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La régionalisation est amputée de la déconcentration

La régionalisation est amputée de la déconcentration

Les textes de loi les plus importants ne sont pas encore votés

Le budget des régions s’est amélioré, mais on est encore loin du compte

Mohand Laenser, président de l’Association des présidents des régions:  «Faute de ressources humaines, il serait difficile de transférer le pouvoir et le budget du centre vers les régions». Par ailleurs, les services extérieurs doivent toujours se référer à Rabat pour la moindre décision (Ph. Bziouat)

Dans cet entretien, Mohand Laenser, président du Conseil régional de Fès-Meknès et président de l’Association des présidents de régions, revient sur les textes de loi relatifs à la régionalisation que vient d’adopter le Conseil de gouvernement. Pour lui, l’essentiel est à venir.

- L’Economiste: Le Conseil de gouvernement a adopté plusieurs projets de décrets relatifs à la régionalisation. Les régions vont-elles enfin être dotées d’outils de pilotage?  

- Mohand Laenser: Les textes adoptés en Conseil de gouvernement nous intéressent certes, mais il ne s’agit pas des plus importants. Ces décrets n’ont pas d’impact immédiat. Ils concernent les modalités de préparation du budget des collectivités territoriales, comment les clore, les conditions pour recourir à l’emprunt auprès du Fonds d’équipement communal (FEC)… Toutefois, le plus important, c’est d’abord comment avoir les budgets. Et ceci n’a pas encore été voté. Il ne faut pas se faire d’illusion, c’est assez compliqué. Car, il s’agit de revoir toute la nomenclature des budgets afin de permettre aux régions de subventionner et d’encourager les entreprises. A titre d’exemple, débloquer la prime à l’emploi. Ce qui amène d’autres complications avec les ministères. Aussi, ceci entraîne un système de surenchère entre les régions. Et puis, le système global d’encouragement des investissements  est encadré par la loi. Ce qui veut dire qu’il faut toucher un certain nombre de textes de loi. Mais ceci ne nous empêche pas de travailler.

- Avez-vous assez de ressources financières? 

- Les budgets des régions ont changé. Ceci est dû à un ajustement de la part de l’impôt sur les sociétés (IS) et l’impôt sur le revenu (IR) qui étaient de 1% pour toutes les régions. Maintenant, elle augmente chaque année de 1%. Nous sommes déjà à 3 ou 4% de budget supplémentaire. Nous allons progresser jusqu’à atteindre les 10 milliards de DH pour l’ensemble des régions. Après, évidemment ce montant ne sera pas suffisant. Il faudra continuer de travailler pour améliorer les finances. En attendant, et pour mieux comprendre l’évolution des budgets, au niveau de la région Fès-Meknès à titre d’exemple, nous sommes à un budget annuel de 600 millions de DH. Par le passé, si on prend les budgets des conseils régionaux de Fès-Boulemane et Meknès-Tafilalet, ils ne dépassaient pas les 180 à 200 millions de DH.

Il y a un changement et une amélioration certes, mais également des charges supplémentaires. Je parle ici des 40% de notre budget qui sont dédiés au monde rural et d’autres opérations financées désormais par la région. C’est normal. Quand on demande l’autonomisation, il faut prendre la responsabilité et les attributions aussi.

- Cette autonomisation permettrait-elle de financer toutes ces nouvelles attributions?

- Aujourd’hui, la participation du gouvernement dans le financement des projets de la région est obligatoire. La région et les collectivités territoriales font un effort. Elles poussent le gouvernement à aller dans ce sens. Maintenant, quand il s’agit d’un projet de 100 ou 200 millions de DH, la région peut y participer à hauteur de 10%.

Pour le reste, l’Etat et les autres partenaires doivent se mobiliser. Le rôle du Conseil régional est de présenter les projets dont la région a besoin. En ce sens, nous estimons que Fès-Meknès, à titre d’exemple, a besoin d’équipements culturels (théâtre, musée, opéra…). Nous nous sommes engagés à réaliser ces projets et nous les maintenons. Ce qui veut dire également qu’il y a tout un montage financier à faire avec les départements ministériels concernés et partenaires (Culture, Finances, Intérieur…).

- Entre les études et la programmation de projets, le montage financier…il faudra avoir du souffle. Alors que parfois les besoins des régions sont pressants, la population irritée et les élus dépassés. Le cas d’Al Hoceïma est en mémoire…

- A mon avis, pour le cas d’Al Hoceïma, il y a des projets qui ne rentrent pas dans les compétences du Conseil régional. Et puis, les crédits accordés à la Région ne sont pas suffisants. En tout cas, nous n’avons pas encore entamé les grandes discussions entre les régions et le gouvernement. Nous allons nous réunir avec le Chef de gouvernement et les différents ministères pour essayer d’approfondir la déconcentration.

- Allez-vous demander plus de pouvoirs?  

- A ce niveau, les textes de loi et autres, on peut dire qu’effectivement la loi marocaine est presque au même niveau que les lois des pays qui nous entourent, la France notamment. Mais en fait le pouvoir, c’est quand vous avez à la fois la décision, les ressources, et ceux qui exécutent localement. Or, au niveau des ressources, en 1 ou 2 ans, nous serons incapable de démanteler le budget de l’Etat et accorder 20 à 30% de son budget aux régions. En plus, celles-ci seront incapables d’assurer cette tâche, faute des ressources humaines et de formation. Ressources humaines qu’il serait difficile aussi de transférer du centre vers les régions. Il s’agit donc d’assurer, dans la Région, une formation nouvelle d’animateur du territoire et développeur territorial.

A ce niveau, les choses commencent à prendre. Toutefois, pour exécuter, il faut qu’au sein de la Région, en face du pouvoir élu, il y ait également un pouvoir désigné qui a des compétences. C’est à dire les walis et les services extérieurs. Or, ces derniers n’ont pas encore déconcentré, n’ont pas la décision et se réfèrent toujours à Rabat. C’est là où le bât blesse. L’aspect déconcentration n’est pas encore avancé.

Les plans de développement régionaux

Sur les 12 régions du Royaume, 5 ont déjà adopté des plans de développement régionaux  (PDR) avec des budgets de plusieurs milliards de DH. Les autres sont toujours en préparation.  Pour Mohand Laenser, président de l’Association des présidents de région (APR), «les PDR donnent une vision à la Région avec les grands axes de développement. Cette vision est basée sur un diagnostic territorial stratégique». En tout cas, ce n’est pas en adoptant un PDR qu’il devient exécutoire. «Il y a d’autres phases qui concernent les partenaires qui devront financer les projets, c’est-à-dire l’Etat en grande partie. Ce qui nécessite une concertation. Après quoi, il va falloir préparer les contrats-programmes…toujours dans la concertation», précise Laenser.

Le 13 Juin 2017

SOURCE WEB Par L’économiste

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