La violence scolaire peut avoir des conséquences délétères

Bien qu’étant un phénomène difficile à éradiquer, en subir les effets n’est pas une fatalité
Rim Akrache, psychologue au Centre national Mohammed VI fait le point
“Vaut mieux en rire». C’est certainement l’explication avancée par les Thomas Ngijol, Jamel Debbouze et autre Malik Bentalah, autant d’humoristes, d’habitude friands de phénomènes de société, au moment d’aborder le thème de la violence scolaire entre élèves dans des sketchs plus ou moins drôles. Mais en réalité, le sujet n’est pas aussi hilarant qu’ils pourraient nous le faire croire.
La violence en milieu scolaire est une problématique à laquelle nous avons tous été confrontés, de près ou de loin. Rien que pour la saison scolaire 2018/2019, la direction provinciale de l’éducation nationale d’Aïn Chock a recensé 230 cas de violence entre élèves, dont 93 à l’extérieur des murs des établissements scolaires entre violences corporelles et verbales.
Malgré une campagne de sensibilisation qui en est à sa quatrième édition, initiée par la direction provinciale de l’éducation nationale et destinée aux établissements d’enseignement relevant de la préfecture d’arrondissements d’Aïn Chock à Casablanca, force est de constater que le chemin pour endiguer ou du moins atténuer cette triste réalité est encore long. D’autant plus que le caractère de banalité qui lui est conféré ne plaide pas en faveur d’une prise de conscience collective, en dépit de ses lourdes conséquences.
Sous toutes ses formes (physique et psychologique), la violence en milieu scolaire est considérée comme l'un des facteurs du décrochage scolaire et du déficit de persévérance cognitive. Afin de mieux appréhender ses tenants et aboutissants, Rim Akrache, psychologue au Centre national Mohammed VI des handicapés et intervenant auprès d’enfants à besoins spécifiques/section régionale de Casablanca du CNMH, fait le point.
«A l’école, c’est un triangle qui permet la réussite ou l’échec»
Evaëlle, 11 ans, s’est donné la mort il y a quelques mois dans le Val d'Oise en France. Depuis, ses parents cherchent à comprendre ce qui a poussé cette fillette à se pendre à son lit. Les harcèlements et autres violences psychologiques répétées, qu’elle a subis au collège, en sont probablement la cause. Cette tragédie très médiatisée de l’autre côté de la Méditerranée vient malheureusement corroborer les craintes de l’UNESCO. L’organisation onusienne est plus que jamais inquiète quant à l’ampleur d’un phénomène qui toucherait un élève sur 3 dans le monde.
Le harcèlement psychologique en milieu scolaire par des pairs peut aussi avoir des conséquences certes moins tragiques, mais tout de même inquiétantes, à l’image du décrochage scolaire. «A l’école, c’est un triangle qui permet la réussite ou l’échec : l’enfant (et ses pairs), la famille et l’école», avance Rim Akrache, avant de préciser : «Lorsqu’il y a un dysfonctionnement dans l’un ou l’autre de ces pôles, c’est-à-dire respectivement les capacités cognitives, le dysfonctionnement familial, ou des problèmes institutionnels ou pédagogiques et un mauvais climat, ça se ressent dans les résultats de l’enfant. Surtout lorsque celui-ci n’a pas acquis toutes les ressources lui permettant d’y faire face, et d’être résilient».
En outre, ce qui rend cette situation encore plus consternante, c’est que ses effets sur l’enfant ne sont pas éphémères, bien au contraire. «La violence, qu’elle soit verbale ou physique, affecte l’estime de soi qui a un impact direct sur ses capacités attentionnelles et cognitives, et sur ses ressources psychiques. Et cela peut durer jusqu’à l’âge adulte », confirme-t-elle.
«Parfois, il suffit de redonner confiance, de déculpabiliser et de revaloriser»
Si la violence en milieu scolaire est un phénomène difficile à éliminer, en subir les conséquences n’est pas une fatalité. Alors comment réussir à sauver ce qui peut l’être ? Déjà, il faut se rendre à l’évidence. «Les enfants victimes de violence ou de harcèlement sont souvent isolés, et ne peuvent pas en discuter avec leurs familles. Ils ne peuvent pas non plus prendre l’initiative de consulter pour être écoutés et conseillés», nous confie Rim Akrache. Ensuite, conscient de cette donnée essentielle, il faut s’attacher à combler cet isolement, via des mécanismes dont les cellules d’écoute. «En effet, elles ont toute leur place. Elles rentrent dans le cadre d’une prévention de la violence et du décrochage par la même occasion. Parfois, il suffit de redonner confiance, de déculpabiliser et de revaloriser pour qu’il y ait réparation», confirme notre psychologue tout en prévenant : «Mais encore faut-il agir tôt et que l’enfant se sente à l’aise».
«Il est primordial de se détacher du point de vue des adultes»
A en croire la directrice provinciale de l’éducation nationale d’Aïn Chock, Bouchra Aarif, les établissements scolaires, les associations des parents d’élèves, les syndicats et les départements concernés constituent des partenaires privilégiés dans la campagne de sensibilisation à la violence dans le milieu scolaire. On ne sait pas s’ils ont été inclus ou pas dans cette démarche, mais l’une des pistes à explorer pour atténuer cette consternante violence réside dans l’implication effective des élèves dans la campagne de sensibilisation. «Il est grand temps de penser à impliquer les jeunes également, parce qu’ils sont les mieux placés pour se comprendre, les uns les autres. Avec eux et pour eux. C’est d’ailleurs dans cette optique que les associations qui s’intéressent au harcèlement scolaire, créent des comités de jeunes. Il est primordial de se détacher du point de vue des adultes», abonde Rim Akrache.
Dans ce sens, on peut citer à titre d’exemple des jeux de rôles encadrés, pendant lesquels des enfants jouent tantôt le rôle de l'agresseur tantôt celui de l'agressé. Une thérapie à même de les responsabiliser concrètement mais aussi et surtout leur faire prendre conscience de la souffrance d’autrui. «On appelle cette thérapie ‘’le psychodrame’’. Elle permet de se détacher de sa propre position, d’avoir plus d’empathie, de s’exprimer aussi et d’exprimer un vécu qui ne peut parfois l’être que dans un cadre de jeu. On projette nos propres souffrances sur le personnage», souligne Rim Akrache dans une manière de rappeler qu’avant même de penser à changer le cours des choses, il est préférable de commencer par comprendre et identifier ce qui doit l’être.
Le 24 Décembre 2019
Source web Par libération
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