La souveraineté européenne en test à Washington
Emmanuel Macron à Washington se présente sous les meilleurs auspices. Il s’agit de la deuxième du genre pour le président français, un honneur inédit sous la Ve République. Surtout, elle positionne le chef de l’Etat comme le leader naturel d’une Europe qui cherche à consolider son partenariat avec les Etats-Unis.
Le voyage s’annonce plus compliqué sur le fond des dossiers. La mission d’Emmanuel Macron consiste à présenter à Joe Biden les doléances de l’Union européenne (UE) au moment où elle est tiraillée entre sa dépendance de fait vis-à-vis de Washington et ses velléités légitimes de souveraineté.
Si le conflit en Ukraine a montré un alignement sans faille entre les deux alliés, il en va différemment sur le plan économique. L’adoption en août d’un gigantesque paquet de subventions pour attirer aux Etats-Unis les investissements nécessaires à la transition énergétique constitue une menace pour l’industrie européenne déjà fragilisée par la perte de compétitivité liée à la crise énergétique. « Des choix qui vont fragmenter l’Occident », prévient Emmanuel Macron.
L’UE est fondée à protester contre ce protectionnisme flagrant qui contrevient aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Mais, dans un monde où les préoccupations sécuritaires et stratégiques prennent le pas sur le multilatéralisme, les Européens ne sont pas les mieux armés pour faire respecter leurs intérêts.
Etroitesse des marges de manœuvre
Ceux-ci pèsent bien peu face aux deux préoccupations actuelles des Etats-Unis : la rivalité avec la Chine et la polarisation de la société américaine, que Joe Biden tente de surmonter grâce à une politique protectionniste. Dans ce contexte, les règles équitables dans les échanges mondiaux sont en voie d’obsolescence, et le président français n’a pas tort lorsqu’il affirme qu’il existe un risque que « la France et l’Europe deviennent une variable d’ajustement ».
Si la phrase est offensive, elle décrit malheureusement en creux l’étroitesse des marges de manœuvre européennes. D’abord, difficile de critiquer les Etats-Unis au moment où ils se donnent enfin les moyens d’atteindre leurs objectifs climatiques. Ensuite, l’UE est bien en peine d’élaborer une riposte à l’offensive américaine, sans renier ses principes de libre-échange et d’ouverture sur le monde.
Déclencher une guerre commerciale au moment où le camp occidental a besoin d’unité n’est pas la meilleure option. Le processus serait long et les résultats aléatoires, d’autant plus que les Etats-Unis paralysent le mécanisme d’arbitrage de l’OMC. Répliquer avec les mêmes armes, c’est-à-dire en instaurant une sorte de « Buy European Act », comme le propose le président français, ne paraît pas plus plausible, étant donné le manque de consensus sur le sujet au sein des Vingt-Sept. Faute d’autonomie stratégique dans de nombreux domaines, l’Europe sait qu’elle ne peut pas déployer les barbelés commerciaux le long de ses frontières sans déclencher des mesures de rétorsion aux effets désastreux.
La pandémie, la crise énergétique, la menace russe aux portes de l’Europe ont su provoquer un réflexe de solidarité au sein de l’UE, tout en faisant progresser dans les esprits la nécessité d’une Europe souveraine. Sauf que celle-ci ne se décrète pas. Elle se construit à partir d’intérêts communs que chacun doit défendre, parfois au détriment des siens propres. Les dossiers plaidés à Washington constituent un test crucial pour savoir si les Européens ont atteint ce degré de maturité et sont enfin prêts à faire leur aggiornamento. Finalement, dans ce voyage, Emmanuel Macron s’adresse davantage à ses partenaires européens qu’à Joe Biden lui-même.
SOURCE WEB PAR LEMONDEom
Les tags en relation
Les articles en relation
3 mythes sur les médias imprimés
À ceux qui se demandent si les guides et outils imprimés en tourisme sont à l’agonie, la réponse est non. Lors de la conférence de Travel and Tourism ...
Pétrole: bientôt une contre-Opep, rassemblant les pays importateurs en Europe et aux Etats-Unis?
Et si les Occidentaux instituaient, en quelque sorte, leur propre organisation des pays importateurs de pétrole? Des discussions préliminaires entre les Etats...
Virus: l’Inde, avec plus de 4.000 morts par jour, toujours confrontée à la plus forte flambée d
L'Inde, avec plus de 4.000 morts en 24 heures, pour la première fois depuis le début de l'épidémie, reste plus que jamais confrontée à la plus for...
COP26 : La participation des pays du Sud n’est pas garantie
La participation des délégations des pays du Sud est mise à rude épreuve pour la COP26. A deux mois de la tenue de l’important sommet international sur le...
L’administration Trump impose une nouvelle restriction aux voyageurs en provenance de l’aéropor
Donald Trump, président des Etats-Unis continue de faire parler de lui. Son administration vient de confirmer ce mardi 21 mars vouloir imposer de nouvelles res...
A-t-on besoin d’un ministère du Tourisme ? Ahlam Jebbar
La question peut paraître audacieuse voir provocante et pourtant elle est bel et bien d’actualité. Hier, mercredi 21 juin, en France, Emmanuelle Macron d...
Lalla Joumala, ambassadeur du Maroc à Washington, reçue par Trump
Le président américain, Donald Trump, a reçu, lundi à la Maison Blanche, la princesse Lalla Joumala, qui lui a présenté ses lettres de créance en tant qu...
L’extrême droite espagnole met en place un plan contre la «marocanisation» de Sebta et Melilla
Le chef du parti d’extrême droite espagnol a peur que la démographie galopante des Marocains dans les présides occupés n’oblige les Espagnols à rentrer...
Maroc-UE : L’accord agricole examiné dans un mois
Le procès en appel sur l’accord agricole Maroc-UE débutera le 19 juillet prochain au niveau de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Cette pre...
Nombreux hommages à l'ex-président américain Georges H.W. Bush après son décès
Nombreux hommages à l'ex-président américain Georges H.W. Bush après son décès Du monde de la politique à celui des affaires en passant par Hollyw...
L'Accord de Paris sur le climat pourrait entrer en vigueur après la COP22 à Marrakech
Huit mois après son adoption à Paris par 195 pays, l'accord "historique" pour lutter contre le réchauffement de la planète est en cours de ratification:...
Le Brexit validé par le gouvernement britannique
La cheffe du gouvernement a réussi à convaincre les 22 ministres de son gouvernement d'entériner l'accord sur le Brexit. Mais elle est encore loin d&...