TSGJB BANNER

JO de Pékin 2022: l'image de la Chine bonne élève face au Covid va-t-elle voler en éclats?

JO de Pékin 2022: l'image de la Chine bonne élève face au Covid va-t-elle voler en éclats?

Alors que les JO d'hiver débutent ce vendredi 4 février, la stratégie du "zéro Covid" de Pékin pourrait être mise à mal par le variant Omicron, au moment même où le monde aura les yeux tournés vers la Chine.

Alors qu'elle se repose depuis le début de la pandémie de coronavirus sur une stratégie "zéro Covid", la Chine pourrait rencontrer des difficultés avec les JO d'hiver, qui débutent le 4 février (photo d'illustration prise le 19 janvier à Pékin).

JEUX OLYMPIQUES DE PÉKIN - Un peu plus de 100.000 cas et 4636 décès sur une population d′1,4 milliard d’individus. Voici le bilan de la pandémie de covid-19 en Chine, à en croire les chiffres communiqués par les autorités de Pékin. Le résultat d’une stratégie assumée, celle du “zéro Covid”, qui pourrait être remise en cause à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver qui se déroulent dans la capitale chinoise du 4 au 20 février.

Après la propagation du nouveau coronavirus dans la région de Wuhan, début 2020, la Chine a effectivement tout fait pour empêcher une plus large transmission. Et cela en allant jusqu’à confiner des millions de personnes de manière stricte dès l’apparition des premiers cas dans une ville, le tout suivi de campagnes de dépistages obligatoires et intensives, de désinfections massives, ainsi que de mesures de restriction parmi les plus strictes au monde. Et au vu de l’excellent bilan chiffré qu’elles communiquent, les autorités chinoises peuvent se targuer d’avoir une approche bien plus efficace que ses rivaux géopolitiques.

Mais à l’heure d’Omicron, qui se transmet plus rapidement qu’aucun autre variant jusqu’à présent, cette stratégie commence à montrer des limites. La preuve avec la hausse récente -certes toute relative comparée au nombre de cas relevés quotidiennement en France par exemple- des contaminations et la multiplication des foyers d’infection. Des cas positifs par dizaines qui ont contraint Pékin à prendre des mesures drastiques dans certaines régions: confinement des 13 millions d’habitants de Xi’an, contrôles renforcés par les douanes, marchandises importées testées...

Omicron trop contagieux pour être contenu?

Surtout, avec les regards de toute la planète braqués sur Pékin à l’occasion des JO d’hiver et le passage de milliers de voyageurs internationaux dans la capitale pour prendre part à l’événement, le risque pour la Chine est réel de voir son modèle pris à défaut en Mondovision. Et cela même s’il n’y aura pas de public pour assister aux épreuves, puisque des milliers d’athlètes, leur staff et quelques proches voyageront tout de même dans le pays.

“C’est une crainte très, très importante”, confirme au HuffPostMarc Julienne, spécialiste de la Chine à l’Ifri (Institut français des relations internationales). “Il y a d’ores et déjà une résurgence de l’épidémie, notamment à Pékin, et le variant Omicron est présent sur le territoire.” Envisageant la possibilité que les bulles sanitaires mises en place sur les sites olympiques ne “résistent pas” à la transmissibilité accrue du variant, le chercheur imagine ainsi que la stratégie du “zéro Covid” ne tienne pas. Ce qui va dans le sens de l’analyse de Tulio de Oliveira, virologue sud-africain parmi les premiers à avoir identifié Omicron.

Dès lors, plusieurs problèmes se posent, à commencer par le risque d’une explosion des contaminations au sein d’une population qui n’a pas développé d’immunité en étant contaminée par le virus, et avec un système hospitalier qui n’a pas encore éprouvé de submersion. Pour l’heure, si la Chine est parvenue à circonscrire la circulation du sars-CoV-2, c’est parce qu’elle a su allouer des moyens médicaux colossaux et mettre en branle des restrictions avec une réactivité remarquable. Mais qu’en serait-il si un variant beaucoup plus transmissible causait subitement des centaines de cas, dans différents endroits du pays? Les modélisations chinoises sont loin, très loin d’être optimistes pour le système de santé national.

À rebours de l’Histoire

À cette interrogation, il est légitime d’en ajouter une autre: quelle protection offrent réellement les vaccins chinois face à Omicron? Dans le monde occidental, les sérums à ARN messager ont prouvé qu’ils n’étaient pas très efficaces pour endiguer la propagation du variant. En revanche, ils demeurent des remparts solides face à l’hospitalisation et a fortiori au décès, la proportion grandissante de non-vaccinés en soins critiques ne cessant d’étayer cela.

À l’inverse, les premières études sur les vaccins chinois ne livrent aucunement de résultats aussi encourageants. Des chercheurs d’Hong Kong ont ainsi présenté des éléments préliminaires en décembre montrant que trois doses du vaccin Sinovac ne semblent pas en mesure de répondre à Omicron. Et il en va de même pour la dose de rappel de Sinopharm, qui fait preuve de résultats en nette régression face à ce nouveau variant par rapport aux précédents.

En plus, les efforts que déploie la Chine pour maintenir son verrou sanitaire et empêcher le moindre début de propagation semblent aller à contre-courant de l’Histoire, comme le décrivait récemment Le Monde. Ainsi, pendant que les pays occidentaux lèvent progressivement leurs restrictions, la Chine se coupe du monde et s’enferme dans une “surenchère sanitaire”, n’hésitant pas à paralyser des centres économiques majeurs dès l’apparition du moindre de cas de Covid. Au point que certains observateurs internationaux parlent déjà de la stratégie du “zéro Covid” comme d’une impasse dans laquelle la Chine se précipite à cause de l’entêtement de ses dirigeants.

Sauver la face, au moins nationalement

Mais d’après les spécialistes du pays, même en cas de série de contaminations liée aux JO et à Omicron, les autorités chinoises auront une réponse toute faite. “Ce qui est certain, c’est que la Chine court le risque d’une hausse de cas et que cela soit vu. Mais elle pourra de toute façon dire que ce sont les étrangers qui ont amené le virus”, affirme à cet égard Camille Brugier, chercheuse à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire. “Et en ce sens, il n’y a pas de vrai risque de remise en cause interne de la manière dont elle gère le Covid.”

Un avis corroboré par Marc Julienne, de l’Ifri, au vu de l’évolution de la pandémie. “Quand le variant Omicron a été découvert à Pékin en janvier, c’était dans un centre de poste. Et immédiatement, il y a des accusations dirigées vers l’étranger, notamment contre un colis en provenance des États-Unis”, raconte-t-il.

Une manière de reporter la faute sur l’adversaire géopolitique majeur de Pékin, qui a cours depuis les premières heures de la pandémie. “Dès le début de la crise, les Chinois ont accusé les États-Unis d’avoir importé le virus chez eux”, relate encore Marc Julienne. “Ils racontent que les Américains ont conçu le Covid dans un laboratoire, Fort Detrick, et que celui-ci a ensuite été importé en Chine au moment des Jeux militaires (une version des JO réservée aux militaires, dont la dernière édition a eu lieu à Wuhan en octobre 2019, ndlr).” Un contre-feu qui ne convainc guère les scientifiques, mais qui permet à la Chine de garder la face, au moins au niveau domestique.

Car en faisant du courrier ou des marchandises importées de possibles vecteurs de contamination, la Chine entretient au sein de sa population une paranoïa bien utile pour justifier les mesures sanitaires drastiques qu’elle impose. Indispensable dans une année qui doit voir, en octobre, Xi Jinping prolonger de cinq ans son bail à la tête du pays. Voilà qui justifie aux yeux de Pékin un isolement vis-à-vis de l’étranger qui dure, et qui ne fait que complexifier une future réouverture dans un monde qui sera alors largement résistant au Covid.

Le 1 février 2022

Source web par : huffingtonpost

Les tags en relation

 

Les articles en relation