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Lahcen Haddad Les professionnels aussi doivent mettre de l’ordre dans leur secteur

Lahcen Haddad  Les professionnels aussi doivent mettre de l’ordre dans leur secteur

Le ministre reconnaît un manque de réactivité de la part de son département pour profiter du printemps arabe. Il considère comme une chance le fait de ne pas avoir tout misé sur le balnéaire. Pour impliquer les privés dans la Vision 2020, il compte sur les primes d'investissement. La Vision 2020 non encore opérationnelle, les stations Azur dont beaucoup sont encore en projet, les prochaines assises dont la date n’est pas encore arrêtée, le reprofilage de la destination Maroc, l’investissement hôtelier, l’aérien... Les dossiers urgents et chauds ne manquent pas chez le ministre en charge du secteur, Lahcen Haddad. En même temps, il faut travailler pour préserver les parts de marché du Maroc sur les gros marchés émetteurs. Et pour compliquer davantage la donne, un début de polémique vient d’éclater avec les opérateurs privés dont certains reprochent au ministre de les confiner dans un rôle de figurants. Lahcen Haddad revient sur tous ces dossiers dans cet entretien accordé à La Vie éco. Pour commencer, conjoncture oblige, comment l’année 2012 s’est-elle achevée pour le secteur ? A fin novembre, nous avons enregistré une hausse de 2,2% des arrivées. Nous n’avons pas encore tous les chiffres du mois de décembre mais nous finirons probablement l’année sur une hausse pas loin des 2% en termes d’arrivées. C’est très peu.. Au contraire, je pense que c’est un exploit vu la crise économique qui a frappé nos principaux marchés émetteurs et vu aussi nos faiblesses internes, notamment le manque de réactivité de notre part, précisément du côté de l’ONMT qui, malheureusement, n’a pas pris les mesures à temps pour redresser la barre... Vous parlez d’un exploit pour le Maroc, mais comment peut-on expliquer que la Tunisie et l’Egypte, malgré la crise et tous les problèmes qu’ils ont, ont fait des croissances à deux chiffres ? Tout est relatif. D’abord, cette croissance à deux chiffres dont vous parlez est faite par comparaison à l’année 2011 qui était plus que catastrophique pour ces deux pays. Si l’on doit comparer, il faut le faire par rapport à la dernière année normale qui était 2010 et là je peux vous dire qu’ils sont très en deçà de ce qu’ils réalisaient avant. Ensuite, il faut savoir que la Tunisie et l’Egypte durant l’année 2012 ont appliqué un bradage de prix sans précédent. Au Maroc, nous ne voulons pas faire dans le bradage parce que c’est de la destruction de la valeur plus qu’autre chose. D’un autre côté, il faut savoir que 20% seulement des arrivées au Maroc proviennent du réseau des tour-opérateurs contrairement à la Tunisie et l’Egypte dont plus de 70% des touristes sont des packages comme on dit. Or, les tour-opérateurs sont connus pour faire la pression sur les prix… Finalement, le Maroc n’a pas tellement profité du printemps arabe comme on aurait pu le croire… Non, ce sont d’autres pays qui en ont profité, notamment la Turquie, la Croatie et l’Espagne avec les Iles Canaries. Et on doit se poser des questions à ce niveau. C’est dû à un effet région ? Oui mais en partie. Durant 2012, j’ai moi-même fait le tour de beaucoup de marchés émetteurs et de salons internationaux pour dissiper cet amalgame que font les Occidentaux. Et je peux vous dire aujourd’hui que la situation a été rétablie à ce niveau et que les touristes ne font plus d’amalgame entre ce qui se passe dans la région et la situation au Maroc. Ils ont compris aujourd’hui que le Royaume est un pays durablement stable. Après un an à la tête du ministère, quel est votre diagnostic en quelques mots ? Quels sont les problèmes de la destination Maroc et quelles sont les solutions à apporter ? D’abord les fondamentaux sont bons. Les choix opérés il y a plusieurs années par le Maroc en matière de tourisme sont judicieux. Un tourisme diversifié en termes de standing et d’offre. Le mixage entre le tourisme de luxe, le moyen de gamme et le tourisme de masse est bon. La diversification de l’offre entre le culturel, le balnéaire et le tourisme de découverte fonctionne bien. C’est important car c’est ce qui nous a permis de bien tenir en période de crise. Depuis des années, des études faites régulièrement révèlent le profil type de notre touriste. Avons-nous construit une offre parfaitement adaptée à ce profil ? Oui. Cela a été fait dans une ville comme Marrakech. Cela veut-il dire que nous avons tout raté par ailleurs ? Non, pas forcément. La croissance fulgurante qu’a connue Marrakech a permis au tourisme marocain d’atteindre une masse critique. Mais n’est-il pas dangereux que la destination Maroc se résume à deux villes, en l’occurrence Marrakech et Agadir ? Pourquoi n’a-t-on pas développé des villes pourtant prometteuses comme Ouarzazate, Tanger et Fès ? C’est exactement ce qui est prévu dans la vision 2020. Marrakech reste la valeur sûre de notre tourisme mais nous devons développer aussi des destinations comme le pôle Fès-Meknès, Tanger-Tétouan, l’axe Salé-El Jadida en plus de Ouarzazate et sa région. Trouvez-vous normal que nous en soyons encore à faire ce constat évident plusieurs décennies plus tard ? Que s’est-il vraiment passé ? Il y a dix ans, avec la vision 2010, le Maroc a tout misé sur le balnéaire, notamment les stations Azur pour atteindre les 10 millions de touristes. En 2012, je reconnais que plusieurs d’entre elles sont loin d’être réalisées. Cela dit, à quelque chose malheur est bon. Peut-être que si nous avions réalisé ces stations en misant tout sur le balnéaire, nous aurions plus souffert de la crise. Nous n’avons pas réalisé ces stations, certes, mais nous avons compris entre-temps qu’il faut vraiment diversifier l’offre pour ne pas rester tributaire du balnéaire. Donc, finalement on a bâti une Vision 2010 sur les stations Azur mais on atteint les 10 millions de touristes sans ces stations, uniquement grâce à un invité surprise qui est Marrakech. Il y a une erreur quelque part alors… A mon avis, il aurait fallu commencer par deux grandes stations et bien les réaliser et les réussir, et ensuite passer à d’autres. Maintenant, je pense que nous avons mieux compris et nous pourrons tirer profit des erreurs du passé. Quel type d’erreurs par exemple ? Par exemple, le fait de croire que les stations pouvaient et devaient être entièrement réalisées par des investisseurs privés. Ce n’est pas possible. L’Etat doit accompagner le secteur privé. Nous continuerons le Plan Azur mais d’une manière plus réaliste et plus réfléchie. Est-ce à dire que le secteur privé n’a pas été au rendez-vous ? Le secteur privé a investi dans le tourisme mais essentiellement à Marrakech et pas dans d’autres villes. C’est le secteur privé qui a lui-même développé cette ville sans l’aide de l’Etat. Qu’est-ce qui vous fait croire alors que pour la Vision 2020 le secteur privé va s’impliquer pour investir dans des territoires nouveaux ? Nous avons prévu des primes d’investissement qui peuvent aller jusqu’à 20% pour encourager les opérateurs qui veulent investir dans les régions émergentes comme Fès-Meknès, Errachidia, Ourazazate, Guelmim et autres. Les aides publiques seront utilisées pour orienter l’investissement vers les régions que nous voulons développer. Il y a, je vous rappelle, une enveloppe de 15 milliards de DH qui sera allouée à ces primes d’investissement, soit 10% de l’enveloppe globale de la Vision 2020. A propos de secteur privé et de Vision 2020, beaucoup d’opérateurs, y compris ceux de la fédération nationale, vous reprochent de les confiner dans un rôle de figurants... Je ne comprends pas cette attitude. Je peux vous assurer que la concertation est continue avec le privé. J’ai accédé à toutes les requêtes du privé, ou presque. Nous continuons de travailler activement sur la fiscalité, sur la concurrence déloyale, sur l’informel et le non-classé. Plus encore, j’ai relancé les professionnels à plusieurs reprises au sujet de questions sur lesquelles je les attends comme la qualité de l’hébergement, les ressources humaines... Nous avons aujourd’hui le fonds Rénovotel doté de 500 millions de DH mis à leur disposition pour moderniser et rénover leurs hôtels pas très utilisés. J’ai demandé aux professionnels de me faire des propositions pour un système de chèques-vacances. A ce jour, la fédération ne m’a toujours rien proposé. La fédération des guides, par exemple, est sans président depuis plusieurs mois. C’est aux professionnels de mettre de l’ordre dans leur secteur. Je les considère comme des partenaires et pas du tout comme des figurants, comme certains l’ont affirmé récemment. En Aparté : L'informel, le non-classé et les autres Les hôteliers se plaignent de l’informel. Des touristes arrivent aujourd’hui au Maroc et disparaissent dans la nature sans valeur ajoutée pour le secteur... Il faut distinguer entre l’informel et le non-classé. Nous sommes en train de faire un recensement pour les établissements non-classés. Ce sont des établissements qui ont l’autorisation d’exercer mais qui ne respectent pas les normes. Le recensement n’est pas encore fini mais nous en sommes aujourd’hui à près de 700 établissements à travers le pays. Que comptez-vous faire de ces établissements ? C’est très simple. Ceux parmi eux qui ont les moyens de se mettre aux normes pour être classés vont être accompagnés par l’Etat. Ceux qui ne voudront pas ou qui n’auront pas les moyens de se mettre aux normes vont être purement et simplement fermés. Le ministère du tourisme et les autorités locales dans toutes les régions seront intraitables à ce niveau. Et comment comptez-vous vous attaquer à l’hébergement informel ? Nous y travaillons actuellement. Nous allons remonter la filière à travers les réservations sur internet. C’est facile de trouver toutes les personnes qui louent à des touristes étrangers en dehors de la loi. Il ne s’agira pas forcément et systématiquement de mettre fin à ces pratiques, mais aussi d’accompagner ces personnes pour qu’elles soient dans le formel. Aujourd’hui, à Tétouan par exemple, il y a 40 000 lits qui sont des résidences secondaires fermées ou qui sont louées à des touristes étrangers en dehors des circuits formels. Il faut mettre en place une loi qui permette d’exploiter cette capacité dans la légalité et dans les meilleures conditions. SOURCE WEB Par Saâd Benmansour. La Vie éco