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La tragédie de Mina pose la question du statut des Lieux Saints

La tragédie de Mina pose la question du statut des Lieux Saints

La lenteur des secours, la désorganisation, le retard dans l'identification des corps, montrent une absence de maîtrise  

Les deux événements tragiques qui ont secoué le pèlerinage de cette année (chute d'une grue puis bousculade mortelle à Mina) posent en réalité le statut des Lieux saints de l'Islam et au premier rang desquels le sanctuaire de La Mecque, la Kaâba et ses environs.

Sous le coup de l'émotion, beaucoup de débats inutiles sont soulevés, contribuant à la cacophonie générale.

Les Lieux saints sont gérés par l'Arabie saoudite dont le Roi porte le titre de Serviteur des deux Lieux saints, et ce, depuis le défunt Roi Fahd.

Cette gestion implique des droits et confère une légitimité au Royaume saoudien mais également des devoirs.

Comme souvent dans des cas similaires, les autorités saoudiennes mettent en avant les moyens énormes déployés pour le hajj chaque année. Cette année, 100.000 soldats et policiers sont déployés pour assurer la sécurité des lieux et le déroulement des rites.

La tâche n'est pas aisée: les pèlerins sont de 200 nationalités différentes et parlent une centaine de langues. Comme en accueillir 2 millions en queslques jours, assurer leur sécurité, leur bonne santé, ainsi que le déroulement fluide des rites alors que plus de la moitié d'entre eux ne parlent ni comprennent les instructions en langue arabe?

Ceci, sans oublier les risques terroristes et ceux liés à la propagation d'épidémies comme celle du coronavirus.

Ces données montrent objectivement l'ampleur de la tâche. Et les autorités mettent régulièrement en avant les milliards de dollars dépensés en infrastructure, en organisation, en logistique, pour accueillir les pèlerins. Mais le pays n'a pas une obligation de moyens, il a une obligation de résultats. Et le résultat laisse à désirer, cette année.

Rien que l'organisation du camp de Mina, comme le montrent les photos aériennes, comporte des erreurs conceptuelles, avec des rues étroites et l'absence d'exutoire en cas de bousculade.

Le pèlerinage de cette année n'est pas le premier à connaître des incidents tragiques. Et le hajj à La Mecque n'est pas le seul rassemblement religieux au monde où surviennent des bousculades mortelles. Mais tout se passe désormais comme si c'était devenu intolérable, sous la loupe grossissante des réseaux sociaux.

Nous ne saurons jamais la vérité sur les circonstances réelles du drame de Mina, ni sur les responsabilités, car la commission d'enquête n'est pas indépendante et toute défaillance constatée éclaboussera directement la légitimité saoudienne à garder les Lieux saints. La plupart des médias saoudiens évoquent désormais un "complot terroriste" iranien.

Plusieurs pays et organisations islamiques ont saisi l'occasion pour poser la question du statut du sanctuaire de La Mecque, en demandant une internationalisation, soit des Lieux saints, soit de leur gestion.

L'Iran bien sûr, mais des pays africains et des organisations musulmanes.

Le Roi Hassan II avait été à notre connaissance le premier responsable contemporain à avoir soulevé publiquement cette question. C'était dans les années 80 lorsque des pèlerins iraniens organisés avaient provoqué des troubles devant la Kaâba. Il avait souhaité qu'un mandat juridique en bonne et due forme soit donné à l'Arabie saoudite. En d'autres termes, juridiquement parlant, la gestion des Lieux saints de l'Islam par l'Arabie saoudite doit etre reconnue et opposable à tous.

Effectivement, les critiques soulevées ici et là ne sont pas exemptes d'arrières pensées. Le pays qui contrôlera les Lieux saints en tirera une légitimité et une influence accrues. On a du mal à imaginer la Kâaba sous contrôle iranien. Comme on a du mal à imaginer une assemblée islamique internationale démocratiquement élue et gérant les Lieux Saints d'une manière neutre et indépendante. La Mecque, c'est le plus haut lieu du sunnisme, son berceau et son symbole suprême, son expression même, la gestion saoudienne reste le meilleur compromis, la seule solution pour le moment.

Les tragiques événements de cette année sonnent comme un avertissement adressé aux autorités saoudiennes. Elles savent désormais que d'autres incidents entâcheraient gravement sa légitimité, celle de gardien des Lieux Saints et celle de tout le Royaume.

Les autorités saoudiennes ont promis une enquête "rapide et transparente", à laquelle l'Iran, durement touché par la tragédie avec 131 morts, a exigé d'être associé.

Le roi Salmane a ordonné "un réexamen" de l'organisation du pèlerinage (hajj), l'un des plus grands rassemblements religieux annuels dans le monde, qui se termine samedi et auxquels quelque deux millions de personnes prennent part cette année.

Le 11 septembre, l'effondrement d'une grue sur la Grande mosquée à La Mecque avait déjà fait 109 morts et quelque 400 blessés parmi les fidèles qui commençaient à se rassembler avant le hajj.

A Mina, non loin de La Mecque, la foule était moins compacte vendredi pour la suite du rituel de la lapidation de Satan que la veille. Jeudi, au moins 717 personnes sont décédées et 863 ont été blessées dans le drame le plus meurtrier qui ait endeuillé le pèlerinage depuis 25 ans.

Soucieux de terminer le pèlerinage malgré tout, des fidèles s'adonnaient au rituel qui consiste à jeter des cailloux en direction de trois stèles, symbolisant Satan selon la tradition musulmane.

"Il n'y a pas de problème sur le site des stèles. Un bon système a été mis en place pour faciliter le mouvement" des pèlerins, expliquait Ahmed Awadh, un Egyptien. Un Syrien, Abdel Aziz, était plus fataliste: "Je m'en remets à Dieu. Je n'ai pas peur".

"C'est mieux organisé et il y a plus de contrôles" sur le site, a confirmé Aminu Abubakar, un reporter nigérian de l'AFP effectuant le pèlerinage et qui a survécu au drame pour avoir été en tête de la procession.

Certains pèlerins critiquaient toutefois la mauvaise gestion des déplacements des pèlerins rassemblés à Mina, une cité de tentes blanches. "L'Arabie saoudite dépense beaucoup d'argent pour le hajj mais l'organisation est défaillante", déclarait Ahmed, un autre pèlerin égyptien.

Des images vidéo diffusées jeudi ont montré de nombreux corps inertes jonchant le sol ainsi que des affaires personnelles éparpillées. "Les gens trébuchaient, tombaient, tentaient de se relever (...) et mouraient devant nos yeux", a témoigné Zaid Bayat, un homme d'affaires sud-africain, cité par l'agence de presse panafricaine ANA.

'Négligences'

Pays étranger le plus touché par le drame, selon un décompte encore partiel et provisoire puisque Ryad n'a pas encore fourni de chiffres des victimes par nationalité, l'Iran a vivement mis en cause l'Arabie saoudite, son rival régional, et dénoncé des failles dans la sécurité.

A New York où il doit participer à l'Assemblée générale de l'ONU, le président iranien Hassan Rohani a ainsi demandé au "gouvernement saoudien d'accepter ses responsabilités". Le premier vice-président iranien, Es-hagh Jahanguiri, a estimé que "des pays comme l'Iran, qui ont beaucoup souffert, doivent avoir leurs représentants dans l'enquête". "Il n'y a aucun doute sur la mauvaise gestion et le manque d'expérience des responsables (du hajj)".

Alors que le chargé d'affaires saoudien à Téhéran a été convoqué pour la seconde fois en deux jours au ministère iranien des Affaires étrangères, une manifestation a eu lieu après la prière du vendredi dans la capitale iranienne pour dénoncer un "régime malveillant et incompétent" selon un communiqué d'un Conseil qui organise les manifestations officielles.

En Turquie, un dirigeant du parti islamo-conservateur, au pouvoir à Ankara, a dénoncé "les négligences" des Saoudiens et proposé que son pays organise le hajj car "les lieux saints de l'Islam appartiennent à tous les musulmans"

Mais le président turc Recep Tayyip Erdogan a pris la défense de Ryad en se dissociant des "déclarations hostiles à l'Arabie saoudite".

Dans un communiqué, le président nigérian Muhammadu Buhari, dont le pays déplore trois morts, a "exhorté le roi Salmane à s'assurer qu'une enquête minutieuse et approfondie identifiera d'éventuelles carences dans l'organisation du hajj (...)".

En recevant vendredi les chefs des délégations officielles des pays islamiques au hajj, le souverain saoudien a, lors d'une allocution télévisée, passé sous silence la bousculade de Mina tout en soulignant son souci d'assurer "la sécurité des pèlerins".

Comme le Nigeria, certains gouvernements ont fait état du nombre des pèlerins décédés, dont l'Inde (14), l'Egypte (14) ou le Pakistan (7).

Le Niger a annoncé qu'au moins 19 Nigériens avaient trouvé la mort dans la bousculade et que 50 étaient portés disparus.

Le hajj est l'un des cinq piliers de l'islam que tout fidèle est censé accomplir au moins une fois dans sa vie s'il en a les moyens. Près de deux millions de fidèles, dont 1,4 million venus de l'étranger, y participent cette année.

Le 26 septembre 2015
SOURCE WEB Par Médias 24

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