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QUEL TOURISME EN 2030 ET EN 2050 LES ÉVOLUTIONS, LES SURPRISES ET LES RÉVOLUTIONS DU TOURISME MONDIAL

QUEL TOURISME EN 2030 ET EN 2050    LES ÉVOLUTIONS, LES SURPRISES ET LES RÉVOLUTIONS DU TOURISME MONDIAL

PAR ROBERT LANQUAR
       
La barre du milliard cent millions d’arrivées touristiques internationales
Né en Algérie de parents séfarade et berbère, Robert Lanquar, après une expérience de journaliste, a été pendant une dizaine d’années  chargé du marketing et des recherches sur les entreprises touristiques, à l’Organisation mondiale du tourisme. Il a été aussi expert auprès de la Banque mondiale et a participé à l’élaboration de nombreux plans de développement touristique dont ceux du Sénégal et des Seychelles. Il fut coordinateur du groupe d’experts du Plan Bleu -Plan d’action pour la Méditerranée- PNUE entre 1986 et 1996, tout en assurant la programmation technique du Europartenariat Middle East 1994-1996 avec la Euro-Arab Chamber of Commerce (Paris), la Euro-Israel  Chamber of Commerce et le Département international de la Chambre de commerce internationale de Paris. Depuis 2000, il assure la coordination du Forum euroméditerranéen de FITUR – Madrid. Il est aussi professeur invité, à l’Université de Cracovie dans le monde est déjà atteinte et l’année 2015 pourrait surprendre par de nouveaux records en raison de la reprise de l’activité économique dans les pays émetteurs de touristes.
Le récent Rapport 2015 du Conseil mondial du tourisme et des voyages (WTTC)(1) prévoit, pour cette année, une croissance du secteur du tourisme de l’ordre de 3,7%, plus forte que celle de l’économie mondiale qui devrait être de l’ordre de 2,9%. On l’a répété aussi dans les dernières foires et salons touristiques. A y parler avec les professionnels et experts du tourisme, à écouter les demandes d’une clientèle branchée, on observe des changements étonnants. Les révolutions des technologies de l’information et de la communication liées au e-commerce et à l’e-tourisme seraient même dépassées, encore que certains n’aient pas encore pris totalement conscience de cette évolution. La révolution viendrait d’un sens plus aigu de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et des institutions touristiques tandis que Paris se prépare pour accueillir, en décembre prochain, une Conférence décisive sur le climat, la COP21, où l’on parlera aussi de tourisme.
Une force au service d’un avenir durable
Depuis quelques mois, autour de l’Organisation mondiale du tourisme, une campagne d’information se développe pour démontrer à l’opinion publique et aux décideurs politiques qu’avec plus de 1.300 milliards d’euros de recettes en 2014, le tourisme est une force à mettre au service d’un avenir durable; et cela marche! Le tourisme contribuerait à presque 10% du PIB mondial; il représenterait un emploi sur 11 et 6% des exportations mondiales.
Aussi bien au World Travel Market de Londres en novembre dernier qu’à FITUR à Madrid en janvier ou début mars, à l’ITB de Berlin, professionnels, autorités touristiques gouvernementales et régionales et organisations internationales se sont mis d’accord pour que le tourisme responsable et durable soit au cœur d’un nouveau partenariat avec une utilisation très rationnelle des nouvelles technologies et un effort sans précédent pour la conservation des ressources naturelles et culturelles.
Un des secteurs qui se développent le plus est le tourisme urbain. Les touristes trouvent dans les villes confort et luxe, gastronomie, culture, spectacles, évènements sportifs, soins médicaux et de santé, et surtout peuvent y faire du shopping. Le temps des vacances et des loisirs devient celui des achats et des bonnes affaires. En même temps, la ville devient rentable pour les entreprises hôtelières et touristiques. On peut mieux y gérer l'eau, l'énergie, les déchets ou encore la circulation. La course à l’innovation urbaine dans le domaine du tourisme s’accélère partout, en Asie, en Amérique, en Afrique du Sud comme en Europe méditerranéenne, Barcelone, Malaga, Marseille, Venise.
Ces villes sont en première ligne d’un tourisme créateur d’un tissu entrepreneurial dynamique dans les services, le commerce, les nouvelles technologies. La «smart city», on y vit de manière fort agréable que l’on soit résident ou touriste. Tous sont connectés. Or, nous serions en 2015 en train de passer à l’«après-smart city», non pas un modèle futuriste sorti de l’imaginaire des architectes et des urbanistes, mais un système qui placerait la personne au centre de la vie urbaine, qu’il soit résident ou touriste. On parle même de «sensitive city – ville sensible» où des choix de gouvernance pourraient décider du ratio résidents/touristes. Eviter des conflits liés au bruit des boîtes de nuit par exemple, éviter une trop grande affluence et une saturation des sites les plus fréquentés, voilà des objectifs que les villes sont dès maintenant en train d’intégrer pour leur développement durable. L’autre facteur du dynamisme des entreprises est que les villes seront mieux à même de relever le défi climatique, alors qu’elles sont responsables d’environ 70% des émissions de gaz à effet de serre.
L’e-tourisme et la révolution du big data
C’est le second volet de l’évolution – révolution du tourisme: le big data a depuis longtemps fait son entrée dans le secteur. Comme pour la prose de Monsieur Jourdain, le Bourgeois Gentilhomme, on s’en sert sans le nommer. Le big data serait-il le pétrole de notre siècle, alimenté par la flambée des réseaux sociaux, l’utilisation massive des objets connectés et la transformation digitale des entreprises et institutions modernes? Quatre-vingt-dix pour cent des voyageurs et touristes  sont inscrits sur au moins un réseau social: Facebook, Twitter, LinkedIn, Badoo, Plus. Google, Myspace, Tumbir, Instagram pour partager des vidéo et photos; et pour les voyages, TripAdvisor, Tripayo, Trip.fr, Libertrip, pour n’en citer que quelques-uns.

La barre du milliard cent millions d’arrivées touristiques internationales dans le monde est déjà atteinte et l’année 2015 pourrait surprendre par de nouveaux records en raison de la reprise de l’activité économique dans les pays émetteurs de touristes  
Selon le Boston Consulting, en 2020, la valeur des données personnelles des Européens, à travers ces réseaux sociaux, pourrait frôler les 1.000 milliards d’euros. Des centaines de milliers d’emplois devraient être créés pour répondre à la demande des entreprises et des institutions. Encore faut-il former les futurs employés et cadres à extraire de l'information à partir de données non structurées!
Ces données doivent être habilement exploitées: les organismes de veille ou observatoires du tourisme sont des outils que mettent en place les autorités touristiques nationales ou régionales et qui seront d’une utilité de plus en plus importante. Le rôle-clé des administrations dans le cadre d’un partenariat public-privé est de mettre en commun les différentes données référentielles.
Les entreprises pourraient ainsi élaborer des stratégies d’influence sur les réseaux sociaux autour de plusieurs leviers: impliquer ses équipes, anticiper tout le temps et très vite, c’est-à-dire disposer d’une prompte capacité de réaction, prévoir tout risque qu’il soit climatique ou géopolitique, sinon l’on verrait  sa réputation s’assombrir, être plus transparent avec une ligne éditoriale s’articulant autour d’une écriture soignée dans ses messages et ses réponses, se fixer une audience ciblée pour générer de l’interaction et gagner en visibilité…
Il faut analyser de cette manière l’exemple d’Airbnb, la plateforme de location communautaire. Grâce au big data, Airbnb bouleverse les modèles traditionnels d’hébergement touristique. Son taux de croissance est exponentiel: entre 2008 et 2013, 20 millions de touristes ont réservé un séjour dans un des 800.000 logements Airbnb dans le monde. Un million de logements pourraient être offerts avant 2016 dans le cadre d’un développement collaboratif. Ce type de site Web serait un pionnier des comportements les plus en usage demain. Et ses concurrents se multiplient grâce aux réseaux sociaux.
Les innovations vont encore plus loin dans le tourisme. Ce secteur devient le lieu de prédilection d’un marketing expérientiel. Un exemple: un office de tourisme britannique vient de publier un guide accompagné d’odeurs caractéristiques de sa région: bouquet floral, café, chocolat, herbe fraîchement coupé. Dans un pays comme le Maroc, les odeurs des épices feraient des miracles dans les brochures: jasmin, thé à la menthe, safran, citron au clou de girofle… C’est aussi la visite virtuelle d’une ville comme Montréal l’a fait à Boston, dans le cadre d’un offensif marketing interactif autour de six écrans géants déclinants chacun un attrait de la ville, architecture, gastronomie, culture, festivals, shopping et vie nocturne. On vivait ce que l’on allait vivre en visitant la métropole québécoise. Le grand saut pourrait bien être «le slow travel – le voyage lent» lié au slow food.
Des pays gagnants
Quels seront les pays qui avanceront le plus? Selon le Conseil mondial du tourisme et des voyages (WTTC), entre 2015 et 2025, la croissance du tourisme mondial serait en moyenne de 3,8%, c’est-à-dire légèrement moins que ces dernières années. Le WTTC estime que cela sera dû d’abord à une Chine qui atteint ses limites d’industrialisation et de développement. Ailleurs, comme en Europe, on serait proche de la saturation pour bien des destinations. Et puis quand le prix du pétrole retournera à la hausse, que se passera-t-il? Quand se terminera le bras de fer entre l’Occident et la Russie sur l’Ukraine? Des pays seront gagnants, d’autres auront moins de succès. Pour WTTC, la Chine continuera d’investir le plus dans le tourisme mondial et en sera le premier investisseur devant les Etats-Unis. Sur le plan des arrivées de touristes internationaux, le Royaume-Uni, le Mexique, l’Inde, l’Indonésie, Myanmar (Birmanie) et le Monténégro seront parmi les gagnants et verront leur part de marché s’accroître. La Chine, les Etats-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni conserveront leurs places de quatre premiers pays émetteurs de touristes. Mais tout peut advenir pour un pays qui sait se battre et met l’accent sur la qualité de ses produits et services et sur ses hommes.
Quel tourisme en 2030 et en 2050 ?
La prospective dans le domaine du tourisme est un outil essentiel pour décider de la création d’équipements comme des hôtels pour les quinze prochaines années (c’est-à-dire 2030) et des infrastructures comme des routes, aéroports, ports et marinas pour au moins trente ans. La prospective touristique permet de faire la synthèse des risques et des situations géopolitiques probables. Selon la technique des scénarios, il serait possible d’adopter des politiques conduisant à une prospérité durable et de légitimer des actions réduisant les incertitudes. Il ne s’agit pas seulement d’en voir les aspects quantitatifs: selon l’Organisation mondiale du tourisme, le chiffre de 1,6 milliard d’arrivées de touristes internationaux pour 2020 et 1,8 milliard pour 2030. En raison du changement climatique, de la raréfaction des ressources naturelles, et peut-être surtout de l’augmentation des inégalités avec le déclin des classes moyennes, nous n’atteindrons certainement pas les 4,7 milliards de touristes internationaux en 2050 que prédit Ian Yeoman, le futurologue de l’Université hollandaise Standen, qui vient d’y publier un «Journal of Tourism Futures».
 
22 MAI 2015
SOURCE WEB Par L’ECONOMISTE

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