"Une technique déjà utilisée par les Romains" : comment des nappes phréatiques sont rechargées en eau près de la Garonne
Une expérimentation de recharge maîtrisée des nappes phréatiques a commencé en Haute-Garonne. L’objectif : trouver des solutions alternatives pour stocker l’eau l’hiver et l’utiliser l’été. C’est l’un des projets les plus importants menés actuellement en Europe.
"Injecter de l’eau l’hiver pour réalimenter les nappes phréatiques et soutenir l’été le débit naturel de l’un des plus grands fleuves français. Est-ce une vraie ou une fausse bonne idée ?". L’avenir le dira ! C’est en effet tout l’enjeu de l’expérimentation baptisée "R’Garonne" qui est actuellement menée près de Cazères (Haute-Garonne), comme nous l’explique Yann Oudard, directeur général adjoint des services techniques de Réseau31, service public de l’eau de Haute-Garonne, qui est à la manœuvre avec le BRGM, le service géologique national.
"La technique est ancienne. Elle était déjà utilisée par les Romains, et elle est maîtrisée en Israël, en Australie et aux Etats-Unis" précise l’expert. Le projet est né d’un constat : le bassin Adour-Garonne, l’un des trois grands bassins versants d’Occitanie, est impacté à la fois par une croissance régulière de sa population et de ses besoins en eau, qu’ils soient domestiques, industriels ou agricoles, et par les conséquences du changement climatique sur ses cours d’eau. En 2022, la Garonne n’est sortie de son débit minimal que le 24 novembre, soit l’étiage le plus long de son histoire récente.
"Où et quand l’eau injectée va-t-elle ressortir ?"
L’idée de recharger artificiellement les nappes phréatiques est relativement simple : imaginons une goutte d’eau. L’hiver, au lieu d’être laissée dans le fleuve alors que son débit est au plus haut, elle sera déviée de la Garonne via le canal de Saint-Martory existant, puis dirigée vers des nappes phréatiques grâce à des canaux réhabilités pour l’occasion, pour enfin poursuivre tranquillement son odyssée sous la terre et revenir dans la Garonne, si possible l’été, lorsque le fleuve est au plus bas. Sachant que l’eau stockée dans les nappes phréatiques s’évapore beaucoup moins qu’en surface.
"On ne sait pas encore précisément où l’eau injectée va ressortir, ni quand, souligne Yann Oudard. Sa vitesse de circulation sera cruciale : à la surface, l’eau peut parcourir plusieurs dizaines de kilomètres par jour, alors que sous la terre, elle s’écoule à raison de quelques dizaines de mètres par jour seulement. Or là, notre bulle d’eau aura environ 40 kms à effectuer. Si on l’injecte en novembre et qu’elle ressort en juin, c’est intéressant mais c’est un peu tôt. On préférerait qu’elle ressorte en août ou en septembre".
"Nous y allons prudemment"
Si plusieurs projets similaires de recharge maîtrisée des nappes phréatiques sont actuellement menés en France, "celui-ci est l’un des plus importants d’Europe, avec une zone d’étude de 100 km2 et des objectifs très ambitieux d’infiltration".
Cette expérimentation à caractère scientifique et technique doit coûter 1,87 million d’euros et durer quatre ans, avec les soutiens de l’Agence de l’Eau, de la Région Occitanie et du Conseil Départemental de Haute-Garonne. "Nous allons tester plusieurs techniques d’infiltration d’eau. En soi, les travaux à mener sont relativement simples puisque l’on s’appuie essentiellement sur des ouvrages et des équipements existants. Mais nous avançons prudemment, du fait des incertitudes scientifiques mais aussi pour préserver l’environnement et nous assurer de la qualité de l’eau infiltrée".
Si les résultats s’avèrent concluants, une phase opérationnelle de réalimentation permanente sera alors engagée. Et d’autres projets pourraient voir le jour, en Occitanie et au-delà. Car partout se pose désormais de manière accrue la question sensible du stockage de l’eau, à l’heure où les besoins en eau augmentent et la ressource diminue en raison du réchauffement climatique.
Une grande concertation sur l’eau dans notre région
Dans le cadre de son nouveau Plan eau régional qui doit être adopté cette année, la Région a lancé une consultation citoyenne. L’objectif est de recueillir les actions et bonnes pratiques mises en œuvre par les citoyens en matière de gestion durable de l’eau, que ce soit pour faire des économies d’eau ou pour sa réutilisation. Les citoyens d’Occitanie ont jusqu’au 22 mars pour y participer. En Occitanie, 1,6 milliard de m3 d’eau sont prélevés en moyenne chaque année : 42% sont dédiés à l’agriculture, 38% à l’eau potable et 20% à l’industrie.
Le 11 Mars 2023
Source web par : midilibre
Les tags en relation
Les articles en relation
Le Maroc face à la pire sécheresse de son histoire
Le Maroc est en train de succomber à une sécheresse longue de plusieurs années. Après avoir asséché les puits dans les campagnes, elle menace les villes. ...
Migration inhabituelle : Des rapaces africains repérés en Andalousie
Dans le sud de la péninsule ibérique, en Andalousie, l'observation de trois espèces de rapaces originaires d'Afrique ces derniers mois vient enrichir...
COP25 : "Les Etats essaient de se donner bonne conscience"
Le sommet international sur le climat s'ouvre lundi à Madrid, alors que ces derniers mois les jeunes Européens se sont fortement mobilisés, multipliant l...
La menace croissante du changement climatique : des régions entières pourraient devenir inhabitabl
Notre chère planète bleue, la Terre, est confrontée à des défis sans précédent alors que les effets du changement climatique s'intensifient. Une réc...
Les crises alimentaires risquent de se multiplier dans le monde, selon l'ONU et l'UE
Une "multiplication des crises alimentaires" est à craindre dans différents endroits du monde, sous l'effet de plusieurs facteurs simultanés, démographi...
Biodiversité : un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco sur cinq menacé par le changeme
Outre le réchauffement climatique, les sites naturels de l’Unesco sont notamment victimes de l’agriculture, du braconnage, de la surexploitation des ressou...
Lutte contre le réchauffement climatique Le Fonds vert pour le climat approuve le financement de 19
Avec ces nouveaux financements au profit des pays en développement, le Fonds vert pour le climat aura approuvé, depuis le début de 2018, 42 nouveaux projets ...
Ressources en eau Un atlas hydrologique du Maroc pour 2019
Cet atlas contiendra, entre autres, des cartes sur la distribution des précipitations et leur intensité, les bassins versants, le réseau de suivi de la quali...
150.000 hectares mobilisés par l’Etat pour le projet Xlinks dans la région de Guelmim-Oued Noun
Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a annoncé une enveloppe de 3 milliards de livres, destinée à soutenir le déploiement d'infrastructures d...
Ce qu’il faut savoir sur le changement climatique et la sécheresse
Le changement climatique et la sécheresse sont-ils liés ? Nous avons posé la question à Richard Damania, économiste en chef de la Banque mondiale pour le d...
Le Forum de Malte : tremplin de la Reprise de l’élan touristique...
Après une absence de deux ans suite à la pandémie du Covid-19, la 7ème édition du Forum Méditerranéen du tourisme s’est déroulée du 13 au 15 Juin 202...
Fin du pétrole : l'OPEP tente de torpiller la COP28
A quatre jours de la fin des négociations de la COP28, le secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a demandé dans ...