#Tourisme_France_dans_la_surchauffe: Jean-Pierre Mas (EdV): "Nous étions déjà à genoux... le gouvernement vient de nous donner le coup de grâce !"
Le tourisme a connu un nouveau week-end noir. Les agents de voyages n'ont pas eu à rapatrier des milliers de Français éparpillés sur tous les continents, mais ont dû faire quand même face à une énième vague d'annulations massives. Si Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage, dénonce une décision qui met à terre la profession, pour Richard Vainopoulos, le président de Tourcom, l'Etat devra supporter les coûts liés aux annulations et remboursements.
TourMaG.com - Etiez-vous au courant de la décision prise par le gouvernement d'interdire le voyage ?
Jean-Pierre Mas : Il n'y avait aucune concertation, ni discussion préalable, à une telle décision. Nous n'avons eu aucun échange sur le sujet et plutôt une surprise malheureuse.
Les professionnels ont vécu un week-end durant lequel, il y a eu un fort flux d'annulations, notamment pour les opérateurs en ligne et physiques, qui étaient ouverts.
Il y a tout de même une très forte envie de s'aérer, quelques personnes ayant trouvé les moyens de contourner la mesure, en partant depuis Barcelone pour se rendre en République dominicaine. C'est assez facile.
Richard Vainopoulos : Le plus compliqué a surtout été samedi matin, afin de donner des consignes aux clients. Nous en avons fait partir certains ce lundi, au lieu du dimanche.
La décision est agaçante, pour les quelques clients que nous avons.
C'est un peu comme si nous avions annoncé aux restaurateurs, en mars 2020, que leurs établissements fermeraient du jour au lendemain et qu'ils devraient non seulement jeter la nourriture. Nous, nous jetons aussi les clients.
La décision est brutale, au regard des chiffres de l'épidémie. Le nombre de cas reste relativement constant, même s'il est à un niveau haut, il n'augmente pas.
Il aurait été bien que nous soyons au courant d'une telle décision quelques jours avant, car c'est énorme. Derrière nous avons des frais à sortir.
"Réclamer au gouvernement les montants des commissions et des frais subis"
TourMaG.com - Une fois de plus et comme lors du second confinement, la décision devrait favoriser les agences en ligne, car les clients prendront leurs billets pour se rendre à l'étranger ?
Jean-Pierre Mas : Vous savez, si un client me demande, je n'aurais pas d'état d'âme de lui vendre un billet entre Barcelone et Punta Cana.
Je ne vois pas pourquoi une agence refuserait alors de vendre un billet avec un départ depuis l'étranger, car ce serait même un refus de vente.
Attention, nous parlons là d'une position marginale, la plupart des voyageurs, ceux qui partaient hors Europe, ont annulé leurs voyages.
TourMaG.com - Peut-on parler d'annulation massive ?
Jean-Pierre Mas : Contrairement à ce que vous pouvez penser, le nombre de départs pour février est quand même conséquent, puisque nous tournons à cette période entre 25 et 30% de l'activité normale.
Avec une telle décision, nous allons passer à 5%, il ne restera que quelques voyages en Europe. Puis le climat anxiogène pour voyager en Europe, n'incitera pas à voyager, même pas en Grèce ou aux Canaries.
TourMaG.com - Quelle décision avez-vous prise chez Tourcom pour les clients qui devaient partir en février ?
Richard Vainopoulos : Nous annulons sans frais.
Par contre je me suis mis d'accord avec les instances, que ce soit les EDV et le SETO, pour réclamer au gouvernement les montants des commissions et des frais que nous allons subir.
Une action aura lieu pour faire cette demande auprès de l'Etat. Nous sommes fermés administrativement, mais sans le dire, avec la fermeture des frontières, donc il faut un engagement du gouvernement.
Il faut se souvenir, qu'en mars 2020, quand nous avons dû rapatrier tous les clients en 24h, les agences ont mis de l'argent de leur poche et nous n'avons reçu aucune aide.
Les consulats et ambassades ne nous ont pas aidés financièrement, contrairement à ce qu'ils disent. Les vols ne seront pas annulés, je pense, il n'y a pas de risque pour rentrer en France.
Après les compagnies aériennes ont considérablement réduit leurs capacités, ces derniers mois.
Selon moi, il n'y aura pas de reprise avant mars ou avril, cela dépendra aussi de la vaccination, mais il faut aussi savoir que des destinations sont à bout de souffle.
Ainsi, des pays vont rouvrir, pour relancer la machine.
"Je réitère que le virus ne se transmet pas par le passage des frontières"
TourMaG.com - Aux EDV, êtes-vous inquiets pour le secteur ?
Jean-Pierre Mas : Je suis inquiet, car je trouve que ces décisions ne résultent pas d'une réflexion approfondie, rien ne prouve que le passage des frontières soit un facteur de transmission du virus.
D'ailleurs, il y a 3 mois, Marine le Pen demandait au gouvernement de fermer les frontières, les Ministres avec au premier rang desquels Olivier Véran, lui ont rétorqué qu'une telle décision serait stupide.
Comment se fait-il que Marine le Pen avait tort, il y a 3 mois, et que maintenant le gouvernement se range derrière cet argument ?
Je ne comprends pas et d'ailleurs je réitère que le virus ne se transmet pas par le passage des frontières, mais par promiscuité et capillarité sur le territoire. Il s'en moque des frontières !
Deuxièmement, il y a un autre niveau de stupidité dans cette mesure. Les tests exigés lors du franchissement des frontières en Europe, ont une valeur scientifique et sanitaire, mais ils n'ont plus de valeur lorsqu'ils viennent d'un pays hors de l'Europe.
C'est inexplicable, que ce soit d'un point de vue scientifique, médical et sanitaire.
Nous sommes dans un gouvernement qui réagit en mode panique et qui souhaite faire oublier le retard par rapport à la campagne de vaccination en fermant les frontières.
TourMaG.com - Quels seront vos leviers pour aider les entreprises du secteur ?
Jean-Pierre Mas : Nous ne ferons pas changer d'avis le gouvernement sur la fermeture des frontières, même si nos arguments sont valables.
Il faut d'une part maintenir et renforcer les aides, c'est ce à quoi nous travaillons.
Nous allons notamment accentuer sur la nouvelle aide concernant les pertes d'exploitation et la prise en charge des frais fixes, afin de supprimer le seuil d'un million d'euros de chiffre d'affaires, pour que toutes les entreprises y aient accès.
Puis nous allons demander un maintien du fonds de solidarité au niveau actuel, le chômage partiel à 100%. Nous souhaitons aussi que le gouvernement tape sur la tête des banques.
Le secteur ne doit plus être blacklisté, au niveau des PGE. Les demandes ou les compléments de PGE sont quasi systématiquement refusés, car les banques considèrent que le voyage est un secteur à risque.
Les avoirs : "nous allons ouvrir la discussion sur le sujet avec le gouvernement"
TourMaG.com - Le secteur du voyage est vraiment pris dans la nasse, avec d'un côté le gouvernement qui interdit le voyage à l'étranger, de l'autre les banques qui ne veulent plus prêter d'argent, et les assureurs qui ne souhaitent plus prendre de risque...
Jean-Pierre Mas : Ne mettons pas tout au même niveau.
Les difficultés dont nous parlions un peu plus haut sont très graves. Nous étions déjà à genoux et le gouvernement nous assène le coup de grâce. Ce n'est jamais confortable...
Au niveau de la responsabilité civile, il existe des solutions pour ceux qui auraient perdu leur assurance. Après il y a le problème, des nouveaux entrants qui ne trouvent pas de garantie. Sur ce point nous avons alerté le gouvernement également.
Il faut trouver une solution, car la directive européenne interdit de mettre une barrière à l'entrée pour les nouveaux entrants dans un secteur économique.
TourMaG.com - Vous en appelez au gouvernement, afin qu'il prenne ses responsabilités par rapport à l'APST ?
Jean-Pierre Mas : Oui, car c'est lui qui a interdit à l'APST de prendre des nouveaux entrants.
Il existe une autre source de préoccupation pour les agences de voyages, car les titulaires d'avoirs voudraient partir mais ne peuvent pas. C'est une source de préoccupation importante.
Nous n'avons pas encore ouvert de discussion avec le gouvernement à ce sujet, car jusqu'à vendredi nous avions un espoir. Maintenant, nous allons l'ouvrir.
TourMaG.com - Comment voyez-vous les prochaines semaines pour vos agences ?
Richard Vainopoulos : Calmes... Après je leur conseille d'ouvrir en fonction de leurs possibilités et clientèles, mais surtout il faut réserver pour le futur.
Il faut prendre des réservations, des dossiers et des risques. L'activité repartira, un jour ou l'autre. Il faut être disponible pour la clientèle qui sera, dans un 1er temps, haut de gamme.
Nous bénéficions d'un retour des clients déçus d'internet, donc nous devons être disponibles et prêts, même si nous ne sommes pas rentables.
Attention, nous parlons du tourisme, car c'est le plus visible. Mais nous oublions tout l'écosystème. Si nous ne vendons pas d'hôtels et de restaurants derrière, c'est tout une économie qui s'écroule. De la location de voiture aux agriculteurs, c'est un cercle vicieux qui se met en place.
Ce n'est pas seulement le tourisme qui est touché, mais l'ensemble de l'économie.
Le 1 Février 2021
Source web Par : tourmag
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