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Le gouvernement veut créer 200.000 emplois par an, mais est-ce possible?

Le gouvernement veut créer 200.000 emplois par an, mais est-ce possible?

Les grandes lignes ainsi que les objectifs de la stratégie nationale pour l’emploi seront révélés avec plus de détails ce mardi 14 juillet.  
Cette stratégie, sur laquelle le gouvernement planche depuis quelques années, vise à créer pendant la période 2016-2025, pas moins de 200.000 emplois par an en moyenne.
Si l’on se base sur ce qui a filtré, la stratégie qui va être dévoilée donne l’impression que les objectifs ont été tracés en fonction des nécessités, et non des possibilités.
Par exemple, lorsqu’on annonce que l’on va créer 200.000 emplois par an, on sait que cela suppose un taux de croissance annuel moyen de 8% au minimum (avec la création supposée de 25.000 emplois par point de croissance, au rythme actuel). Qu’à cela ne tienne, on “augmentera le contenu de la croissance en emplois“ (déclaration du ministre de l’Emploi au Matin). Sur sa lancée, M. Seddiki ajoute: “Si tout se passe bien, à l’horizon 2025, on aura un taux de chômage insignifiant, inférieur à 4%». Pourquoi pas, en effet. Tant qu’on y est.
En d’autres termes, un point de croissance créera 38.000 emplois au lieu des 25.000 estimés.
De quelle manière y arrivera-t-on?
Le ministre va l’expliquer ce mardi, mais pas en détail, car le contenu opérationnel des mesures sera rédigé à partir de ce mois de juillet et les premières mesures verront le jour dans la prochaine de loi de finances, celle de 2016.
Mais l’on sait que les intentions sont bonnes: création de fonds régionaux pour l’emploi, mesures de politiques macroéconomiques et sectorielles en faveur de l'emploi (incitations et fiscalité, financement et charges salariales), les interventions de l’Anapec (qui fait déjà de l’excellent travail), programmes d’employabilité des jeunes (excellente idée déjà testée à petite échelle), territorialisation des programmes etc…
Les limites de l’action du ministère de l’Emploi
Coïncidence ou hasard de calendrier, le forum des cadres du PPS a organisé vendredi un intéressant débat sur la question de l’Emploi. En l’absence du ministre (PPS lui aussi) et sans langue de bois.
Sur l’estrade, deux personnalités qui connaissent très bien le sujet, Abdelouahed Souhail, ancien ministre du Travail et Anas Doukkali, DG de l’Anapec. Tous deux brillants et intéressants.
Le thème: emploi des jeunes et transformation du marché du travail.
Leurs propos sont une grille qui trace les limites de l’action publique et de celle du ministère de l’Emploi, quel que puisse être le volontarisme de ce dernier.
Abdelouahed Souheil, qui sait de quoi il parle, puisqu’il a été ministre du Travail, déclare: “Quels sont les moyens d’intervention d’un ministère qui a 95 MDH de budget annuel? Devrait-il trouver des emplois ou bien gérer les relations professionnelles entre les employeurs et les employés?“
M. Souheil, avec son style didactique, dresse une liste de contraintes:
-les déterminants historiques, géographiques, technologiques: le relief, l’eau, le voisinage, l’environnement, le réchauffement climatique, les évolutions technologiques, les ressources humaines, l’obsolescence des matériels et des méthodes, les inévitables gains de productivité qui réduisent les postes d’emploi,…
-la nécessité de préserver les équilibres budgétaires;
-la frilosité du secteur privé, qui ne s’engage qu’attiré par un gain, de préférence certain; une vision économique est donc indispensable si l’on veut avoir une stratégie de l’emploi.
-des politiques publiques sont indispensables: l’automobile et l’aéronautique ne suffisent pas,  il y a aussi l’éducation-formation.
-une grande partie des étudiants vont ou sont orientés vers des voies sans issue en termes d’emploi;
-on ne peut pas compter sur le privé pour régler la problématique de l’emploi;
-on ne peut pas continuer sans planification économique ni avec un État absent;
-le tassement des flux migratoires vers l’étranger;
-au cours de la période 2007-2014, seuls 86.000 emplois nets ont été créés. Il s’agit maintenant de passer à un niveau moyen de création de 200.000 emplois/an.
Anas Doukkali, DG de l’Anapec et militant du PPS, explique que “le gouvernement prend enfin en charge ce dossier“, car les indicateurs sont préoccupants:
-le taux d’activité marocain est seulement de 48%, soit l’un des plus “faibles au monde“. Le taux d’activité, c’est le nombre de personnes en âge et en état de travailler et qui soit travaillent, soit recherchent un emploi. Un tel taux signifie qu’une seule moitié travaille et prend en charge l’autre moitié.
-la féminisation de la population active est seulement de 27,2%. Seul un actif sur quatre est une femme.
-le secteur informel représente 37% des emplois;
-chaque année, de nombreux chômeurs sortent totalement du marché du travail et ne cherchent plus. De ce fait, si on tient compte de cette réalité, “notre vrai taux de chômage est de 20%“.
-37% des emplois sont précaires, sous-rémunérés, informels…
-en 2014, il y a une accélération du taux de chômage;
-en 2012, seuls 1.000 emplois nets ont été créés, un phénomène unique depuis... 1968!
nas Doukkali soulève la question des accords de libre-échange, grâce auxquels on a pu faire venir de gros investissements industriels: “on crée Peugeot et on détruit la balgha“. Avec ce genre de phrases, il stimule l’esprit critique et le débat.
Et ce n’est pas fini:
-les offres d’emploi sont numériquement très faibles, au regard du nombre de chercheurs d’emploi;
-le chômage de longue durée est omniprésent: les deux tiers des demandeurs sont au chômage depuis plus d’un an;
-la faible valorisation du capital humain: 60% des actifs n’ont pas de diplômes, 27% ont un niveau moyen d’instruction);
-une forte précarité sur le marché du travail (32% seulement des travailleurs ont un contrat de travail, dont 77% ayant un niveau supérieur);
-22% des emplois ne sont pas rémunérés;
-le taux de couverture sociale n’est que de 33%.
Dans la stratégie nationale de l’emploi, Anas Doukkali révèle que 50% des leviers sont économiques, 30% dans la formation-adéquation, 10% dans la législation du travail et 10% dans différents programmes, tels que l’intermédiation sur le marché de l’emploi.
Il livre une donnée intéressante : à chaque fois qu’une petite entreprise est accompagnée par l’Anapec, elle crée trois emplois en moyenne.
Et, pour finir, cette affirmation qu’aucun chef de PME ne contredirait au Maroc : “il ne faut pas compter sur les banques, elles ne financent que sur garanties. Il faut que l’État mette la main à la poche. Les banques ne prêtent qu’aux riches“.
La démarche marocaine est volontariste, car il y a urgence.
Même s’il est frileux, le secteur privé représente plus de 90% des emplois sur le territoire national. Au lieu d’une grosse stratégie nationale de l’emploi, au sort incertain, peut-être faut-il simplement laisser le secteur privé gagner de l’argent. Les emplois ne pourront alors que suivre. Mais cela est une longue, très longue histoire.
Le 12 Juillet 2015
SOURCE WEB Par Médias 24

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