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Entretien. Le ralentissement chinois est bénéfique pour le Maroc

Entretien. Le ralentissement chinois est bénéfique pour le Maroc

Bénéfique sur le court terme et surtout une opportunité qu'il faut saisir pour ancrer le Maroc sur le marché chinois.
Le moteur chinois de l’économie mondiale s’encrasse. Le ralentissement de son économie depuis le début de l’année 2015 fait trembler le reste du monde, qui dépend des capacités d’absorption de l’offre exportable et des obligations d’Etat par le marché chinois.
La croissance économique chinoise s’est stabilisée autour de 7% au premier trimestre 2015. Les échanges commerciaux se sont contractés de 7,3% depuis les 7 premiers mois de l’année, les réserves de devises étrangères ont diminué de plusieurs centaines de milliards de dollar en un an, la capitalisation de la bourse de Shanghai a perdu 40% de sa valeur par rapport à son pic, représentant une perte de richesse de 2.000 Milliards de dollars pour les entreprises touchées.
"Nous devons apprendre à vivre avec une croissance molle en Chine", professait Joseph Stiglitz, interviewé sur France 24.
L’Afrique, dont l’économie des matières premières est fortement pénétrée par le client chinois, va devoir très rapidement tirer les leçons de ce changement de paradigme.
Qu’en est-il du Maroc ? Nous avons posé la question à Abdelaziz Ait Ali, économiste de l’OCP Policy Center.
Médias24: Quelle est votre analyse de la conjoncture chinoise actuelle?

 

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Abdelaziz Ait Ali: En 2014, l’activité économique a été marquée par la poursuite du ralentissement de la croissance à un niveau parmi les plus faibles depuis les années 90. Les données relatives au premier semestre 2015 indiquent une nouvelle baisse à 7%. Les perspectives de croissance pour les années à venir s’inscrivent dans la même tendance et tablent sur un rythme encore plus faible, avoisinant pour 2016 à titre d’exemple 6,8% (prévisions FMI et OCDE).
Cette décélération renvoie à des facteurs conjoncturels, notamment, la morosité de la conjoncture économique dans la zone euro premier débouché pour la Chine, mais surtout structurels liés au passage de l’économie chinoise vers un nouveau modèle de croissance équilibrée, moins extravertie et plus soutenable.
Ces facteurs structurels traduisent une transformation structurelle de l’économie chinoise vers un modèle de croissance tiré par la consommation privée et une tertiarisation plus intense du tissu productif.
L’investissement public et les exportations de produits manufacturés ont été le principal moteur de croissance chinoise pendant les 3 dernières décennies. La Chine est l’un des rares pays où la part du secteur industriel a été maintenue à des pourcentages assez élevés et inchangée pendant une longue période, mais ce processus, anormal de par les expériences mondiales, semble atteindre ses limites et laisser place à un modèle standard où les services génèrent de plus en plus de valeurs ajoutées.
Pour garantir "un atterrissage en douceur de l’économie chinoise", des politiques expansionnistes de relance de la demande ont été adoptées, à savoir l’assouplissement des conditions monétaires à travers la révision à la baisse des taux et une dévaluation de la devise chinoise.
Sur le plan financier, la convergence des rendements entre les marchés internes et externes en présence des incertitudes vis-à-vis de l’activité économique, a engendré une sortie massive des capitaux surtout à court terme.
La bourse chinoise a subi en effet ces conséquences en affichant des pertes considérables, depuis le début du mois de juin, après avoir réalisé des gains d’environ 150% entre mi-2014 et mi-2015.
-Quelles conséquences sur l’économie mondiale?
-Le ralentissement de la croissance risque d’entraîner l’économie mondiale dans une nouvelle phase d’affaiblissement de l’activité à travers le canal des importations.
La première onde a concerné les pays périphériques à la Chine mais également les économies de l’Afrique subsaharienne, exportateurs de premier ordre de matières premières vers ce pays.
L’Angola à titre d’exemple a vu ses exportations reculer d’un montant équivalent à 3% de son PIB, sur les 6 premiers mois de 2015. Sur le plan de l’investissement chinois à l’étranger, il semble qu’il ne sera pas très sensible à la situation économique en Chine, au moins à court terme.
Les pouvoirs publics en Chine se dirigent en effet vers un assouplissement de la réglementation vis-à-vis des investisseurs chinois à l’étranger dans l’objectif de faire de leur monnaie une devise internationale de référence. Les chiffres de 2014 indiquent un accroissement de 14% des IDE par rapport à 2013, à 102 milliards de dollars.
Il est également important de signaler que la récente dévaluation de monnaie chinoise peut déclencher un mouvement de mimétisme de la part des autres pays sceptiques au risque éventuel de perte de compétitivité-prix de leurs exportations de biens et services.
Pour ce qui est du Maroc, le cadre macroéconomique qui est en amélioration relative surtout en termes de viabilité extérieure (compte courant) n’invite pas à mon avis à une manipulation de l’instrument de change pour instaurer l’équilibre.
-Quel effet sur l’économie nationale?
-Concernant les effets directs, la Chine ne ressort pas en tant que client important pour le Maroc.
Les échanges commerciaux sont évalués à près de 32 milliards de DH, au profit bien évidemment de la Chine qui exporte au Maroc 29,5 milliards de dirhams, alors que le marché chinois n’attire en effet que 2,3 milliards, soit l’équivalent de 1% des exportations totales du pays.
Le même constat par rapport aux investissements. Malgré les efforts engagés dans ce sens, le Maroc n’est pas une destination privilégiée des investisseurs chinois.
Concernant le volet financier, après les mouvements de capitaux récents sur la scène internationale, il est peu probable que le Maroc soit affecté par ces évolutions.
Les flux de capitaux surtout à court terme sont restés peu élevés pour le Maroc et l’expérience du "quantitative easing" et la liquidité importante qui en a découlé, démontre que le marché national est resté toujours à l’abri de ces mouvements.
L’étroitesse de notre marché boursier et sa faible liquidité sont peut-être à l’origine de ce désintérêt éprouvé par les investisseurs étrangers.    
Au contraire, le ralentissement de la croissance de l’économie chinoise, un des principaux consommateurs de matières premières, serait bénéfique pour le Maroc au moins à court terme.
Les prix du pétrole se sont établis à des niveaux bas en raison, partiellement, de la morosité de l’activité en Chine. Sur le premier semestre de 2015, les cours de pétrole ont amorcé un mouvement haussier avant de renverser la tendance à partir de juin, après la confirmation de la situation chinoise préoccupante et la chute des indices boursiers.
Sur ce plan, le Maroc a vu sa facture énergétique se contracter de 102 milliards en 2013 à 92 en 2014 et cette tendance devrait continuer sur les prochaines années, ce qui va alléger davantage la pression sur les réserves de change.
Sur le plan budgétaire, les dépenses de compensation ont reculé de 41,6 milliards à 32 milliards en 2014 et sur les 6 premiers mois de 2015, la baisse est encore plus importante, évaluée à 57%. Le repli drastique des cours pétroliers a permis au Maroc de réduire progressivement les subventions des produits pétroliers et a saisi l’occasion à partir de 2015 pour la suppression complète de ces dernières.
Au-delà du prix du pétrole, l’atonie de l’activité en Chine ne passerait pas sans effet sur les autres matières premières. Les prix des produits agricoles devront reculer en 2015, pour contribuer à réduire encore plus le déficit du compte courant.
-Quelles sont les opportunités qui s’ouvrent pour l’économie nationale ?
-A long terme, l’évolution de la Chine vers un nouveau modèle de croissance sera une opportunité pour l’économie nationale.
Le renforcement de la consommation intérieure, suite à l’augmentation du niveau de vie et le développement de la classe moyenne, devrait être saisi par le Maroc pour consolider sa présence sur le marché chinois.
Pour cela, il faudrait ajuster l’appareil productif national et diversifier l’offre d’exportation en direction de ce pays, à condition que des politiques publiques adaptées soient mises en œuvre.
Il est difficile en effet d’envisager une pénétration plus importante du marché chinois, avec la gamme de produit classique nationale (textile ou agro-alimentaire) où la Chine est dotée d’un avantage comparatif avéré.
Les nouveaux métiers du Maroc peuvent jouer le rôle de relais dans le cadre des chaînes de valeurs mondiaux, pour permettre un ancrage de l’économie marocaine avec celle chinoise à perspective économique certainement plus favorable que les partenaires européens.
Le secteur touristique peut se positionner en tant que locomotive et profiter du développement soutenu du nombre de touristes chinois.
Ce marché est devenu ainsi le plus grand émetteur de tourisme à l’échelle mondiale et ses dépenses avoisinent les 100 milliards de dollars en 2014, avec une dynamique positive qui ne risque pas de s’estomper dans les années à venir. Le défi pour l’économie marocaine et de développer et commercialiser une offre compétitive et adaptée aux spécificités au marché chinois.
Le 16 Septembre 2015
SOURCE WEB Par Médias 24

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