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« Pour être durables, les villes africaines doivent être bâties à partir de modèles intrinsèques »

« Pour être durables, les villes africaines doivent être bâties à partir de modèles intrinsèques »

ENTRETIEN. La 18e biennale d’architecture de Venise a mis l’Afrique et ses diasporas à l’honneur. L’architecte ivoirien Issa Diabaté y a fait entendre et voir ses idées.

Issa Diabaté a fondé à Abidjan, avec Guillaume Koffi, l'un des plus grands cabinets d'architecture du continent. Il est avec succès l'un des nouveaux chefs de file de la création et de l'amélioration de l'urbanisme africain. Sa démarche est enrichie par sa détermination à confondre les dimensions symboliques, sociales et historiques propres à chaque Afrique aux besoins pressants de développement durable. Ce sont pour ses multiples atouts que son amie Lesley Lokko a invité Issa Diabaté, à la 18e édition de la biennale d'architecture de Venise. La commissaire ghanéenne écossaise fait sensation avec des propositions recentrées sur les cultures africaines et leurs diasporas autour du thème « Décolonisation et décarbonisation ». Un dialogue plein de richesses, de lumière et de promesse pour le développement du continent à travers des exposants en provenance du Ghana, d'Afrique du Sud, Tunisie, Nigéria, Burkina Faso, Kenya, Niger, Rwanda et Côte d'Ivoire. Issa Diabaté a accueilli Le Point Afrique pour raconter le laboratoire vénitien.

Le Point Afrique : la 18? biennale d'architecture de Venise a choisi de mettre l'Afrique en vedette. Que représente pour vous cette mise en lumière ?

Issa Diabaté : La mise en lumière de l'Afrique à cette biennale représente pour moi une forme de prise de conscience du fait que le monde est multipolaire. Une Afrique sous-industrialisée présente l'opportunité de faire différent. Une forme de laboratoire qui serait en mesure de montrer à l'humanité la voie d'un développement vertueux.

Avez-vous défini les critères de la réussite de cette biennale avec Lesley Lokko ?

Les critères mis en avant par Lesley sont en fait nés de discussions qui ont cours entre architectes du continent depuis plus d'une dizaine d'années déjà. Nous faisons face à des défis inédits auxquels seuls nous, architectes africains, pouvons apporter des réponses durables. Les mettre en avant dans une biennale nous apporte de façon académique et conceptuelle des pistes de réponse à ces défis.

Quels sont ces défis ?

Les défis auxquels nous faisons face sont, entre autres, la croissance démographique, en 40 ans, Abidjan est passée de 1 à 6 millions d'habitants ; la gouvernance inadaptée de l'espace publique, les gouvernants sont plus souvent en réaction plutôt qu'en prospection ; mais aussi l'adoption et l'intégration de nouveau systèmes tels que la durabilité et le numérique. En effet, le mobile money par exemple à un taux de pénétration nettement plus important que la bancarisation, à l'image du téléphone mobile.

Vous-même, qu'allez-vous proposer ?

En tant que Koffi et Diabaté, nous proposons un manifeste qui définirait un nouveau contrat entre la ville, ses citoyens et les modes de gouvernance. Bâtir la ville à partir de son élément originel, c'est-à-dire le village, permettrait d'adopter des modes de gouvernance de proximité. Nous optons pour une agglomération contenue, où il est possible de faire toutes ses activités quotidiennes sans utiliser d'objets motorisés. Ce qui a un énorme impact sur la mobilité, et par ricochet sur la pollution et les besoins en énergie. Dans ce model urbain, l'énergie et une bonne partie des besoins en alimentation seraient produits sur place.

Je vous invite à aller voir notre proposition pour la biennale qui s'appelle Ebrah Village.

Il faut dont concevoir l'urbanisme, l'architecture comme un acte artistique à part entière ?

Si l'architecture est un art, l'urbanisme l'est aussi. Mais l'un et l'autre sont des arts un peu particuliers qui s'appuient sur des disciplines hétérogènes pour créer une œuvre homogène. Il ne peut y avoir d'urbanisme pertinent sans sociologie, sans ingénierie, sans esthétique. Aujourd'hui s'ajoutent à ces critères d'autres comme la durabilité et l'impact.

Comment a évolué votre vision de l'aménagement des villes d'Afrique de l'Ouest ?

Espace ? Développement durable ? Intégration culturelle ? Quels sont les concepts qui guident votre œuvre ?

Notre œuvre est avant tout guidée par le contexte. Nous travaillons dans un environnement ou les défis sont multiples. Il est important, de façon structurée, d'imaginer des réponses tangibles aux défis qui nous entourent. Être architecte développeur nous autorise à toucher dans le même temps du doigt un ensemble de problématiques et de répondre à des questions sociologiques, économiques, techniques, environnementales, urbaines, culturelles et surtout esthétiques.

Vous avez de nombreux chantiers à Cotonou, dont l'ambition est exemplaire. Quels sont ces chantiers et sont-ce ces concepts que vous mettez en application ?

Nous vivons une aventure exceptionnelle sur Cotonou. Au-delà des projets en eux-mêmes, c'est la vision globale de gouvernance et la méthodologie d'application qui nous impressionnent. Le musée du Vodun, le musée d'art contemporain de Cotonou, ou encore le futur quartier culturel et créatif font partie de nos projets à venir. Les principes architecturaux mis en œuvre utilisent des moyens d'isolation passifs comme le pisé, ou encore la ventilation traversante.

Quels sont vos projets ?

Notre prochain gros chantier, c'est la transmission. La responsabilité de passer le flambeau aux générations futures et, en même temps, exercer un rôle de sage en back-office. À l'heure de la révolution numérique, leurs défis mais également leurs outils seront différents, en revanche la philosophie qui nous pousse à l'épanouissement de nos concitoyens doit rester vertueuse.

Le 11/06/2023

Source web par : lepoint

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