TSGJB BANNER

Investissements et outils d’analyse économique

Investissements et outils d’analyse économique

Lahcen El Ameli, économiste, cadre bancaire et professeur visiteur dans plusieurs établissements d'enseignement supérieur, vient de publier un ouvrage sous le titre: «Outils d'analyse économique». Lahcen El Ameli, né à Tilsint, fait partie de cette méritocratie de l'université marocaine. Il esten effet titulaire d'un doctorat en sciences économiques et a soutenu sa thèse de doctorat avec mention très honorable et a reçu en 2007 le prix de la meilleure thèse en économie de l'Université Mohammed V. 
LE MATIN: Vous venez de publier un ouvrage dense de plus de 600 pages, intitulé «Outils d'analyse économique», avec en sous- titre Clés d'analyse des systèmes productifs: entreprises, branches, secteurs, filières, économie nationale. C'est en fait un ouvrage de référence qui répond à quels besoins ? 
LAHCEN EL AMELI: Cet ouvrage a d'abord une mission pédagogique : il s'agit avant tout de mettre à la disposition des étudiants, des chercheurs, des managers et cadres des entreprises et de l'administration, d'une boîte à outils comprenant un ensemble d'instruments d'analyse économique. De manière plus précise, l'ouvrage en question présente un ensemble de notions et de concepts forgés par la science économique et les sciences de gestion ainsi que des mécanismes d'analyse des structures et de la dynamique des systèmes productifs et des stratégies des entreprises. 
Comment avez-vous structuré votre recherche et vos analyses ? 
 Le livre est structuré en plusieurs thèmes qui présentent un intérêt fondamental pour tout analyste des systèmes productifs (entreprises, branches et secteurs, filières, économie nationale, etc.). Les thèmes sont 
présentés par ordre alphabétique : activité économique (secteurs et branches), barrières à l'entrée, Boston Consulting Group, compétitivité, concentration, coût de production, croissance interne et croissance externe, différenciation, diversification, filière de production, intégration verticale, investissement, marchés et prix, productivité, rentabilité, système productif, système productif agricole, systèmes productifs localisés, tableau entrées-sorties, valeur ajoutée. Au niveau de chaque thème central, d'autres notions et concepts sont définis ou font l'objet d'importants développements de telle sorte qu'à partir du thème central, un nombre important de notions sont présentées, ce qui enrichit la boîte à outils. Parmi ces notions on peut citer : Accumulation du capital, Actifs spécifiques, Actifs stratégiques, Atmosphère industrielle, Avantage compétitif, Avantage concurrentiel, Bottelage, Capital économique, Cash-flow, Chaîne de valeur, Clusters, coefficient structurel de la production, Contraint extérieure, Coûts de transaction, Croissance par adjacence, District industriel, Domaine d'activité stratégique, Economies de champ, Effet de levier, Exploitation agricole, Externalités, Franchise, Holding, Intelligence économique, intelligence territoriale, Liaisons financières, Marchés contestables, Marketing-mix, Milieux innovateurs, Pôles de compétitivité, Proximités, Rationalité limitée, Revenu agricole, Secteur informel, Seuil de rentabilité, Synergies, Taux d'accumulation, Technopoles, Territoire, X-inefficiency. Au niveau de la démarche suivie dans le traitement de chaque thème, j'ai commencé par la définition des concepts et la présentation d'une revue de la littérature les concernant pour s'atteler par la suite à la présentation de quelques applications théoriques ou 
d'applications tirées de l'économie nationale. 
Ouvrons le livre et prenons des exemples concrets qui touchent directement l'actualité : les barrières à l'entrée, la compétitivité et l'investissement. Qu'entendez-vous par barrières d'entrée ? 
Les démonstrations de la théorie des marchés indiquent qu'un bon fonctionnement de la concurrence suppose avant tout une parfaite mobilité des facteurs de production. En d'autres termes, elle implique qu'il n'y ait aucun obstacle à la circulation des facteurs et que toute entreprise candidate à l'entrée dans une activité peut le faire sans aucune restriction. Or, dans la réalité, les choses ne se passent pas toujours de la sorte et que d'importantes difficultés se dressent en face de la circulation des facteurs. 
Des barrières à l'entrée rendent difficile, voire empêchent l'entrée de nouvelles entreprises sur un marché donné. Une barrière à l'entrée est constituée par tout obstacle qui empêche un entrepreneur d'installer une nouvelle entreprise sur un marché. Elle peut également être définie comme un coût de production qui doit être supporté par une firme cherchant à entrer dans une industrie, mais qui ne l'est pas par les firmes déjà installées dans cette industrie. Selon les secteurs d'activité, la hauteur des barrières à l'entrée peut être plus ou moins élevée. Les barrières à l'entrée sont de différentes nature : barrières réglementaires et institutionnelles, les coûts irrécupérables, les barrières structurelles (avantages absolus de coûts, économies d'échelle fortes, économies d'envergures ou de gamme, économies d'apprentissage, coûts d'investissements élevés (investissements à haut degré d'intensité capitalistique) et les barrières stratégiques (stratégie de prix d'éviction ou stratégie de prédation, stratégie de prix-limite, différenciation des produits et publicité, surinvestissement et coûts irrécupérables). L'auteur présente d'importants développements pour toutes ces notions. Le troisième moment de l'analyse de ce thème est consacré à des questionnements sur la mesure des barrières à l'entrée. 
 Un autre mot revient très souvent dans les analyses, celui de compétitivité, compétitivité des entreprises, des nations, pôles de compétitivité. Comment appréhendez-vous cette notion ? 
 La compétitivité occupe effectivement une place importante dans la littérature économique relative à l'analyse des performances économiques et un thème largement débattu. Longtemps réservée à l'analyse de la gestion des entreprises, la notion a été par la suite transposée au plan macro-économique (secteur, nation) et, à la faveur de la mondialisation des économies pendant les dernières décennies, le concept a vu son champ s'élargir à l'analyse des relations commerciales internationales. Or, selon l'entité à laquelle elle se réfère (entreprise, secteur, nation), sa signification et son interprétation diffèrent. Mais nous devons souligner que la plupart des auteurs ont reconnu le caractère complexe d'un tel concept. Pour l'entreprise, la compétitivité peut être définie comme l'aptitude à soutenir durablement la concurrence : l'entreprise compétitive possède un ensemble de capacités qui l'autorisent, selon le cas, à entrer, se maintenir, ou 
se développer dans un champ concurrentiel constitué par l'ensemble des forces traversant son environnement et susceptibles de s'opposer à ses objectifs, ses projets et ses opérations. Une autre définition stipule qu'une firme sera dite compétitive pour un produit donné si elle est capable de l'offrir sur les marchés à des prix inférieurs ou égaux à ceux des concurrents effectifs ou potentiels, mais suffisants pour rémunérer les facteurs nécessaires et dégager une marge bénéficiaire supérieure ou égale à celle des concurrents. Deux notions accompagnent celle de la compétitivité : la concurrence d'une part, et l'avantage concurrentiel, d'autre part. La compétitivité a plusieurs déterminants : des sources internes et externes, la compétitivité-prix et la compétitivité hors-prix. Plusieurs indicateurs de compétitivité : évolution des parts de marché de l'entreprise, taux de croissance du chiffre d'affaires, évolution des coûts de production, progression des marges réalisées sur les différents produits, productivité du capital et du travail, rentabilité économique. Pour une nation, la compétitivité peut être définie comme l'intensité avec laquelle un pays peut, dans le cadre d'un marché libre et organisé, produire des biens et des services capables d'affronter les marchés internationaux, tout en maintenant et améliorant le niveau de vie de ses habitants sur une longue durée. Quatre facteurs fondamentaux interviennent dans la compétitivité d'une nation : la 
compétitivité-coût, le taux de change, l'élasticité de la demande et autres facteurs (différenciation des produits, qualité, respect des délais de livraison, densité et qualité des infrastructures, flexibilité des systèmes productifs, niveau et qualité de l'organisation professionnelle). La compétitivité d'une nation étant approchée en termes de performances commerciales, plusieurs méthodes de mesure sont proposées par la littérature existante. On peut y distinguer : l'indice de compétitivité-coût, l'indice de compétitivité-prix, les parts de marché à l'exportation, les parts de marché à l'importation, l'indicateur de position par marché. Tous ces indicateurs sont présentés en détails par l'auteur dans l'ouvrage en question. Quelques idées et précisions complémentaires. Dans le cadre de leurs stratégies, les entreprises doivent construite et développer des avantages compétitifs durables. Un avantage compétitif n'est jamais définitivement acquis. Il peut être menacé par des tarissements de ressources, des ruptures technologiques, les stratégies des concurrents. La compétitivité d'un pays peut être favorisée par la création de pôles de compétitivité. Ces derniers jouent un rôle de structuration de l'appareil productif. Ils exercent des effets 
d'entraînement en amont, en aval et latéralement. Par leur développement, les pôles de compétitivité permettent la constitution de filières de production, contribuent à consolider le tissu productif et à réduire la contrainte extérieure. La compétitivité ne peut être appréciée qu'après avoir adopté un découpage del'appareil productif en branches ou secteurs. Pour rester compétitif dans un environnement concurrentiel, le pays doit poursuivre des efforts permanents de modernisation des entreprises comme dl'environnement économique. 
 Prenons un troisième exemple très usité, celui de l'investissement. Quelle définition donnez-vous à cet acte économique ?  
Entendu au sens économique, l'investissement est une opération qui se traduit par la création ou l'acquisition d'actifs divers pour mettre en œuvre une activité productive dans le but de tirer des rendements futurs. C'est une décision la plus grave prise par l'entreprise en ce sens qu'elle l'engage sur une longuepériode et qui pose la question de l'irréversibilité des équipements. C'est également une décision financière dans la mesure où la réalisation d'un investissement implique son financement et par conséquent une immobilisation des fonds. L'investissement comprend non seulement la création ou l'acquisition du capital fixe, mais aussi les dépenses liées à l'investissement immatériel notamment celles destinées à la formation et à la qualification de la force de travail, à la recherche et développement, à l'acquisition de logiciels, aux études préalables, etc. L'investissement est constitué non seulement des actifs immobilisés engagés dans l'activité productive de l'entreprise, mais aussi du Besoin de fonds de roulement d'exploitation (BFRE). Pour une entreprise, l'investissement permet d'augmenter le potentiel productif et constitue un moyen de concurrence; l'investissement permet d'innover, de lancer de 
nouveaux produits, d'élever des barrières à l'entrée. L'opération d'investissement impose au promoteur l'acceptation d'un certain risque, qu'il ne pourra jamais supprimer : la demande peut varier, la 
technique, la conjoncture, les réactions de la concurrence…peuvent différer de ce que l'entreprise prévoyait. 
Dans le domaine de la gestion, on a l'habitude de parler de la notion de projet
 
d'investissement. Un projet d'investissement est un programme 
d'investissement complet et autonome portant sur l'acquisition et l'exploitation durable d'actifs corporels et incorporels. Les investissements font l'objet de typologies. On les classe par nature, par leurs objectifs, par 
leur dimension, selon l'origine du capital, en investissements de création etinvestissements d'extension, en investissements calculés et investissements obligatoires, etc. 
Quelle que soit sa nature, chaque projet d'investissement peut être caractérisé par quatre éléments fondamentaux : les dépenses d'investissement, les recettes nettes ou cash-flows, la durée de vie économique et la valeur résiduelle. Tous ces éléments ont fait l'objet d'importants développements. L'investissement a plusieurs déterminants : la demande, les perspectives de profit, les variables de financement (taux d'intérêt, endettement, conditions d'accès au financement, le taux d'utilisation des capacités de production, etc.). 
Différents aspects doivent être examinés dans une étude sur l'investissement : le volume et le rythme de croissance, le taux d'investissement et d'accumulation, l'investissement et la taille de l'entreprise, l'investissement et les dépenses en devises qu'il implique, les éléments productifs et improductifs de l'investissement, l'investissement brut et l'investissement net. Tout projet d'investissement doit faire l'objet d'évaluation. Différents critères ou outils permettent cette évaluation : valeur actuelle nette, taux de rentabilité interne, indice de profitabilité, etc. Tout projet d'investissement pose la question de son financement. L'analyse du financement des investissements passe par l'examen des sources de financement, de la structure de financement et du coût du financement. 
 
 SOURCE LE MATIN