les enjeux et le consensus recherché, l’éducation, la formation et la recherche scientifique constituent de fait la deuxième cause nationale après l’intégrité territoriale»

Depuis sa nomination en août 2013, c’est la première fois que le président du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique s’exprime. Pour Omar Azziman, le défi majeur à relever aujourd’hui, c’est celui de penser une réforme ambitieuse et réaliste et de faire en sorte qu’elle soit portée par les acteurs du système éducatif et relayée par l’ensemble de la société.  Ce qui revient à faire de l’éducation, de la formation  et de la recherche scientifique la deuxième cause nationale après l’intégrité territoriale.

Entretien exclusif.

- L’Economiste: Quelle est la mission du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique? L’opinion a dû mal saisir le rôle de cette institution.

- Omar Azziman: C’est une excellente occasion pour partager avec vos lecteurs quelques réflexions sur le Conseil de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique qui a entamé ses activités aussitôt après son installation par Sa Majesté le Roi le 16 juillet dernier.
Bon nombre de vos lecteurs doivent probablement s’interroger sur l’apport et la vocation de cette nouvelle institution constitutionnelle qui s’occupe, en même temps que les ministères concernés, des questions de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique comme ils pourraient s’interroger sur la nature de la contribution de ce conseil consultatif à la mise à niveau et à la modernisation de l’école.

C’est pourquoi je précise d’emblée que le Conseil est investi d’une mission consultative et de proposition, c’est-à-dire qu’il est appelé à donner son avis et à faire des recommandations sur toutes les politiques publiques et les questions nationales qui concernent les domaines de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, ainsi que sur les objectifs et le fonctionnement des services publics en charge de ces questions. Mais il est également chargé, et c’est tout aussi important, de procéder à l’évaluation des politiques et programmes publics qui se rapportent à ces domaines.

- Comment se fera le partage des rôles avec les ministères qui agissent dans le même périmètre que le Conseil?

- Fort de ses prérogatives, de l’autonomie que lui confère son statut d’institution constitutionnelle de bonne gouvernance, de sa composition plurielle et surtout de son positionnement en tant qu’espace de débat et de réflexion stratégique sur les questions éducatives, le Conseil se trouve habilité à jouer un rôle important dans la réforme, la modernisation et la mise à niveau de notre système éducatif.

Les départements ministériels et leurs multiples ramifications sont dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques et dans la gestion; le CSEFRS, lui, est dans l’évaluation externe et indépendante, dans la réflexion stratégique tendant à relever le niveau et à améliorer la qualité de l’enseignement et à améliorer les capacités des apprenants comme il est aussi dans le suivi de ses propositions et recommandations.

Contrairement aux départements ministériels dont l’action s’inscrit dans les programmes gouvernementaux et donc dans le temps des alternances politiques, le Conseil s’inscrit dans la réflexion stratégique qui, par nature, se déploie dans la durée et sur le long terme et donc bien au-delà de la durée de vie des gouvernements. Cette seule observation montre à l’évidence une différence de temporalité qui permet, entre autres, d’assurer la continuité des réformes et des actions qui s’inscrivent dans la durée et qui sont le propre de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique. D’autant plus que dans la situation actuelle, le mal est si profond et la complexité si grande que le changement ne peut s’inscrire que dans la durée même si certaines actions peuvent produire des résultats partiels mais tangibles à court terme.

- Quelle sera votre démarche et comment comptez-vous capitaliser sur ce qui avait été réalisé par l’ex-Conseil supérieur de l’enseignement?

- Le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, pour rappel, a remplacé le Conseil supérieur de l’enseignement. Le Conseil dans son ancienne mouture avait à son actif bon nombre d’acquis que le présent CSEFRS a choisi, le plus naturellement du monde, d’approfondir et de développer.

Ainsi, par exemple, l’élaboration du rapport d’évaluation sur la «mise en œuvre de la Charte nationale d’éducation et de formation 2000-2013: acquis, déficits et défis» que le CSEFRS a engagé depuis ma nomination à sa tête en août 2013, a été en partie basée sur les travaux de l’ancien conseil, notamment ses différents rapports d’évaluation et nombre d’études et de recherches réalisées entre 2006 et 2010. Elle a aussi pris en considération les conclusions des nombreuses auditions réalisées en 2013 et 2014, la contribution des formations politiques et syndicales ainsi que le résultat des enquêtes réalisées par internet.

La composition du Conseil, qui allie représentativité et expertise, en fait un espace de débat pluriel qui permet l’expression de sensibilités diverses, stimule la réflexion collective et incite à la mobilisation autour des questions de l’école qui se trouvent au cœur des préoccupations des citoyens. Le principal trait distinctif de la démarche actuelle du CSEFRS, c’est son caractère largement participatif et inclusif. Dès sa réactivation en août 2013, le Conseil avait tenu à associer à sa réflexion sur l’avenir de l’école marocaine l’ensemble de la société marocaine.
Dans cette approche participative, les départements gouvernementaux en charge de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, sont des acteurs privilégiés pour la réussite de la réforme de notre système éducatif. Le Conseil œuvre en étroite concertation avec ces départements ainsi qu’avec les autres partenaires et acteurs concernés. L’objectif final étant de cerner les forces et les faiblesses du système, d’identifier les déficits et les dysfonctionnements en vue de surmonter les difficultés et de veiller à l’amélioration constante et à l’adaptation permanente du système éducatif.

Le plan d’action du Conseil

A partir de septembre  2013, le Conseil a assuré le suivi du processus d’adoption du texte de loi relative au Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique votée en mai 2014 et préparé les projets de textes réglementaires qui serviront de base à son action et la mise en place de ses structures et qui ont été examinés par l’Assemblée générale lors de la première session.

Il a aussi organisé des auditions de toutes les parties prenantes dans le domaine éducatif ; ministres, acteurs de terrain, partis politiques, syndicats, parents d’élèves, opérateurs économiques, société civile, élèves et étudiants, experts, oulémas… il a également lancé une enquête auprès des enseignants des différents cycles et niveaux du système éducatif.
En outre, désireux d’ouvrir le débat à tous les citoyens marocains, il a initié une consultation élargie à travers son site web sur l’état des lieux et les perspectives d’avenir du système éducatif, à laquelle des milliers de Marocains ont contribué.

Les ministres à l’oral depuis hier

Après son installation en juillet 2014, les premières réunions du Conseil ont été consacrées à l’adoption des normes d’organisation et de fonctionnement, à l’élection du bureau et à la constitution des commissions thématiques permanentes ; sans oublier la présentation du rapport d’évaluation sur «la mise en œuvre de la Charte nationale d’éducation et de formation 2000-2013» qui sera examiné par l’Assemblée générale du Conseil au mois de septembre.
Au cours de la même session de septembre, l’Assemblée examinera aussi les visions et les programmes des ministres en charge des départements ministériels de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique quant à la réforme du système sur les court, moyen et long termes.

Le mois prochain, le Conseil organisera des rencontres régionales afin de faire connaître et partager les grandes lignes du diagnostic établi en vue d’élargir la prise de conscience des grands enjeux et afin d’initier un débat avec les différents acteurs éducatifs sur les grands leviers du changement et de la réforme.

Notre objectif à travers ces rencontres est de partager le diagnostic et de permettre au plus grand nombre de contribuer à la conception des réformes à engager. Cette opération vise aussi à sensibiliser et à permettre l’appropriation du projet de réforme par le plus grand nombre d’acteurs, ce qui assurera, le moment venu, la mobilisation et la motivation requise par la mise en œuvre des changements.

La démarche s’inscrit dans la perspective de l’élaboration d’un rapport stratégique qui constituera le premier pas sur le chemin de la réforme.

En parallèle, les commissions permanentes du Conseil s’attelleront à l’examen des questions prioritaires du système éducatif dans leurs domaines respectifs de compétence, c’est-à-dire l’accessibilité à une éducation et formation de qualité pour tous, l’amélioration de la gouvernance, la révision du modèle pédagogique en place, la professionnalisation des métiers de l’enseignement, de la formation et de la gestion, la promotion de la recherche scientifique et technique et de l’innovation, et l’amélioration de l’environnement social et culturel de l’école.

Partir des acteurs du terrain

L’éducation et la formation s’acquièrent à l’école et c’est donc là qu’il faut agir pour relever le niveau et améliorer la qualité. Ceux qui rendent effective une réforme ne sont ni les politiques ni les technocrates ni les experts qui l’ont portée. Ceux qui font la réforme ce sont les éducateurs, les enseignants, les directeurs d’établissements, les inspecteurs, les conseillers pédagogiques… qui sont en première ligne et c’est d’eux que dépend le succès ou l’échec d’une réforme. D’où la nécessité de faire de la démarche participative un impératif majeur pour que tous les acteurs de la scène éducative participent à l’élaboration des changements, s’approprient la réforme et se mobilisent pour la mettre en œuvre avec conviction et détermination.

Les autres fondements méthodologiques sur lesquels se base cette démarche sont la rigueur et le respect des normes et standards scientifiques en matière d’évaluation, l’ouverture sur les bonnes pratiques et les expériences réussies à l’échelle internationale notamment celles des pays de niveau de développement comparable au nôtre. Il faut ajouter la promotion d’un espace de débat ouvert sur la pluralité et la diversité des points de vue, espace où l’intérêt de l’école marocaine et des apprenants doit naturellement passer avant toute autre considération.

9 SEPTEMBRE 2014 _Source web Propos recueillis par Abashi SHAMAMBA l’Economiste

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