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Entretien avec Yassir Zenagui, Ministre du tourisme et de l'artisanat

Entretien avec Yassir Zenagui,  Ministre du tourisme et de l'artisanat

«La baisse du tourisme sera seulement de 3 % pour fin mai» Publié le : 14.06.2011 | 16h59 Tout en reconnaissant les difficultés conjoncturelles du secteur, Yassir Zenagui reste confiant et optimiste. Le Maroc touristique s'en sortira la tête haute, dit-il. Les professionnels, eux, doivent arrêter de véhiculer des messages négatifs aux tour-opérateurs. Sinon, avertit le ministre, ils finiront par s'autodétruire. LE MATIN : Le secteur du tourisme est-il en crise comme le laissent entendre certains professionnels ? YASSIR ZENAGUI : La situation géopolitique dans le monde arabe, puis l'attentat de Marrakech, devraient clairement avoir un impact sur le tourisme national. Il faut être réaliste là-dessus. Heureusement et malheureusement, ces événements sont intervenus à un moment où le tourisme marocain était en forte progression. L'année dernière, le secteur a progressé de 11%, malgré la conjoncture économique internationale. Nous avons démarré l'année 2011 avec une hausse de 19% pour les touristes étrangers. Les événements ont eu pour effet de ralentir cette croissance, mais nous restons sur une tendance haussière. Alors qu'en Égypte, ils ont dû enregistrer une baisse de plus de 60%. Ils reviennent 15 ans en arrière. En Tunisie, la baisse a été de l'ordre de 48%. Au Maroc, sur les cinq premiers mois de l'année 2011, même en intégrant l'impact de l'attentat de Marrakech, nous sommes en progression de 6%. C'est vous dire qu'il n'y a même pas eu de ralentissement. Au mois d'avril, nous avons observé une très forte hausse des arrivées. Pour le mois de mai, qui a suivi l'attentat, nous nous attendons à une baisse de 3%. On est de ce fait très loin des baisses supérieures à 30%, comme d'aucuns le laissaient entendre. La saison ne sera certainement pas facile. Cela dit, le secteur a traversé plusieurs crises ces dernières années et il s'en est toujours sorti la tête haute. N'y a-t-il pas lieu d'accorder plus d'intérêt au tourisme local, notamment pour corriger les failles de l'opération Konouz Biladi ? On est en train de discuter avec les professionnels à propos de cette question, et ce indépendamment de l'attentat de Marrakech. Le tourisme local est une grande priorité nationale. C'est aussi un matelas financier pour les professionnels qui leur permet d'éviter de dépendre de la conjoncture internationale. Ce segment représente aujourd'hui 23% des nuitées et on veut faire monter cette part à plus de 40%. Il faut savoir que le produit Kounouz biladi a été mis en place sur la base d'une négociation avec les opérateurs. Le fait que ce programme intervienne dans une période de haute saison, beaucoup de gens s'en plaignent, car les hôteliers veulent encaisser le plein tarif, alors qu'on leur demande d'accorder à la clientèle locale une réduction de 50 à 60%. Ils n'arrivent pas à réponde à toute les demandes. Nous sommes en train de voir comment on peut améliorer le concept. Mais en tant que ministère, nous sommes dans une logique d'intermédiation. Nous n'avons aucune loi qui nous permette de forcer les promoteurs à répondre à toutes les demandes. L'année dernière, et malgré tout ce qu'on dit, Kounouz Biladi a pu offrir 4 000 nuitées supplémentaires, soit une augmentation de 10% par rapport à 2009. C'est quand même un effet positif pour une opération basée sur la négociation Quel message pourriez-vous adresser aux professionnels en ces moments difficiles Il faut se battre et rester forts. Il ne sert à rien de dramatiser la situation en se lançant dans des annonces pessimistes. Cela ne sert ni les intérêts du secteur ni ceux des professionnels. On l'a bien vu au début de l'année. Beaucoup de gens spéculaient sur une baisse de 60% suite aux événements de l'Égypte et de la Tunisie. Maintenant, on a bien vu la hausse du mois d'avril et on aurait pu faire mieux sans cette crise. Pour reprendre justement le rythme, il faut rester fort. Sinon, on va le payer très cher. Les Tunisiens et les Égyptiens sont en train de rassurer. L'Égypte annonce 11 millions de touristes malgré la révolution. Au Maroc, nous devons capitaliser sur la tendance haussière observée jusqu'à ce jour pour montrer qu'on est plus forts. Le secteur n'est pas du tout anéanti et les professionnels doivent le protéger. Il faut arrêter de véhiculer les messages négatifs aux tour-opérateurs Lors d'une récente visite en Allemagne, certains tour-opérateurs me disaient : «Vous avez beau rassurer et raconter les réalisations du secteur, vos professionnels disent le contraire». En exagérant dans le pessimisme, les opérateurs finiront par s'autodétruire. Les problèmes existent, certes, mais il faut se mobiliser et s'entraider pour traverser cette situation dans les meilleures conditions Dans ce contexte difficile, faut-il brader les prix pour rester compétitif ? Non, pas du tout. Nous sommes face à un phénomène géopolitique. C'est une question psychologique et sécuritaire. Si le touriste n'est pas convaincu qu'il sera en sécurité avec ses enfants, il ne fera pas le voyage, même si on baisse les prix de moitié. Et quand on baisse les prix, on a du mal à les faire remonter après. De la sorte, on perd des années de négociation. Il faut juste savoir communiquer, aller à la rencontre des tour-opérateurs, faire du corps à corps, etc. J'encourage les professionnels à insérer des messages publicitaires (TV, radio, journaux) et à monter des produits dédiés aux locaux. Voilà ce que j'attends des professionnels. C'est leur business et ils sont les seuls à pouvoir le faire Les contrats-programmes régionaux de la Vision 2020 seront-ils signés dans les délais annoncés lors des Assises de Marrakech Les choses avancent et nous restons en ligne avec nos prévisions. Comme promis, notre démarche s'étale sur toute l'année 2011. Nos équipes travaillent en continu avec les autorités locales et les élus des 16 régions. Il n'a jamais été question de signer quoi que ce soit avant fin juin. L'objectif étant d'aboutir à un plan d'action qui réponde aux besoins et aux exigences de chaque région. Fin 2011, nous allons organiser une cérémonie pour signer les contrats-programmes. Par contre, la vision 2020 commence déjà à se concrétiser avec le lancement du projet de réhabilitation des Kasbahs du Sud. D'autres projets seront lancés dans les jours ou semaines à venir. SOURCE WEB Par Wadie El Mouden | LE MATIN