Enfin l’heure du tourisme durable??

La pandémie de Covid-19, qui frappe le secteur touristique depuis 2 ans, réaffirme la nécessité de développer un tourisme prenant en compte les enjeux de développement durable. Cette approche, très présente dans la Vision 2020, est pourtant rarement mise en œuvre sur le terrain où elle pourrait constituer un réel atout, notamment avec le tourisme culturel.
La prise en considération croissante des enjeux de développement durable durant les dernières décennies n’est pas sans effet sur le tourisme. En effet, ce secteur est régulièrement pointé du doigt à travers le monde pour ses impacts sociaux, économiques et environnementaux, alors qu’il pourrait représenter un véritable levier de développement pour les territoires. Le tourisme durable, qui consiste à adopter des pratiques responsables, a ainsi été évoqué très tôt au Maroc.
Une Vision 2020 peu opérationnelle
Abdelilah Lahchimi, consultant international en tourisme, artisanat, économie sociale et développement durable, rappelle que « dès la Vision 2010, lancée en 2001, cette approche était présente, avec différentes actions telles que la Charte marocaine du tourisme responsable, créée en 2006 ». Puis, dans la Vision 2020, lancée en 2010, le tourisme durable devient un véritable chantier structurant, considéré de manière transverse avec les autres projets.
« À cette époque, le Maroc était très actif sur la scène internationale, en pointe sur toutes ces thématiques », explique le consultant. Différentes initiatives encouragent alors les acteurs à s’engager dans cette voie : nouvelle charte, mise en place des Trophées Maroc du Tourisme Durable, lancement de la Journée marocaine du tourisme durable, intégration de la durabilité dans les référentiels juridiques et normatifs… Mais, sur le terrain, très peu de projets se concrétisent et les initiatives finissent par s’estomper. « Il manquait probablement un véritable ancrage sur le terrain pour mieux accompagné le changement opérationnel, notamment dans les petites structures », suppose Abdelilah Lahchimi.
Les recommandations du CESE
Dans le rapport « Le tourisme, levier de développement durable et d’intégration », publié en décembre 2020, le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) va plus loin et indique que « la marginalisation des dimensions sociales dans les objectifs des deux visions du tourisme et la non-ope?rationnalisation de la charte marocaine du tourisme durable figurent parmi les constats les plus alarmants selon les acteurs auditionnés ».
Pour le CESE, le tourisme durable et responsable doit ainsi constituer l’un des principaux axes de la prochaine stratégie sectorielle. Selon le Conseil, elle devra inclure plusieurs priorités : rendre plus opérationnelle la charte marocaine du tourisme durable, « investir dans le développement des standards de la durabilité et de la responsabilité sociale dans tous les domaines (droits humains, transport, économie, etc.) et pour l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur principalement les petits opérateurs », promouvoir les investissements durables grâce au système fiscal, édicter des normes réglementaires alignées avec la concurrence internationale, ou encore favoriser un « Tourisme 365 jours » pour équilibrer l’activité sur l’ensemble de l’année.
Soutenir le tourisme rural
Parmi les pistes à explorer afin d’améliorer cette saisonnalité, le CESE évoque notamment des niches telles que le tourisme médical, le tourisme de bien-être ou le tourisme adapté aux seniors, mais aussi des approches fondamentales pour le pays comme le tourisme culturel et le tourisme rural. Ce dernier, durement touché par la pandémie, gagnerait à être mis en avant, selon Fahd Ghaidi, fondateur du site legrandsouk.ma : « nous avons lancé Le Grand Souk au début de la crise de Covid-19 pour soutenir, notamment, les petits acteurs touristiques, en voulant démontrer qu’un autre tourisme est possible, en dehors des grands groupes internationaux ». D’après lui, le tourisme local et solidaire a une vraie carte à jouer dans un contexte toujours difficile : « nous estimons qu’il y a aujourd’hui une plus grande prise de conscience des consommateurs, qui se tournent davantage vers les opérateurs locaux. Il existe une place pour un tourisme éthique, respectueux de l’environnement et de la culture des populations locales, mais aussi plus équitable ».
Les promesses du tourisme culturel
D’après le CESE, en ce qui concerne le tourisme culturel, « les pouvoirs publics ont mobilisé des efforts significatifs pour la mise en valeur du patrimoine, notamment a? travers le programme de mise a? niveau des médinas. Toutefois, les autres composantes n’ont pas encore bénéficié des mêmes moyens, particulièrement les sites et monuments historiques. Il faut souligner également l’absence de mécanismes permettant d’orienter, de stimuler et d’accompagner les initiatives privées locales, notamment pour le développement des projets d’animation et du tourisme social ».
De son côté, le professeur Hassan Faouzi, géographe-sociologue, estime qu’il existe un immense potentiel au Maroc pour le tourisme culturel : « tant au niveau du patrimoine matériel qu’au niveau du patrimoine immatériel, le Royaume dispose dans chaque région de richesses sous-estimées qui pourraient donner lieu à de nombreuses offres touristiques ». Il cite notamment les biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO, tout comme les patrimoines culturels immatériels que l’organisation reconnait également comme autant d’opportunités.
Malheureusement, d’après lui, le Maroc n’en profite pas vraiment : « prenons par exemple le Moussem de Tan-Tan, qui reste méconnu et peu exploité, alors qu’il pourrait attirer de nombreux touristes ». Pourtant, le tourisme culturel fonctionne parfaitement quand il est bien organisé : « depuis la normalisation des relations avec Israël, nous observons un engouement pour le patrimoine juif, avec ses anciens cimetières, les mellahs… ». Plus généralement, selon lui, de nombreux touristes sont en recherche d’authenticité, demande à laquelle le Maroc pourrait mieux répondre. « il faudrait que les acteurs publics se mobilisent pour passer des discours aux actes, en encourageant les initiatives locales de mise en valeur du patrimoine, car, jusqu’à présent, il y a peu de soutien sur le terrain. On a le sentiment qu’on privilégie toujours le tourisme de masse, qui pourtant séduit moins », explique-t-il.
Pour Abdelilah Lahchimi, c’est également du côté de la gouvernance que le tourisme durable pourra progresser. En incitant par exemple les régions à prendre en main leur propre stratégie touristique, avec éventuellement la création de SDL (Société de Développement Local), il est probable que les réponses apportées localement seront meilleures.
Le 23/09/2022
Source web par : cfcim
Les tags en relation
Les articles en relation

Tourisme. Plus de 27 milliards de DH à investir d’ici 2026
Le Maroc, à travers sa nouvelle feuille de route du tourisme, ambitionne, à l’horizon 2026, d’attirer 17,5 millions de touristes, d’atteindre 120 millia...

L'Afrique Face à un Défi d'Infrastructure pour la Coupe du Monde 2026: 17 Nations Sans Stade Homol
À l'approche des éliminatoires pour la Coupe du monde 2026, un défi majeur se dessine pour le football africain : 17 des 54 nations du continent ne dispo...

Technologie du voyage, panorama du tourisme ?
Technicien-diplômé d’Etudes supérieures de Tourisme auprès de l’Ecole Nationale de Commerce et de la faculté des lettres de Paris. Président de l�...

Des responsable HCR et UE saluent l'engagement implacable du Maroc envers les réfugiés
Des responsables onusiens et européens ont salué, mardi à Rabat, l'engagement implacable du Maroc en faveur des droits des réfugiés et leur accès aux ...

Le Maroc en tête du tourisme africain avec un record de 10 millions de visiteurs en 7 mois
Les pays d'Afrique du Nord connaissent une nette reprise touristique en 2024, tirant profit de la relance du secteur amorcée en 2023. Le Maroc se distingue...

#MAROC_TOURISME_SANTE: Comment faire revivre le tourisme de santé au Maroc ?
L’ère inspirante Covid, impose aux professionnels d’exploiter le tourisme de santé dorénavant porteur. L’idée de le développer doit être lancée tan...

Fatim-Zahra Ammor en visite à Marrakech
Une visite de travail sera effectuée à la ville Ocre de Marrakech, les 13 et 14 Janvier courant, par Madame Fatim-Zahra Ammor, Ministre du Tourisme, de l’Ar...

Marrakech-Safi 2024 : Tourisme, Investissements et Résilience
Entre performances touristiques, investissements record et événements culturels de grande envergure, la région Marrakech-Safi s’affirme en 2024 comme un p�...

Un léger avertissement pour le secteur du tourisme : une baisse de 10% des recettes en janvier 2024
En janvier 2024, les revenus du secteur touristique affichent une diminution de 10,5%. Les recettes des Marocains résidant à l'étranger (MRE) suivent la ...

Comment Agadir a perdu ses touristes
Le déclin du tourisme gadiri n’a pas commencé, comme certains le pensent ou veulent le faire croire, avec la pandémie en 2020. Mais bien avant. Il faut rem...