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Le difficile chantier de réforme de l’Organisation mondiale du commerce

Le difficile chantier de réforme de l’Organisation mondiale du commerce

Critiquée de toutes parts, l’OMC traverse depuis des années une crise existentielle qui s’est encore aggravée ces derniers mois avec les attaques en règle du Président américain, Donald Trump, menaçant régulièrement de quitter une institution que les États-Unis ont pourtant largement contribué à créer.

En pleine guerre des droits de douane entre la Chine et les États-Unis, l’Organisation mondiale du commerce (OMC), cœur battant du multilatéralisme commercial, est prise entre deux feux : risquer sa crédibilité en restant fidèle au libre-échange ou mettre en péril son fonctionnement et sa survie si les tensions commerciales venaient échapper à l’emprise de son rôle d’instrument de règlement des différends. Critiquée de toutes parts, l’OMC traverse en effet depuis des années une crise existentielle qui s’est encore aggravée ces derniers mois avec les attaques en règle du Président américain, Donald Trump, menaçant régulièrement de quitter une institution que les États-Unis ont pourtant largement contribué à créer.

Alors que les dirigeants du monde se sont engagés à réformer l’institution, bien qu’il n’y ait pas encore de consensus sur le contenu d’une telle réforme dans un contexte caractérisé par un certain nombre de défis complexes pour le système commercial international, les tensions montantes entre certaines puissances commerciales ont abouti à une prolifération de mesures et contre-mesures, qui pèsent désormais sur le développement des échanges et rendent les négociations sur l’avenir de l’OMC plus dures.

À l’OMC, en revanche, le système de règlement des différends connaît une crise sans précédent, avec le blocage par les États-Unis des nominations de nouveaux juges de l’Organe d’appel, une situation qui pourrait conduire à une paralysie de cet organe d’ici décembre faute d’un nombre suffisant de juges pour délibérer valablement. Quant à la fonction de négociation de l’Organisation, la conclusion de nouveaux accords multilatéraux est devenue extrêmement ardue. Des divergences importantes demeurent, notamment sur des thèmes qui figurent de longue date à l’ordre du jour de l’OMC, tels que l’agriculture, les services et les produits industriels.

Au niveau des règles, une alliance entre les États-Unis, l’Union européenne (UE) et le Japon remet en cause la pertinence de l’institution. Selon ces trois alliés, la modernisation de l’OMC passe par des pratiques commerciales des membres plus transparentes et une différenciation plus crédible entre les pays en développement. Afin de surmonter ces blocages, il a été convenu de réformer l’OMC tant pour améliorer son fonctionnement que pour mieux répondre aux besoins de ses membres, que ce soit en termes de modernisation des règles en matière d’échanges, d’amélioration du fonctionnement de l’organisation ou de résolution de la crise liée au mécanisme de règlement des différends.

Les réflexions sur cette réforme sont encore exploratoires, menées dans différents forums et ne sont pas précisément définies, car une telle réforme doit faire l’objet d’une négociation et d’un consensus entre tous les membres de l’OMC. Pour le directeur général de l’OMC, Roberto Azevêdo, la réforme a trois axes principaux, à savoir résoudre les difficultés que connaît le système de règlement des différends, y compris le blocage concernant la désignation des membres de l’Organe d’appel, renforcer les travaux des organes permanents de l’OMC et améliorer les travaux de négociation de l’institution. Un paquet de réformes devrait selon toute vraisemblance englober les thèmes considérés comme prépondérants par les grandes puissances commerciales. Pour les pays émergents et en développement, la priorité tient à la dimension du développement et à l’accès à des conditions commerciales favorables (traitements spéciaux et différenciés).

La prochaine conférence ministérielle de l’OMC, qui se tiendra en juin 2020 à Nur Sultan, au Kazakhstan, devra ainsi donner un meilleur aperçu du potentiel de modernisation de l’Organisation. «Il nous faut tirer les leçons des tensions commerciales internationales et cela passe sans doute par une modernisation en profondeur de l’OMC», avait reconnu fin août dernier le Président français, Emmanuel Macron, au sommet du G7 à Biarritz. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait demandé, pour sa part, aux États de résoudre les tensions commerciales par le dialogue à l’OMC, estimant qu’«un éloignement des accords multilatéraux sera probablement moins favorable aux petits pays en développement».

En parallèle aux thèmes horizontaux, d’autres enjeux sont à l’ordre du jour de la réforme. C’est le cas des négociations sur l’élimination de certaines formes de subventions qui contribuent à la surpêche. Les discussions en cours sur ce sujet ont un double but, conforme aux Objectifs de développement durable des Nations unies : d’une part, interdire certaines formes de subventions qui contribuent à la surcapacité des flottes et à la surpêche et, d’autre part, éliminer les subventions qui contribuent à la pêche illicite non reportée et non réglementée. Cette négociation sur la pêche constitue un test pour l’OMC dans la mesure où un succès ou un échec révélera en effet la capacité de l’organisation à développer des règles multilatérales et modernes.

C’est dans ce sens que s’inscrit le séminaire organisé ce lundi par le Maroc au siège de l’Organisation mondiale du commerce à Genève, sur les enjeux et perspectives de la réglementation de la pêche industrielle à grande échelle. Le séminaire réunit des experts de renommée internationale et de hauts responsables au sein d’organismes et d’organisations internationaux spécialisés pour débattre notamment des instruments internationaux destinés à améliorer la durabilité des pratiques de pêche, ainsi que des propositions relatives aux subventions à la pêche industrielle à large échelle au sein de l’OMC, et des principaux sujets de préoccupation des pays en développement dans les négociations en cours.

La rencontre se veut l’occasion d’examiner «les caractéristiques à considérer pour approcher la pêche industrielle à grande échelle de manière juste, efficace et opérationnelle, dans le cadre des disciplines envisagées sur la surcapacité et la surpêche», précise une note de la Mission diplomatique du Maroc à Genève. L’objectif du séminaire est «d’avancer des arguments solides et valables pour sauvegarder les intérêts de la pêche artisanale et de la pêche à petite échelle qui ont un impact social très important dans plusieurs pays, dont le Maroc».

D’autre part, «il s’agit aussi de démontrer que la pêche en haute mer et industrielle peut se réaliser dans le respect des normes de protection des ressources halieutiques par un ciblage des subventions qui ont des conséquences sur la surcapacité et la surexploitation des ressources». Le document rappelle que les discussions sur la surcapacité et la surpêche dans le cadre des négociations sur les subventions à la pêche au sein de l’OMC butent sur des difficultés qui semblent insurmontables, parmi lesquelles celle de savoir comment considérer concrètement la catégorie de la pêche industrielle à grande échelle au niveau des disciplines envisagées, alors qu’aucune définition universelle en la matière n’existe.

Le  09 septembre 2019

Source web Par le matin

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