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Les 100 milliards de la COP22 : le « bluff » du siècle ?

Les 100 milliards de la COP22 : le « bluff » du siècle  ?

" L'analyse selon laquelle cette promesse [ndlr. des 100 milliards de dollars de financements] est avant tout destinée à « faire patienter » l'Afrique, la garder en haleine, attablée aux discussions, ne relève pas à mon avis de la paranoïa ". Tribune par le Professeur Saïd Karrouk, climatologue membre du GIEC - ONU, prix Nobel de la Paix 2007

Les terriens ont développé des systèmes pour un climat qui n'existe plus. C'est en une phrase la problématique actuelle qui fait le pont entre la civilisation et la nature. Sur cette trame de fonds, l'Afrique occupe une position aux enjeux protéiformes. Elle fait évidemment face au défi d'un développement durable au profit des pays, de leurs économies et de leurs populations. Ce défi s'érige indéniablement en priorité, en leitmotiv ultime. Or, dans le concert des négociations climatiques globales, les artisans de la géopolitique mondiale, -grandes puissances étatiques et multinationales- ont parfaitement conscience de cet invariable. Ils redoutent ainsi, au plus profond de leurs pensées, que le Continent -au sens de masse géopolitique- ne mette en œuvre tous les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif ultime et, au passage, légitime. En effet, le précédent du round de négociation de 2009 avait jeté l'effroi dans les couloirs de la diplomatie climatique internationale : l'Afrique avait alors sérieusement envisagé de se retirer des négociations sur l'avenir du Protocole de Kyoto, tant que les pays industrialisés n'annoncent pas « au moins 40% de réduction de leurs émissions polluantes ».

Penser petit, penser réplicable

Du coup, quand la déclaration finale de la COP 21 introduit une enveloppe budgétaire astronomique (100 milliards de dollars) à allouer aux pays en développement en appui à leur effort de lutte et d'adaptation au dérèglement climatique, l'on peut légitimement se poser des questions sur la « sincérité » de cette promesse, d'autant plus dans le contexte économico-financier actuel. L'analyse selon laquelle cette promesse est avant tout destinée à « faire patienter » l'Afrique, la garder en haleine, attablée aux discussions, ne relève pas à mon avis de la paranoïa. J'espère même que ce n'est pas du « bluff ». Non seulement les expériences passées et la configuration de l'ordre mondial confortent ce pressentiment, le flou artistique qui entoure encore la mise en œuvre de cette solution plaide également pour cette logique. Ceci dit, il est encore trop tôt pour se forger une idée précise sur la question. En revanche, les solutions locales, souvent simples, mais réplicables à grande échelle, représentent une réelle opportunité pour l'Afrique. Et si l'on aborde ce type d'initiatives sous le prisme du nouveau climat, les dividendes potentiels s'en retrouvent démultipliés. Là, l'apport technologique, ou simplement technique, peut être particulièrement salutaire. Prenons à titre d'exemple l'agriculture du point de vue de l'irrigation. Dans ce registre, le réchauffement du climat, on l'oublie souvent, favorise le rendement d'un bon nombre d'espèces végétales. Or, si l'on considère cette donnée, et que l'on y ajoute des techniques d'irrigation durables et simples du type goutte-à-goutte, les retombées peuvent potentiellement se démultiplier. D'autant plus qu'en Afrique, le terrain est souvent vierge, ouvrant le champ à implanter directement des initiatives innovantes sans passer par des étapes intermédiaires.

Capitaliser sur la force juridique, l'espoir

Mais ce saut qualitatif se limite malheureusement à des initiatives à petite échelle. A un niveau supérieur, celui des politiques publiques, je ne vois aucune embellie arriver. En effet, ne serait-ce qu'en ce qui concerne le dimensionnement et le paramétrage des infrastructures, je n'ai pas l'impression que les leçons ont été apprises. Ce sera d'ailleurs l'un des enjeux majeurs de la COP 22 qui se tient à Marrakech. Il s'agira ainsi avant tout de proposer des solutions réalisables et de mettre en forme l'application des mesures entérinées lors de la précédente conférence tenue à Paris. D'une part sauvegarder l'existant, et d'autre part le mettre à niveau et l'adapter. Dans ce sens, la mission du Maroc est déjà quasiment accomplie, notamment à travers la participation à faire adopter le Protocole de Paris et le faire ratifier avant le début de la COP de Marrakech. Cette dernière sera ainsi la première à débuter suite à un accord signé et ratifié, qui entre en vigueur le 4 novembre 2016. La conférence de Marrakech aura ainsi la force juridique de sa prédécesseure.

Continent cherche héros

En attendant qu'en pratique, des solutions puissent être déployées à l'échelle planétaire et surtout, qu'elles puissent bénéficier à l'ensemble de la population mondiale, le dérèglement du climat est quasi impossible à enrayer, et ce d'un point de vue scientifique. A tel point que l'enjeux n'est plus d'arrêter la hausse des températures moyennes, mais d'abord de faire en sorte qu'elle n'augmentent pas plus rapidement, qu'elles n'accélèrent pas. En effet, la concentration des gaz à effet de serre a déjà dépassé le seuil fatidique des 400 ppm (parties par million). Aussi, combien même les pays respecteraient leurs engagements quant aux émissions nocives, ce qui est encore loin d'être acquis, l'on est bien partis pour dépasser l'augmentation moyenne de 2°C. L'humanité est donc dos au mur, devant à la fois sauver sa planète et s'adapter à son nouveau climat. L'horizon n'est pas obstrué. Surtout que ce qui nous vivons aujourd'hui n'est pas que technique, mais bien global à toute l'humanité. Mais malheureusement, les décideurs ne s'intéressent pas prioritairement à ces questions d'un angle « humaniste », mais plutôt, sans surprise, d'un angle de rapports de force et de balance de pouvoirs. Les agendas sont bien définis et répondent à des logiques incompatibles avec les objectifs de sauvetage de la planète. C'est notamment le cas en Afrique, où les décideurs sont déconnectés des vérités scientifiques. Pire encore, l'Afrique regorge d'imminents scientifiques et de brillants chercheurs, mais ces derniers ne servent souvent pas les intérêts de leurs pays et de leur continent, malheureusement.

17/11/2016
SOURCE WEB Par Afrique.Latribune

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