Mehdi Taleb: "La taxation d'Airbnb et Booking n'est qu'un aspect d'un grand chantier"

Le directeur de la réglementation, du développement et de la qualité au ministère du tourisme revient pour Médias24 sur les fondements de la réfléxion menée actuellement pour formaliser l'activité de location via les plateformes en ligne. En faut, deux chantiers sont ouverts en parallèle. Le premier concerne l'activité de la location de manière général et comment la formaliser. Le second est relatif à l'activité de ces plateformes numériques sur le marché marocain.
-Médias24: L’on évoque depuis quelques semaines l’imminence de la taxation d'Airbnb et Booking. Pouvez-vous nous présenter les mécanismes qui seront déployés dans ce sens ?
Mehdi Taleb: Le principe de base a été acté, mais nous continuons de travailler sur le mode d’exécution.
Implémenter un mode opératoire pour ce type de plateforme demande une réflexion profonde, des amendements réglementaires… Nous essayons de mettre en place un mode opératoire permettant à l’Etat, notamment les ministères de l'Intérieur et des finances, d’être efficace tout en prenant en compte cette dynamique territoriale qui s’est installée.
C’est un élément très important dans ce modèle économique qui a changé.
-Que voulez-vous dire par "dynamique territoriale" ?
Il y a une dynamique territoriale qui s’est créée à travers l’installation de nouvelles activités. Ce nouveau mode d’hébergement, via Airbnb ou autres, permet au citoyen marocain de devenir acteur de son propre développement. C’est une dimension importante que l’on veut prendre en considération.
Verrouiller le marché, taxer et faire le méchant, cela ne sert à rien. Donc tout le challenge est de trouver l’équilibre entre les intérêts des établissements classés, le développement territorial de manière équilibré et cette nouvelle activité qui s’est installée. Il y a une dynamique entrepreneuriale qui s’est installée, il faut la préserver. Il faut mettre en place un système fluide et souple, mais également ferme pour permettre à ces entrepreneurs à caractère social d’être arrimés à une économie structurée et organisée.
-Le Maroc s’inspire-t-il dans ce sens du modèle français ?
Le ministère avec ses partenaires institutionnels, notamment les Finances et l’Intérieur, a passé en revue l’expérience de ces plateformes à l'international et comment chaque pays a mis en place son propre modèle. Nous cherchons à mettre en place un mode opératoire maroco-marocain sans jeter la patate chaude au ministère de l'Intérieur. C’est facile de taxer, mais encore faut-il avoir la capacité de suivre et de contrôler, car c’est énorme comme activité.
Et c’est au niveau du suivi et de l’encadrement où le modèle français a eu quelques soucis, car les gens ne respectent pas le cahier des charges. Nous ne voulons pas tomber dans les mêmes erreurs surtout que le plus important pour nous est que le citoyen est devenu acteur. Il ne subit pas une stratégie publique. Il est dans une dynamique entrepreneuriale d’investissement qui fait profiter tout son écosystème (artisans locaux, commerces de proximité…).
On ne va pas par excès de zèle intellectuel déployer un mode opératoire qui mettrait en péril toute cette dynamique qui s’installe. Nous parlons d’économie sociale mise à part la présence de Airbnb. C’est vrai, l’avantage en plus avec ces plateformes, c’est qu’elles mettent en place une contrainte positive pour l’Etat. Il faut qu’il soit plus efficace pour trouver des solutions à la fois pour taxer, respecter le principe de l’équité fiscale, mais aussi pour réguler. Car recevoir des gens qu’on ne connaît pas soulève un aspect sécuritaire important.
-Comment justement cet aspect sécuritaire est-il appréhendé ?
À ce niveau, ce n’est pas la taxation d'Airbnb qui prime, mais maîtriser les flux des personnes sur le territoire. On est en train de travailler en mode laboratoire sur une façon de faire qui sera efficace. Dans l’absolu, on est tenue d’avoir un mode opératoire si l’on veut organiser des manifestations internationales.
-Dans son fondement, ce mode opératoire se basera-t-il sur la taxation des loueurs marocains ou bien celle des plateformes Airbnb ou Booking directement ?
C’est le deuxième prisme de notre réflexion. Airbnb, Booking, Tripadvisor, Superdeal, Hmizate ou autres sont des canaux de distribution. Ce sont des points d’entrée qui nous mettent sous contraintes certes pour travailler et mettre en place un mode opératoire le plus rapidement possible, mais pour nous, le citoyen qui loue sa maison sans passer par ces canaux doit respecter la même consigne.
Car n’oublions pas que certains multiplient les canaux de distribution. Pendant une période, un loueur met son bien en location directe. Une autre période, il l’affiche sur Airbnb ou Booking… En d’autres termes, il adopte une approche commerciale de distribution. Par conséquent, il doit avoir un identifiant unique, déclarer les personnes qu’il reçoit, payer ses taxes locales et son impôt. Tout cela ne se décrète pas du jour au lendemain.
-De ce que vous dites, l'on comprend que l’idée première est de formaliser le secteur de la location saisonnière plutôt que de taxer ces plateformes...
Exactement. C’est la démarche que nous mettons en place. Dire que nous allons taxer Airbnb est un raccourci. Nous cherchons d’abord à définir ce marché. Qui sont ces gens qui opèrent dans la location et comment doivent-ils se déclarer.
-Mais ces plateformes prélèvent des commissions et engrangent des bénéfices suite à une activité exercée au Maroc !
Nous sommes d’accord. Ces plateformes dont le modèle économique est basé sur la technologie déclenche d’importants défis. Elles mettent en défi d’abord le ministère des Finances, car il s’agit de revoir l’arsenal fiscal qui doit désormais inclure la fiscalité du numérique.
Historiquement, tous les pays depuis la révolution industrielle étaient dans une économie de stocks. Aujourd’hui c’est une économie de savoir et de flux. Le dogme sur lequel a été construit à la fois le système des impôts et des taxes locales doit être revu. On doit répondre à la question suivante : Que doit-on taxer sur Airbnb ou autres ?
Car d’un côté, ces plateformes profitent de l’infrastructure télécom du pays sans payer un droit d’usage. De l’autre, elles génèrent un chiffre d’affaires sur un territoire sans payer d’impôts. C’est plus compliqué et ça dépasse la réflexion du secteur touristique seul.
-Vous êtes bien en discussion avec Airbnb...
En effet. Mis à part ce travail structurant que nous menons, nous n’avons jamais caché que nous discutons avec Airbnb. L’objectif est de voir quel type de partenariat nous pourrions avoir avec ces OTA (Online Tourism Agency, NDLR).
Nous avons mal géré le virage digital pour la destination touristique Marocaine. Airbnb et Booking sont pour nous des vitrines d’exposition de la destination marocaine. On essaie de voir les pistes de partenariat et de collaboration, la mise en place d’un observatoire de la qualité, récupérer la data sur les attentes des touristes. Il y a des éléments liés au développement lui-même. La taxation n’est qu’un aspect parmi d’autres dans les discussions. Et cet aspect dépasse le cadre du tourisme.
Le 14 Avril 2018
Source Web : Médias 24
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